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Gbbéjé (réincarnation Eponymiques) et Gijen (chasse funéraire): deux aspects anthropologiques du moi collectif Balante

Gbbeje et Gijen, deux aspects anthropologiques de la communication liturgique du moi collectif Balante. De tous les côtés que nous envisagerons d’aborder ce thème, l’angle d’attaque incontournable est celui du rapport entre l’être humain et la mort. La préoccupation centrale de la religion traditionnelle Balante (animisme) est la caducité de l’âme comme une fin naturelle inéluctable.



Professeur Sény SADIO, Historien, Chercheur, Traditionaliste
Professeur Sény SADIO, Historien, Chercheur, Traditionaliste
La mort dans la cosmogonie Balante

Les différents termes métaphoriques pour désigner l’état de mort
Les Balantes animistes pratiquaient une religion superstitieuse. La mort naturelle, surtout de jeunes éphèbes et d’enfants, était, difficilement, acceptée.

La mort était, en général imputée aux forces maléfiques sortilèges de l’anthropophagie. La mort était considérée comme une hantise collective, une répugnance entrainant l’inertie de l’âme et la caducité de toute vie biologique et botanique.

En foi de cette interprétation, la mort est désignée en Balante par le terme de Guloodé.
Guloodé dont la signification littérale est « ce qui est répugné », « qui n’aime personne et que nul n’aime ».

En marge de cette définition générale de la mort, les expressions ontologiques  graduelles sont employées selon l’âge du mort.

Adiisu : ce terme s’emploie pour un mort né.
Aὴodu : « il est retourné » se dit pour un bébé mort précocement.
F’yoor : « néant »
Lorsque le décès intervient avant l’âge pubertaire, le défunt est un regretté n’ayant accompli aucune œuvre concrète ou bénéfique pour la postérité.

Amuulé : le défunt est mort à l’âge adulte. En plein gestation de ses aptitudes et des opportunités. Cette mort est interprétée comme un désire non assouvi.

Biyaal : le défunt a atteint l’âge mature révolu. Il a laissé à la postérité, des femmes, une progéniture, des biens matériels : une mort assimilée à une perte incommensurable.

Ajiigu : la mort d’une vieille personne est considérée comme un retour paisible au bercail céleste, après une mission pleinement accomplie. Dans ce cas, la mort devient une véritable canonisation de béatitude par le Dieu suprême : ṄIAALE

Abuuju : se déraciner ou s’affaler. Un terme désignant la mort d’un(e) vieillard(e). Cette métaphore rappelle l’idée d’un mirador qui s’affaisse. A cause du capital d’expériences, de sagesse dont sont dépositaires les vieilles personnes, elles sont assimilées à des miradors dont la vocation est de conserver des valeurs de civilisation millénaire. Cette allusion s’illustre par le fait que les vieillards sont dépositaires des coutumes, des rites, des us et de la rhétorique initiatique.

Awaadu : A cause du poids de l’âge, le vieillard s’est affalé comme un grand arbre séculaire.
NB : Pour intensifier l’image métaphorique de la mort du vieillard, on utilise l’expression « Bsaay b’danma buuju ou B’saay b’dan waadu » c’est-à-dire « le grand fromager s’est déraciné ou s’est affalé »

La psychologie du deuil
Le deuil est observé avec une profonde compassion et avec une très grande tristesse. Les multiples métaphores pour désigner le défunt sont très éloquentes de l’état d’esprit dépressif des Balantes face au deuil.

La mort du jeune éphèbe et de l’adulte engendre un concert de pleurs et de lamentations. Tandis que lorsqu’un vieillard succombe, la nouvelle funèbre est annonciatrice de réjouissance festive. Car on se saoulera abondamment de vin de palme et on mangera de la viande à satiété.

Dans ces deux cas circonstanciels de la mort, le deuil est observé différemment :
-La mort de jeune, d’adulte, est une anomalie. Elle est imputée à des facteurs surnaturels, maléfiques. On s’acharne à détecter les causes profondes qui sont à la base de la mort. On fait recours à l’interrogatoire d’un panier sacré. La sacralisation du panier se fait par des éléments ci-dessous :
         A l’intérieur du panier, on met un bracelet en argent et une petite-cloche.
         On couvre le panier d’un pagne blanc.

Ces préalables satisfaits, on choisit parmi les proches du défunt, quatre à dix (10) gaillards valides pour attraper le panier.

