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France/Côte d’Ivoire : les amitiés socialistes de Laurent Gbagbo

Dès jeudi soir 2 décembre, le Parti socialiste français saluait la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle ivoirienne. Mais d’autres figures du PS sont restées plus ambiguës, au risque de brouiller le message de leur formation politique. Qui sont ces socialistes qui ne font pas mystère de leur longue amitié avec Laurent Gbagbo ? Enquête dans la nébuleuse « socialo-ivoirienne ».



Le président de Côté d'Ivoire Laurent Gbagbo (C) accueille Charles Josselin (G) et Henri Emmanuelli, une délégation du bureau national du Parti socialiste français pour une mission d'information, le 27 février 2003 à sa résidence de Cocody à Abi
Le président de Côté d'Ivoire Laurent Gbagbo (C) accueille Charles Josselin (G) et Henri Emmanuelli, une délégation du bureau national du Parti socialiste français pour une mission d'information, le 27 février 2003 à sa résidence de Cocody à Abi
Samedi 4 décembre, à Abidjan, dans le palais présidentiel, quelques rares Européens assistent à l’investiture de Laurent Gabgbo, et parmi eux, le Français Guy Labertit. Un vieil ami du président sortant, un militant socialiste qui a accueilli chez lui l’opposant Gbagbo, contraint à l’exil par le pouvoir d’Houphouët-Boigny, au début des années 80.

Une amitié indéfectible, qui posa quelques problèmes au sein du Parti socialiste. Quand François Hollande était le premier secrétaire du PS, Guy Labertit en était le « Monsieur Afrique ». Un poste qu’il occupa jusqu’en 2004, avant de le quitter officiellement pour s’en aller travailler dans le privé. Mais 2004, c’est aussi l’année où François Hollande déclare « infréquentable » le président de la Côte d’Ivoire dont le parti, le FPI, est pourtant membre de l’Internationale socialiste. Quelques mois plus tôt, le correspondant de RFI Jean Hélène a été assassiné, et en novembre 2004 l’aviation ivoirienne bombarde l’armée française à Bouaké. Une prise de distance diversement appréciée au sein du PS, où Laurent Gbagbo compte quelques soutiens, et notamment Henri Emmanuelli.

Le député des Landes occupe la présidence de l’Assemblée nationale en 1992, lorsque Laurent Gbagbo est arrêté par le gouvernement Ouattara, et condamné à 6 ans de prison. Grâce à l’activisme de Henri Emmanuelli, le leader du FPI est finalement libéré 5 mois plus tard. « Laurent Gbagbo a pour lui une reconnaissance absolue de l’avoir sorti de prison », raconte une ancienne collaboratrice du député des Landes. Laurent Gbagbo débarque même un jour dans les Landes avec ses enfants, « et on ne compte plus les avenues et les ronds-points Henri-Emmanuelli en Côte d’Ivoire ». Pour Laurent Gbagbo, Henri Emmanuelli est son « jumeau blanc » ; les deux hommes sont nés le même jour, le 31 mai 1945.

Des proches du député des Landes relativisent aujourd’hui cette amitié. Sauf qu’à Paris, Henri Emmanuelli veille à défendre l’image de son « jumeau blanc ». Quitte à contredire la position officielle du Parti socialiste. Alors que jeudi soir le PS appelle « le pouvoir en place à respecter les résultats de l'élection et le travail de la Commission électorale indépendante », Henri Emmanuelli et son collègue député François Loncle, le président du groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire à l’Assemblée nationale, dénoncent le lendemain matin dans un communiqué « une campagne de suspicion et de dénigrement à sens unique dirigée contre les autorités ivoiriennes », et menée selon eux par « la majorité des médias français ». Un communiqué qui fait du bruit à Paris, du côté de la rue de Solférino, où siège le PS, mais aussi à Abidjan, où il est lu en direct et en intégralité sur la RTI, désormais aux mains du clan Gbagbo.

