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L’Allemagne restitue 20 crânes humains à la Namibie

Plus d'un siècle après que les crânes des victimes namibiennes aient été envoyés à l'institut anthropologique de Berlin, l'Allemagne restitue 20 crânes humains des 300 têtes qu'elle possède à la Namibie



Foto: dapd/DAPD© Crâne d’un namibien. „Charite“ Berlin
Foto: dapd/DAPD© Crâne d’un namibien. „Charite“ Berlin
Historique

A la suite de la conférence de Berlin (1884-1885) l’Allemagne occupe officiellement le Sud-Ouest Africain, appelé Sud-Ouest Allemand (1884-1919) qui deviendra la Namibie indépendante en 1990. Le Dr. Heinrich Goering, père du tristement célèbre Hermann Goering est placé à la tête de ce protectorat.

 Dès leur implantation en territoire namibien, les Allemands confinent les Héréros dans des zones arides. Ces derniers se révoltent le 12 janvier 1904, sous la direction de leur chef, Samuel Maharero. Les Héreros et les Namas résistent farouchement aux Allemands. Ils tuent 123 Allemands. La répression est terrible. Le gouverneur Lothar von Trotha donne aux troupes coloniales l’ordre «d’exterminer», «Vernichtungsbefehl» aux troupes coloniales ou «Schutztruppen » tout Héréro armé ou non, y compris femmes et enfants, qui refusera de céder ses terres et son bétail.

«Les Hereros ne sont plus des sujets allemands. (Ils) doivent quitter le pays. [..] Dans les frontières allemandes, chaque Herero armé ou non, en possession de bétail ou pas, sera abattu. Je ne recevrai plus de femmes ou d’enfants. Je les renverrai aux leurs, ou je leur ferai tirer dessus […] Ma politique a toujours été d'exercer celle-ci par le terrorisme brutal, voire par la cruauté. J'anéantis les tribus insurgées dans des flots de sang…. C'est la seule semence pour faire pousser quelque chose de nouveau qui soit stable.»  Lothar von Trotha, Grand Général du Puissant Kaiser.

65 000 Namibiens sur les 80 000 dont se composait la population sont sauvagement massacrés pour avoir refusé de céder leurs terres. Ils sontpoussés vers le désert du Kahalari. Ils y meurent de faim et de soif au cours de la bataille sanglante et décisive de Waterberg, le 11 août 1904.

 Le premier génocide du 20 ème siècle
 
C’est dans ce protectorat du Sud-Ouest allemand, aujourd’hui la Namibie, qu'a eu lieu le premier génocide du 20 ème siècle et que les premiers camps de concentration ont été ouverts. Les premières expériences médicales ont été faites sur des prisonniers Héréros et Namas, afin d’étayer les thèses du 3ème Reich sur la notion de «race». Les crânes des Héréros et des Namas ont été envoyés à l’institut pathologique du département d’anthropologie de « Race et Hygiène sociale» de Berlin afin de prouver scientifiquement la prétendue supériorité de la race aryenne sur les autres peuples et, dans ce cas précis, celle des Européens blancs sur les Africains noirs, grâce à l’analyse des caractéristiques faciales des têtes des Noirs.
 
C'est un peuple pratiquement décimé qui, aujourd'hui, réclame des réparations.
 
Il est vrai qu’en 2004, l’ancienne ministre de la coopération dans le gouvernement du SPD et des Verts, Mme Heidemarie Wieczoreck-Zeul avait exprimé les regrets de son pays au cours de la cérémonie
commémorative du 100ème anniversaire du soulèvement des Hereros et Namas contre l'Allemagne coloniale dans le Sud-Ouest africain. Elle avait notamment déclaré :  
 
 «Les atrocités commises à cette époque seraient appelées aujourd'hui génocide et le général von Trotha serait traduit en justice et condamné [...] Nous Allemands, acceptons notre responsabilité morale et historique, je vous demande de nous pardonner.»
 
Mais ce ne sont pas des excuses officielles et encore moins une promesse de réparations. L’Allemagne fait la sourde oreille en ce qui concerne la question des réparations, car elle est le principal bailleur de fonds de la Namibie. C’est le pays qu’elle soutient le plus financièrement en Afrique. Elle considère donc que cette aide substantielle est une forme de réparations pour les exactions commises autrefois.