Une prêtresse se livre à des citations séquentielles pour déterminer les causes de la mort. Au fur et à mesure que dure la cérémonie, une force motrice commence à faire bouger le panier.

Lorsque les circonstances déterminantes sont citées, le panier s’ébranle violemment et entraine les tenants vers le lieu où l’âme du défunt à été intentée. En ce lieu, on commence des citations afférentes aux forces du mal (mauvais esprit, sorcier, anthropophage). Si c’est l’anthropophagie qui est incriminée, le panier cogne violemment la personne jugée responsable de la mort. La culpabilité authentifiée, le malheureux responsable est couvert d’opprobres. Il est désormais, un sujet de délation, de médisance, de méfiance et de suspicion collective.

La compassion et la tristesse seront les sentiments collectivement partagés. Durant tout le temps que la sépulture est fraiche (deux à trois jours), toute restauration est prohibée dans la maison mortuaire. Les enfants, à bas âge, résidant dans la maison sont transférés dans des maisons voisines.

Les pleurs génériques ou Giry bsiij
Une véritable apothéose du deuil. Il y a un mois que la date des funérailles est fixée. A huit (08) jours de cette date fatidique des pleureuses talentueuses arrivent à la maison mortuaire. Il s’agit des proches parents du défunt. Parmi elles, une femme centrale : celle qui a été la marraine de toutes les femmes mariées par le regretté disparu. Celle-là, même qui a sacralisé les mariages par l’octroi du pagne nuptial ou « fmangi ᵮeelé ». Cette femme, depuis l’avènement du décès, était demeurée cloitrée dans la chambre majestueuse ou Hoddύ Udanῃ (appartement à la première épouse du carré).

Ces pleureuses possèdent des aptitudes avérées : parfaite connaissance de l’arbre généalogique, de la biographie et de la chronologie de la maladie de celui dont le deuil est observé. Elles deviennent des personnages atypiques. Elles se défrichent les cheveux et attachent la tête d’une bande d’étoffe blanche. Elles sont en torses nues et ceignent leurs reins d’un pagne noir superposé d’une étoffe blanche. Les sœurs les plus proches du défunt tiennent à la main des piquets à deux fourches. Tandis que les autres ont des petites barres de fer et des cloches en miniature. Elles se livrent à une véritable chorale de rhétoriques expiatoires. Par intermittence, les barres de fer sont frappées les unes contre les autres. Les cloches sont agitées. Le tout donne une sonorité clinquante.

A la veille de leur arrivée à la maison mortuaire, on construit une hutte à leur intention. Elles y passeront la nuit, pendant toute la durée de leur séjour. Elles se coucheront sur leurs lits de fortune : de simples grabats sur lesquels sont posées des nattes tressées à l’aide des feuilles de raphia ou des feuilles de rôniers. Ces nattes sont très malléables.

Les pleureuses accompagnent les veuves à la source d’eau voisine pour leur bain de purification. Ces veuves sont sacralisées, à nouveau, par une bande d’étoffe noire trempée dans le sang de l’animal qu’on a immolé pour le repos de l’âme du défunt-mari.

On se rend à la source à des heures, pendant lesquelles, la circulation n’est pas encombrée : elles s’y rendent dans les environs de dix neuf (19) heures et ne reviennent qu’aux alentours de vingt deux (22) heures.

Le matin de bonne heure, elles récidivent le retour à la maison est faite avant l’aurore. 
Lorsque les funérailles sont consacrées, les nattes mentionnées, préalablement, sont incinérées au carrefour de deux routes adjacentes. La rétrospective, de cette panoplie psychologique relative à la mort, est démonstrative de la compassion, de la désolation, de la superstition endurée surtout lorsque la cible appartient à ces trois tranches d’âge (l’Enfant, l’Adolescent, l’Adulte). Si la mort est tant redoutée pour ces catégories, elle n’a pas le même effet quand meurt un vieillard ou une vieille. A ce stade, la mort devient une réjouissance, une festivité. L’annonce de la mort est faite par une détonation sourde d’un mousquet (fusil à fabrication indigène).