Le même jour, Henri Emmanuelli accorde au quotidien Sud-Ouest une interview, dans laquelle il va plus loin : « Je ne suis pas le Conseil constitutionnel ivoirien, mais je pense qu'il va dire l'inverse : les partisans du président sortant disent que c'est lui l'élu, avec 51,7% des voix ». Henri Emmanuelli est un homme parfaitement informé, à quelques décimales près : quelques heures plus tard, le Conseil constitutionnel déclare Laurent Gbagbo vainqueur, avec 51,45% des voix…


Un autre socialiste, Jack Lang, ne fait pas non plus mystère de son amitié avec le président ivoirien. L’ancien ministre de François Mitterrand s’est rendu à plusieurs reprises à Abidjan. On le voit notamment dans un reportage de la RTI diffusé en 2008 dansant en boîte de nuit aux côtés de Laurent Gbagbo…

Jack Lang, mais aussi les députés strauss-kahniens Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marie Le Guen se sont retrouvés à Abidjan en octobre dernier. Pour soutenir Laurent Gbagbo ? Non, répondait la semaine dernière dans Mardi Politique sur RFI le secrétaire national chargé de l’international, « pour soutenir le processus démocratique ».

Un déplacement jugé pourtant suffisamment ambigu pour que Martine Aubry mette les choses au point dans une interview au Journal du Dimanche : « Ils y sont allés en leur nom propre. ». « Il n'y a qu'une position du PS, répétait lundi matin le porte-parole Benoît Hamon, passablement agacé de devoir contredire son mentor Henri Emmanuelli. Ne retenez que celle-là. » Pas question d’entrer dans une nouvelle cacophonie dont le Parti socialiste a le secret. Jack Lang finit d’ailleurs par rentrer dans le rang, en appelant dimanche Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. « Tu te grandirais en reconnaissant » la victoire d’Alassane Ouattara, écrit l’ancien ministre au président sortant.

Henri Emmanuelli ou Jean-Christophe Cambadélis, eux, restent silencieux. Le secrétaire national chargé de l’international au PS n’a d’ailleurs signé aucun des derniers communiqués du parti sur la Côte d’Ivoire. A-t-il été désavoué par Martine Aubry ? « Non, c’est parce qu’il était en Pologne », justifie-t-on au PS. Henri Emmanuelli, lui, est d’un tout autre avis : « J'ai parlé à Jean-Christophe Cambadélis, expliquait-t-il dans Sud-Ouest, il m'a dit qu'il n'avait pas été consulté, sans quoi il n'aurait pas signé ce texte (le communiqué de jeudi soir) ». Jean-Christophe Cambadélis voulait-il éviter de fâcher ses amis ivoiriens ? L’intéressé n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. Mais dans la famille strauss-kahnienne, les liens avec Laurent Gbabgo ne sont pas qu’amicaux.

A la Fondation Jean-Jaurès, qui se veut « le lieu de la rénovation de la pensée socialiste », on retrouve la trace de Guy Labertit, l’actuel conseiller politique de Laurent Gbagbo. « Mais il n’a plus aucun rôle opérationnel depuis plusieurs années, depuis qu’il a créé sa boîte », assure Gilles Finchelstein, le délégué général de la Fondation Jean-Jaurès. Et si le nom de Guy Labertit, en tant que « conseiller du président sur l’Afrique », figure toujours sur le site internet de la Fondation, « c’est très bizarre... », concède Gilles Finchelstein.


Dans la grande famille DSK, il y a aussi Euro-RSCG, et son patron Stéphane Fouks, l’un des communicants les plus influents de Paris, et proche conseiller de Dominique Strauss-Kahn. Euro-RSCG a participé à la campagne présidentielle de Laurent Gbagbo, et la presse ivoirienne a même présenté Stéphane Fouks comme « le conseiller en stratégie » du président sortant. Un titre qu’on conteste du côté d’Euro-RSCG : « C’est lui donner un rôle plus central qu’il n’a eu. Et aujourd’hui on ne participe pas à la gestion de l’après-vote. » Comme s’il fallait à présent prendre ses distances avec Laurent Gbagbo, mis au ban de la communauté internationale. Il est vrai que le big boss a donné le la dès samedi. Dans la foulée des Nation unies, le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn reconnaissait la victoire d’Alassane Ouattara.

Rfi

Mardi 7 Décembre 2010 - 09:51


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