La restitution des crânes :
Pour les  Namibiens, les crânes conservés en Allemagne ne sont pas des  pièces de musée ou des vestiges à caractère historique. Ce sont les restes de leurs grands-parents massacrés en 1904, lors de l’extermination de leur peuple: Ces crânes se trouvent au Musée de l'histoire de la médecine de l’hôpital de la Charitéde Berlin. Des dizaines d’autres crânes sont conservés à l’Université de Freiburg, dans le Sud-Ouest de l’Allemagne.
 
C’est donc une importante délégation de 73 membres qui est arrivée de  Namibie, cette semaine, à Berlin.
L’hôpital de la Charité est le premier institut scientifique qui restitue des restes humains. Il a reconnu les abus qui ont été commis au nom de la science. Dans son allocution, le président du conseil d’administration de la Charité, le Professeur Max Einhäupl, a mis l’accent sur le «racisme scientifique» dont les chercheurs se sont rendus  coupables et il a dénoncé leur participation à la politique du «racisme d'état» de la période sombre de l’Allemagne.  
Le directeur du Musée historique médical de l'hôpital de la Charité, M. Thomas Schnalke s’est exprimé en  ces termes :
«En restituant  les crânes, l'hôpital universitaire de la Charité veut montrer son respect et aider à honorer la mémoire des victimes […] Nous regrettons profondément les crimes qui ont été commis (...) et nous voulons nous en excuser sincèrement
 
Et le directeur de l’hôpital d’ajouter :
C’est la première fois qu’une importante collection de crânes en possession d’un musée est rendue. Le musée historique médical de la Charité le fait consciemment, car c’est dans un contexte moral, éthique très problématique que ces crânes ont été réunis entre 1904 et 1908 en Namibie, préparés et envoyés à Berlin pour des recherches anthropologiques."
Au total, les crânes de 4 femmes, 15 hommes et un enfant d’environ 3 ans ont été remis à la délégation namibienne : 9 crânes appartiennent au groupe ethnique des Herero, 11 à celui des Nama. Les adultes avaient entre 20 et 40 ans au moment de leur décès. Ces crânes reposent depuis plus d’un siècle au musée de Berlin. Ils étaient soigneusement numérotés donc facilement identifiables. Les têtes avaient été coupées des corps et conservées intactes dans du formaldéhyde avec leur visage, leur peau et leurs dents. Selon les chercheurs, les crânes ne montrent aucun signe de violence. Ils  supposent donc que ces personnes sont mortes victimes des forces allemandes présentes dans la colonie du Sud-Ouest africain, ou bien sont mortes dans les camps de concentration coloniaux gérés par les Allemands.
Plus de 7000 crânes venus de toutes parts se trouvent en possession du musée et environ 300 proviennent de la Namibie.
Les réactions de la délégation namibienne
Les membres de la délégation namibienne ont été déçus du comportement des autorités allemandes. Ilss’attendaient à être reçus avec les honneurs qu’ils méritent et surtout que leurs homologues Allemands de même rang les accueillent. Ils se sont sentis offensés de n’avoir pas reçu des excuses officielles lors de la cérémonie. Ils voulaient même quitter Berlin. Cependant Les Sages de la délégation ne souhaitaient pas repartir sans les restes humains. Une cérémonie officielle est prévue Lundi à Windhoek, la capitale de la Namibie. La secrétaire d’état, Mme Pieper, (FDP) a été huée à plusieurs reprises lors de son discours. Elle a irrité la délégation avec ses remarques fort maladroites : «L’Allemagne est un pays où la liberté de la parole règne et l’on doit écouter quand quelqu’un parle »:Son appel à la réconciliation:
« Au nom du peuple allemand, je demande au peuple namibien la réconciliation.» n’a pas eu l’écho escompté puisque le ministre namibien pour les affaires nationales a refusé de signer la « Déclaration de réconciliation.»
«Le gouvernement allemand nous a totalement ignorés», a déclaré un membre du Parlement namibien, Katuutire Kaura, à l'agence de presse allemande DAPD.
La présidente de l’Association des victimes Herero estime que de nombreux excès ont été commis durant la colonisation et qu’il est temps que l’Allemagne présente des excuses en bonne et due forme. Ensuite, elle pourra se réconcilier avec son passé dans cette partie de l’Afrique. Elle s’est exprimée en ces termes:
« Nous voulons participer aux discussions. Il ne peut y avoir de débat sur nous sans nous! Quelle que soit la somme que le gouvernement allemand donne au gouvernement de Namibie, ce n’est pour nous qu’un accord bilatéral entre deux gouvernements. Ce n’est pas du tout le genre de réparations que nous envisageons! Le gouvernement allemand ne s’est jamais assis à une table avec les groupes concernés, pour entendre ce que nous pensons, ce que nous ressentons, il ne nous a pas donné de forum pour nous exprimer."