Les « belles filles » et les filles nées de l’ascendance du patriarche, esquissent des pas de danse. Pour égayer la galerie, elles se livrent à des simulacres de pleurs. Cette salve d’honneur nécrologique est un témoignage porté sur la longévité du vieillard. La longévité est assimilée aux mérites du mort qui a esquivé toute les entraves, à transcendé tous les obstacles pour ainsi résister aussi longtemps à la mort. Les anciens Balantes, bien que superstitieux et hantés par la mort, reconnaissent l’immortalité de l’âme. Ils considèrent la mort comme une voie obligée par une autre vie à l’au-delà (Hulé) : la résurrection.
Par compension, ils stipulent que les morts mués en bons diables (Bi huulé bibonjé) renaissent dans le sein des femmes. Ils sont réengendrés dans leur ancien clan terrestre : c’est la réincarnation passive. Cette réincarnation est couronnée par l’attribution du bbéjé ou éponyme.

Mode d’attribution et valeur sociétale des Gbbéje (Réincarnation éponymique)
Mode d’attribution des Gbbéjé ou éponymes
Lorsque l’enfant, dès son bas-âge, présente des signes symptomatiques de maladies répétitives, on déduit qu’il réclame un pacte d’allégeance aux ancêtres ou « Giyura ». Cette pratique culturelle traditionnelle permet de déceler chez l’enfant maladif, l’ancêtre qui l’a incarné. Cette incarnation passive de l’ancêtre mort à l’âge mature révolu fait recevoir à l’enfant, un éponyme ou bbéjé. Le bbéjé chez les Balantes bijaa bigang-jaa (Balantes du groupe Casamançais) est un prénom totémique. 
Il y a au total vingt trois (23) Gbbéjé ou éponymes chez les balantes. Ils sont répartis en quatorze (14) éponymes masculins et neuf (09) éponymes féminins.

         Les éponymes masculins ou Gbbéjé Glaanté :
Gwaadi, Benᵵambé, Bingaṅa, kpumba, Maalử, Ṅaaga, N’fanda, Nᵮunbu, N’jaama, Saaṅa, Siiga, ᵮeelử, Yaala, Yamdé.

         Les éponymes féminins ou Gbbéjé Gniine :
Daanᵮi, Digử, N’dangi, N’janga, N’ᵮangi, Sidử, Dingử, Guṅi, ᵮaami
-En se livrant en une introspection de ces attributs identitaires, on se rend compte de quelques remarques générales.

Dans le foyer d’origine la plus récente : le jaa ou woy (compris entre les rio corubal et Geba) en Guinée Bissau, les balantes Mané résidents ne font pas usages des Gbbéjé. Ils sont utilisés par les Brames ou Mancagnes mais pas aussi exhaustif.

-Par hypothèse, nous présageons que cette trouvaille inédite est l’œuvre du Laal ou Maître chasseur (appelé Simbon par les Mandingues). Celui-ci est crédité d’un grand pouvoir divinatoire. On lui prête le pouvoir de compréhension du langage des animaux. De ces êtres voisins de l’homme, il est renseigné, sur les sites idéaux devant servir à l’emplacement des villages. A ce titre, il est le précepteur des féticheurs et l’inventeur des toponymes. Les éponymes seraient, probablement, des prénoms totémiques. A chaque animal correspond un Gbbéjé (éponyme).

Sans être exhaustive, ces illustrations éponymiques d’animaux de consolider l’hypothèse émise :
-Bingaṅa                                                                           la gueule tapée
- Daanᵮi Galé                                                                  le chat
- Diigu Tuuba                                                                   le singe
- Maalu                                                                             le margouillat
- Ṅaaga                                                                             l’hyène
- N’ᵮangi                                                                           le chien
- Siidu                                                                               la chèvre

La valeur sociétale de Gbbéjé
La langue balante ou Fjaa est parabolique et très allusive. L’enfant, dans son évolution, révèle une morphologie physique. Par allusion à cette morphologie, une femme farceuse, de la maison, décerne à l’enfant, un sobriquet ou un quolibet (Gulunguda). L’enfant conservera ce sobriquet comme prénom. Mais ce prénom devient prohibé toute fois que le garçon a subi la grande initiation (Gisangé Gindan). Il en sera de même pour la fille qui attache le pagne nuptial sacré (Fmagi ᵮeelé).

Désormais les nouveaux promus à la catégorie des adultes seront appelés par leurs cadets et les femmes en leur bbéjé. On agrémente l’appellation du bbéjé par un complément additif. Ce complément est un prénom additif appartenant à la lignée patriarcale ou à la lignée matriarcale. La lignée est un repère social qui indique, à chaque être humain son arbre généalogique. Cette notion d’arbre généalogique renvoie à la conception que les anciens balantes avaient de l’humain. Ils assimilaient la progéniture à une graine dont la germination a donné de la semence : bsugi.

