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Note de lecture: "La Raparille"

Après « Mon village au temps des blancs », souvenirs d’enfance et « A mes chers parents gaulois », plainte et complainte d’un amoureux transi, voici venu le temps des rapaces avec la « Raparille ».
Des deux personnages principaux mis en scène, l’un constamment sous les feux de la rampe, Toinette, est une signare tandis que l’autre, évoluant à l’arrière plan presque dans les coulisses, est une petite captive, Cathy, chrysalide dans un cocon artificiel.



Fadel DIA auteur du livre "La Raparille"
Fadel DIA auteur du livre "La Raparille"
Le décor ? Deux bras de fleuve maintiennent le siège autour d’une bande de sable et, comme si cela ne suffisait pas, la mer s’est précipitée pour monter la garde. Cette dualité faite de complicité et d’adversité est marquée par la « barre » qui régule cet étau. Nous voilà au cœur de l’histoire d’une vie quotidienne insulaire, Saint Louis, avec en toile de fond les échanges commerciaux avec l’extérieur ; île sangsue drainant par une relation commerciale déséquilibrée les énormes ressources du Haut Fleuve. Que l’étendard qui flotte sur le fortin soit tricolore ou fleurdelisé n’y change rien, les nobles idéaux de la Révolution n’ont pas le pied marin ou si peu. Le rêve et la réalité s’y succèdent tout comme le flux et le reflux ambiants.

L’ile a connu plusieurs changements de souveraineté des siècles durant, l’auteur a retenu une séquence relative à la dernière occupation française. Dans ce Saint Louis, apaisé, insouciant, indolent, à l’administration sénescente et non renouvelée, la vie est rythmée par les fanaux, les cérémonies et le rêve.

La hiérarchie militaire qui ne connaît plus de grandeur baigne dans la décadence et les servitudes. Seul un jeune officier romantique et plein d’humanité reste digne d’intérêt. Dans cette œuvre magnifique, les signares sont sur le podium contrairement aux hommes repus, repliés sur eux-mêmes sans réalité ni rêve à la seule exception d’un retour espéré en France. Ceux qui sont morts avant le début du récit (Albis, Paulin et Marie) restent aussi les personnages les plus marquants.

Cette histoire connaît une unité d’action (le testament) et une unité de lieu (la demeure seigneuriale de Toinette). Dia n’a jamais côtoyé d’aussi près les règles d’un drame classique lequel se prolonge souvent, tout comme ici, par le récit d’opérations extérieures. A cet égard on retiendra la « pacification » synonyme de massacres, exactions, spoliations, et démolitions.

Ce récit nous révèle deux caractères particulièrement attachants et touchants. Cathy habitée par un tropisme particulièrement vivace qui commande toute son action : le retour aux sources ancestrales. Sa discrétion empêche son voisinage de soupçonner la présence d’un tel ressort qui l’anime. Elle a, des choses une perception fine et beaucoup moins réductrice que celle de sa protectrice. A l’opposé, Toinette est un souffle diffus, à la croisée des effluves de l’Afrique et des embruns de l’Europe. Elle symbolise « l’abâtardissement de la race noire » (Prosper Mérimée-Tamango). Malgré le poids de l’âge, elle satellise autour d’elle un cercle d’hommes et une coterie de signares qu’elle domine nettement.

Cet astre presque consumé, encore brillant de ses derniers reflets, s’impose à cette société car elle a cet art consommé d’animer, de recentrer et d’arbitrer le débat autour de ses admirateurs et admiratrices. C’est une femme intelligente, élégante et pleine de délicatesse qui fascine les uns et les autres sauf Cathy, véritable étoile naissante autour de la quelle elle tourne inlassablement.
Le changement de trajectoire de celle-ci qui révélera sa vraie personnalité, en privant Toinette de modèle, met un terme à son parcours plein de mérite et de grâce. Toinette a été impressionnée par Cathy la petite captive dés leur première rencontre. La noblesse de caractère, l’insouciance totale et une certaine fierté font penser à une ascendance aristocratique que la suite confirmera. Pourtant sa finesse d’esprit et son expérience considérable des hommes et des femmes n’ont pas suffi à la grande signare pour cerner la personnalité de la petite négresse qu’elle juge seule digne d’hériter de son vaste patrimoine. Or ce qui les sépare est indubitablement plus profond que ce qui les unit.
Dans ce domaine l’inexpérimentée gamine a probablement une conscience plus nette de leur différence. Celle-ci est si importante que Cathy préférera recouvrer son identité plutôt que d’usurper et d’adopter un mode de vie et une manière de penser qui lui sont totalement étrangers. Cathy était elle au fait du pas de clerc de Toinette ? Vouloir unir une princesse au premier aventurier débarquant à Saint louis ?

« Roman historique ? » ce qualificatif qui figure sur la couverture me semble contestable ! Certes, certains détails architecturaux finement ciselés parsemant l’ouvrage témoignent d’une vaste connaissance en histoire de l’art, mais cela suffit-il pour faire de lui ce qu’il ne parait pas être ? Contrairement à la précédente œuvre, celle-ci n’est pas contaminée par la qualité de l’auteur, historien de renom. Elle demeure une pure fiction dans un cadre et un décor historiques.
Ainsi, tirant à hue et à dia, Dia entreprend sa diapédèse à travers ce système réputé adiabatique grâce à un fortin qui le soustrait du monde environnant. Mais sa raison épouse le rêve et le ménage nous rend heureux.

Clarté, fermeté, pureté caractérisent le style. Quant à l’humour, l’auteur ne s’en est jamais séparé depuis ses premières œuvres. S’il a préféré un titre plus dépouillé et presque austère, on retrouve, à profusion, sous sa plume, ce sel attique qui, dans la Grèce antique, émaillait le discours du rhéteur et, pour l’heure, fait le bonheur du lecteur.
Samba Sala Hawa LY
Sacre Coeur


Samba Sala Hawa LY

Mercredi 16 Septembre 2009 - 09:08


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