Plusieurs organisations de la Diaspora allemande ont signé une déclaration commune intitulée «Le gouvernement allemand refuse d’exprimer ses excuses pour le génocide perpétré contre les Herero et les Nama. »
Ces organisations déplorent l’attitude du gouvernement allemand et lui reprochent d’avoir humilié la délégation namibienne qui était composée de 73 hauts dignitaires namibiens et ministres, mais qui a été reçue par le conseil d’administration de l’hôpital La Charité et non pas par des homologues Allemands.
 
Ni la chancelière, ni aucun ministre n’a pris part à cette importante cérémonie qui devait sceller la réconciliation entre les deux pays. Le gouvernement allemand était représenté par une secrétaire d’état. Le journal TAZ, qui intitule son article «Éclat lors de la restitution des restes humains », critique également la cérémonie qui a fini par un véritable show-down entre les deux parties.
 
Pierrette.[Herzberger-Fofana@sz.uni-erlangen.de]mail:Herzberger-Fofana@sz.uni-erlangen.de
Conseillère municipale. Erlangen.Allemagne
Lauréate du Prix“ Helene Weber“ du Ministre Fédéral Allemand de la Famille, des Personnes                                                                       Âgées, de la Femme et de la Jeunesse. Berlin                                                                         5.5.2009

 
 
 
 
Sources :
Helene Weber est considérée comme la mère de la Constitution Allemande en 1949. Le prix
a été créé pour la première fois lors des 60 ans  de la République Fédérale allemande en 2009.
2. Herrmann Göring, figure-clé du parti nazi et du gouvernement du National-Socialisme 1933-1946.  Condamné lors du procès de Nuremberg, il se suicide  dans sa cellule.
3.„Rückgabe der Schädel. Eine Geste des Bedauerns.  FAZ  1.10. 2011
E.Beis& D. Johnson.  „ Eklat bei Rückgabe der Herero Gebeine. Bis auf Knochen blamiert“  in TAZ in: [http://www.taz.de/Eklat-bei-Rueckgabe-der-Herero-Gebeine/!79183/]url:http://www.taz.de/Eklat-bei-Rueckgabe-der-Herero-Gebeine/%2179183/ 30.9.2011
4.Déclaration des associations de la Diaspora allemande: Global African Congress, AFROTAK TV cyberNomads, Initiative im Gedenken an Oury Jalloh, The VOICE Network Germany und der Initiative Schwarze Menschen in Deutschland:   
Bundesregierung verweigert Entschuldigung für Völkermord an den Herero und Namma
(le gouvernement allemand refuse d’exprimer des excuses pour le génocide perpétré contr les Hereo et le Nama )in :
http://africa-live.de/index.php?option=com_content&task=view&id=4284&Itemid=11
5. Pierrette Herzberger-Fofana: „Berlin 125 Jahre danach. Eine fast vergessene deutsch-afrikanische Geschichte“. Wien: Afro-Asiatisches Institut Oktober 2010, 106 pages .
(„Berlin 125 ans après. Une histoire germano-africaine quasi oubliée» résumé en français sur [www.forainfo.com/contribution]url:http://www.forainfo.com/contribution et parution en français en mars 2012)
 
 
 


Dr. Pierrette Herzberger-Fofana

Mardi 4 Octobre 2011 - 16:32


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