Cette semence (bsugi) a germé d’une botte de terre imbibée d’un abondant caillot sanguin : donc les balantes interprètent l’être humain à une botte de terre. La station humaine verticale est représentative de l’arbre généalogique soutenu par des racines. La racine ou Gbul symbolise la lignée parentale. La parenté des Balantes est large et élastique. L’élasticité parentale s’acquiert par la contraction des liens d’alliance émanant de mariages inter-claniques, de l’Anthropol, de lévirats et d’éducation adoptive.
L’amour de la parenté congénitale est une grande vertu commune à tous les Balantes. Chaque clan est soucieux de la perpétuation et du renforcement des liens lignagers.

Ce sacerdoce conservatoire incombe à chaque membre du clan. Chaque individu du clan est astreint à connaitre, parfaitement, sa lignée patriarcale et sa lignée matriarcale. Une véritable obligation sacerdotale qui est surveillée religieusement pour les femmes. Les Gbbéjé et les prénoms additifs (Bitenga) sont employés : à l’occasion des salutations complimentaires :
•          M’BEMNDE : salutation d’usage en guise de reconnaissance d’un service rendu.
•          NBITIDE : salutation d’hospitalité destinée à un(e) étrangèr(e).

L’hôte rend la politesse à celui qui l’a salué en augmentant à son éponyme un prénom additif. Ce prénom additif équivoque d’une parenté du père ou de la mère. Ce procédé permet à tous, de connaitre amplement la genèse de son arbre généalogique.

Les tantes germaines et les tantes utérines se livrent à une scène d’émulation dans la transmission du listing prénominal des deux lignées (Bitenga).

Pour éviter toute confusion entre les lignées (Bitenga), chaque clan a la paternité exclusive des prénoms spécifiques. La maîtrise des bitenga facilite l’identification de son arbre généalogique, pour mieux maîtriser la nature des liens de parenté. Elle intervient aussi dans l’attribution d’Anthropols ou de lévirats (Gisuma).

Pour démontrer la spécification exclusive de prénoms claniques, nous empruntons l’illustration de la lignée des Koussy Manga dont le totem est l’hyène :
-Les Ascendants : Jeera, Bwaasé M’boolo, Beekuu
-Les Subsidents : Ṅaaba, Lamine, N’ghatté, Siia, Lansara, Ṅiῃaaba
-Les descendants : Guunna, Tega, Yaffa.

Si les éponymes ou Gbbéjé sont codifiés chez les Balantes « Bejaa begaή- jaa », ils sont quasi ignorés par les « Bijaa Alibb ».

Dans les salutations complimentaires, ils les ont substitués, par le bbemble. Dans ce cas, l’attribution patriarcale et matriarcale devient une paternité lignagère directe et plus intensive. Les prénoms des oncles germains servent à complimenter, plus souvent, celui de l’hôte à qui sont décernées les salutations complimentaires.
Exemple : Inaa Malang.

Donc l’usage de salutation se fait par le biais de la paternité prénominale. Tandis que les Balantes « Brassa » et les Balantes Ṅaga n’utilisent ni le Gbbéjé, ni le bbemble. La dimension parentale est phallocratique et très restrictive. L’enfant s’identifie par le prénom de son père. La genèse de la lignée est exclusivement paternaliste.
Exemple : Boubou na N’juda, N’juda na yaή-na

Le dogme du Gijen : les récipiendaires, les phases préliminaires et sa consécration
Le Gijen est une partie de chasse domestique permissive. Cette chasse cible le cheptel domestique et les poules. Elle n’est pas organisée de manière fortuite. Elle remplit des conditions atténuantes de tolérance en guise d’un hommage posthume qu’on rend à un défunt dont le contrat à l’égard de la société était œcuménique : une personne d’utilité publique. Cette catégorie de personnalités sont les récipiendaires.

Les récipiendaires du Gjen :
La chasse domestique permissive est organisée aux décès des personnalités très distinguées pour leur dévouement à l’humain et à l’équilibre de la société. Il s’agit :
-Du guide des Hommes (Atengi bilanté) qui dirige le collège des adultes.
-Du forgeron (Afaa) : féticheur (Asigé), du maître chasseur (Laal)
-De la N’teer Bilanté : une femme devineresse chargée de la protection mystique du village ; représentante des femmes au collège délibératif du conseil des notables (Giraalé).
-des vieillards et des vieillardes.

Les catégories socioprofessionnelles, antérieurement énumérées, une fois, la cinquantaine entamée, bénéficient de la distinction honorifique du Gijen.

