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Lutte contre Ebola en RDC: «Aucune pression dans le choix des vaccins» (chef de la Riposte)

Il y a un an tout juste, la maladie à virus Ebola faisait ses premières victimes dans l’est de la RDC. Un an plus tard, le virus continue de faire des ravages : il y a désormais trois épicentres dans le Nord-Kivu et en Ituri. 1 790 personnes ont succombé à la maladie. L’ampleur du problème est telle que l’Organisation mondiale de la Santé a élevé cette épidémie au rang « d’urgence de santé publique de portée internationale ». Au quotidien, les équipes qui luttent contre cette épidémie se heurtent à la méfiance de la population, à l’insécurité... et à des problèmes de transparence. Le professeur Jean-Jacques Muyembe, le découvreur du premier virus Ebola en RDC et chef de la Riposte contre Ebola notre invité.



Professeur Jean-Jacques Muyembe, vous dites que l’épidémie à virus Ebola a duré trop longtemps. Pourquoi ?
 
Jean-Jacques Muyembe : Cette épidémie est arrivée dans une province, ou dans deux provinces, qui n’ont jamais été en contact avec ce virus. Donc la population ne connaît rien sur le virus Ebola. C’est très difficile pour cette population d’accepter la présence du virus Ebola dans leur communauté. Et donc, si la population ne s’engage pas, il est difficile de contrôler cette épidémie.
 
En outre, cette épidémie est tombée sur une population qui a été longtemps traumatisée par le conflit armé. C’est une population qui n’a pas confiance dans le personnel politique. La présence de groupes armés rend la riposte très difficile. Parce que, quand on suit un contact et que ce contact se cache dans les zones contrôlées par les groupes armés, c’est presque impossible.
 
C’est, actuellement, les vaccins fabriqués par les laboratoires Merck, qui sont administrés aux patients. Combien de personnes ont été vaccinées jusqu’à aujourd’hui ?
 
C’est plus de 170 000 personnes qui ont été vaccinées.
 
Est-ce que, jusqu’à présent, ce vaccin-là s’est avéré efficace ?
 
Ah oui. Jusqu’à présent, les premières analyses montrent que c’est plus de 90 % de protection que ce vaccin peut assurer. Donc c’est un vaccin relativement efficace.
 
Le ministre de la Santé, démissionnaire la semaine dernière, le docteur Oly Ilunga, a dénoncé des pressions de toutes parts pour notamment imposer un second vaccin, celui-ci proposé par les laboratoires Johnson & Johnson. Quel a été votre rôle dans les débats qui ont mené à promouvoir ce second vaccin auprès des autorités congolaises ?
 
Ça, c’est un faux débat. Parce qu’au départ notre stratégie de vaccination a été *d’être conseillés* par le groupe qu’on appelle ---, qui conseille l’Organisation Mondiale de la Santé en matière de vaccination. Et lors de sa réunion du 7 juillet, ce groupe avait proposé, premièrement, de réajuster la dose, parce qu’il y avait possibilité de pénurie.
 
La deuxième recommandation, c’est qu’il est impérieux d’introduire un deuxième vaccin de nature préventive. Nous, *à INRB* - Institut de recherches -, nous nous sommes penchés sur l’étude de candidats-vaccins et nous avons trouvé qu’il y avait trois candidats-vaccins que nous pouvions utiliser. Il y a le vaccin russe, le vaccin chinois et le vaccin *J&J*. Et notre choix est tombé sur le vaccin *J&J*, parce que c’est un vaccin qui avait *pris des donnés*. Mais il n’y avait aucune pression, ni à notre niveau, ni au niveau du ministre pour choisir ou prendre le vaccin. C’était vraiment un problème de choix scientifique, basé sur les dividendes scientifiques, pour prendre tel ou tel vaccin.
 
Est-ce que ce second vaccin, donc produit par les laboratoires Johnson & Johnson, est actuellement utilisé ? Il est déjà sur le terrain, utilisé auprès des patients pour de la prévention ou c’est vraiment… ?
 
Non, non… Nous ne l’avons pas encore utilisé, parce que nous devons prendre une décision, maintenant. Cela doit passer par le Comité Études National/es et cela doit passer également par l’Autorité *Nationale* des Régulations de la RDC. Nous respectons les avis du comité éthique, selon un protocole. C’est une étude. Ce n’est pas une vaccination que nous allons faire de façon routinière.
 
Professeur Jean-Jacques Muyembe, vous êtes à la fois le directeur de l’Institut de Recherche Biomédicale de la RDC, vous êtes aussi le chef de la riposte et le point focal des grands consortiums pour les traitements et/ou vaccins expérimentaux. Etes-vous en mesure de garantir aux Congolais qu’il n’y aura pas de conflit d’intérêts ?
 
Il n’y a pas de conflit d’intérêts, parce que nous sommes là simplement en tant que scientifiques. Je ne gagne rien pour cela.
 
Et qui contrôle votre travail ?
 
Qui contrôle mon travail ? … Il y a les comités éthiques et puis c’est un consortium international.
 
Certains articles de presse ont fait état d’un rythme un peu démesuré. L’achat de 4x4 flambants neufs, l’argent qui coule à flots… Ce qui a, en quelque sorte, aussi, braqué les populations. Comment est géré l’argent de la riposte ? Est-ce que vous pouvez nous donner un éclairage sur cela ?
 
Nous sommes en train de discuter. *Normalement, c’est géré au niveau du ministère*. Mais il y a, de toute façon, *des organismes internationaux* qui sont dedans. Pour le moment nous abordons des problèmes, parce que la plupart du personnel de la RDC, les Congolais qui sont là, ne sont pas payés. Ils ont des arriérés de trois-quatre mois. Donc ce sont des problèmes que nous devons vite résoudre pour relancer, parce que la plupart des gens sont démotivés à cause de cela. Donc il faut vite relancer.
 
Donc il y a un problème interne sur la gestion, finalement, de l’argent de la riposte et de savoir comment rémunérer les équipes sur le terrain, comment redistribuer cela même sur le programme sur le terrain ?
 
C’est cela, oui… *La Banque Mondiale* a donné une provision assez importante. Nous allons voir, maintenant, comment nous pouvons payer les arriérés et relancer la riposte.

RFI

Jeudi 1 Août 2019 - 09:32


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