Les rites propitiatoires
Les morts à l’âge mature révolu sont mués en diables bienfaiteurs prodiguant aux vivants félicité, protection et bénédiction. Entre ce bas monde et l’au-delà, la limite est ténue. Pour permettre à l’esprit du défunt d’intégrer ceux des devanciers à l’au-delà, il faut immoler une chèvre, avant le forage du tombeau. Ce sacrifice est appelé N’gantil. C'est-à-dire enjamber le Rubicon qui sépare le monde matériel de celui spirituel.

Cette propitiation sera exaucée par les ancêtres dont l’esprit est sacralisé grâce au désensablement du tombeau : bboo-bojà. Ce désensablement a lieu, le troisième jour du deuil. On sacrifie un taureau. Le jour même du deuil, la tristesse et la désolation relatives au décès, sont dissimilées par une séance de Balafon. Toute la journée, c’est la danse épique des Hommes ou Njongta. C’est une danse d’exhibition au cours de laquelle, chaque danseur s’auto-glorifie par la narration de ses hauts faits d’exploits.  Cette réjouissance festive permet le repos de l’âme du défunt. Toute abstinence à tous ces rites propitiatoires peut être source de calamité pour le clan lignager du regretté disparu.

En prélude au Gijen, des précautions utiles sont prises en vu de s’octroyer une grande quantité de vin destinée à la grande affluence des hôtes. A la mort du vieillard ou de la vieillarde, la nouvelle nécrologique, n’est pas vulgarisée à une grande échelle. Quand le décès intervient à une heure tardive de la nuit, on informe le guide des Hommes. Celui-ci commandite les jeunes récolteurs d’aller rançonner les gourdes de vin de la palmeraie environnante. Cette attitude permissive explique la communauté de biens et de destin des Balantes. Si le défunt a été auteur de satisfaction collective, sa mort doit être une peine partagée. La charge sacerdotale du décès incombe à tous. C’est alors le communautarisme de la propriété du cheptel et de la volaille. C’est pourquoi, nul n’a le droit de rechigner  si toute fois que son bétail est tué. Les plus prompts propriétaires de chèvres, de porcs et de poules, s’empressent à cacher leurs têtes de bétail, dès qu’ils aient entendu la détonation du mousquet (fusil à fabrication indigène). C’est le seul subterfuge pour sauver leur avoir.
 
 
La consécration du Gijen
Tandis que le tombeau du défunt est en cours d’aménagement, une horde d’adultes fait la ronde des maisons du village, à la quête d’un animal à tuer. Cette bande débridée fauche chèvres, porcs et poules. Les poules et les chèvres sont tuées à l’aide de bâton. Les porcs sont fusillés. Lorsque la moisson n’est pas propice, le glanage de cheptel à abouter se poursuit sur l’ensemble du terroir attenant au village. Toute viande à provision est grillée. Cette grillade est assaisonnée de gorgés de vins. Dans cette société gérontocratique, les notables ont un traitement de faveur. Les notables se retirent et se mettent à l’écart. Ils sont assis sous le mirador à hauteur du grenier public (Gibouri fsaar). Ce grenier de toute la provision de mil du champ collectif est excentré par rapport à l’habitat, on leur sert des boulines de vin et de grillade de la viande de porcs, de chèvres. Lorsque la battue n’a pas été très porteuse, les adultes se contentent de la grillade de chaires de poules. Si la viande est abondante, ils pourront s’engaver.
Les femmes, les plus âgées, se contentent des côtes et des parties très osseuses. Les jeunes femmes : « les belles filles » ou les descendantes vont se saouler des résidus de vin contenus dans des boulines (footo)

Par la réincarnation éponymique, les balantes pausent des actes posthumes de la perpétuation de la lignée parentale. La mort occupe une place importante dans les aspets antropologiques de la société animiste Balante. La mort est une caducité inévitable de toute vie animale et biologique, selon les anciens balantes. Cette inertie du corps originel est appelée de diverse manière. Les anciens balantes croient à l’au-delà et à l’immortalité de l’âme. Le jugement dernier est une conception ontologique chez les Balantes. C’est pourquoi, pour le repos de l’âme des défunts dont la vie en ce bas monde était bénéfique à la communauté, il est organisé une chasse funéraire ou Gijen.


Professeur Sény SADIO, Historien, Chercheur, Traditionaliste

Mardi 6 Septembre 2016 - 15:08


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