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"Nous savons que Jammeh va emporter la présidentielle mais nous avons un plan B", déclare Fatoumatta Jallow Tanbajang

Le 1er décembre, les Gambiens iront aux urnes pour la présidentielle. Une consultation très attendue suite aux dernières émeutes notées, au vent de révolte qui a soufflé l’été dernier à Banjul. Toute l’opposition parle d’une seule voix et a investi un seul et unique candidat, en la personne de Adama Barro avec un cahier de charges politiques bien précis. Elle compte cette fois-ci barrer la route à Yaya Jammeh quelque soit ses artifices pour «confisquer le pouvoir». Les responsables de l’opposition sont ainsi décidés d’aller démocratiquement aux urnes mais cela n’empêche, ils ont un plan B au cas où l’actuel homme fort de Kanilahi souhaite prolonger ses 22 ans passés de pouvoir. Fatoumatta Jallow Tanbajang, présidente du Comité de la société civile pour la Démocratie et les Droits humains en Gambie à la tête d’une délégation était l’invitée de la rédaction du journal en ligne Pressafrik.com. La dame fustige le fait que «Yaya Jammeh est devenu l’exécutif, le législatif et le judiciaire».



"Nous savons que Jammeh va emporter la présidentielle mais nous avons un plan B", déclare Fatoumatta Jallow Tanbajang
Seriez-vous en campagne au Sénégal ?
Nous n’avons pas vu tous les ressortissants Gambiens vivant au Sénégal parce que la mission est très courte. Et elle consiste à aller dans la sous-région afin de sensibiliser les autorités et la société civile.
 
Qu’est-ce qui vous a poussés à aller aux élections en coalition ?
Nous avions l’habitude d’aller aux élections tous les cinq (5) ans et les perdre. Et cette année, la population gambienne a exigé une coalition pour pouvoir voter, sinon elles n’iront pas aux urnes. Et, c’est la raison pour laquelle tous les partis politiques se sont rassemblés en coalition pour répondre à la demande gambienne.

Quelle est la situation actuelle en Gambie ?
Nous avons beaucoup souffert. La population gambienne a vécu 22 ans de dictature. Il n’y a pas eu d’évolution ni au niveau économique, ni politique, ni social. La presse a été étouffée. Le président Yaya Jammeh s’est accaparé de toute la richesse gambienne, il est devenu milliardaire et il s’enrichit de jour en jour.

Il n’y a pas une bonne qualité dans l’éducation, nous n’avons pas d’enseignants, la plupart des enseignants qui sont en Gambie sont des étrangers, les médecins sont aussi des étrangers. Et dans notre système judiciaire, ce sont  des nigérians qui occupent les places. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas des intellectuels en Gambie. Nous avons d’excellents intellectuels et dans tous les niveaux mais le président les ignore. Yaya Jammeh est devenu l’exécutif, il est devenu le législatif et le judicaire.

Les gens sont opprimés, il n’y pas de liberté d’expression. Le  pouvoir d’achat a baissé. Le taux de pauvreté, selon les Nations-Unies et la Banque mondiale s’élève à 85%. Le pouvoir d’achat est à un niveau très bas. A la banque centrale, on n’a rien. Les caisses sont presque vides. Les gens sont en train de s’enfuir, de partir vers le Sénégal, vers la Guinée Bissau, la Guinée Conakry… Il n’y a pas de démocratie. Nous vivons comme les autres classes parce qu’il (Yaya Jammeh) mène certaines personnes dans les fermes pour travailler. Toute la terre lui appartient. Nous sommes là, comme des esclaves. On n’a quasiment aucun droit.
 
Maintenant la population s’est éveillée. Elle ne veut plus souffrir. Il nous a mené dos au mur. On n’a plus le choix. Aujourd’hui, la revendication populaire, c’est l’unité de tous les candidats de l’opposition. Si jamais il emporte encore les élections, s’il passe, il va devenir Roi.

Déjà, il a failli il y a cinq (5) ans de cela, il a tenté mais la réaction des populations et des autres chefs d’Etat, l’ont finalement dissuadé. Non seulement, il veut devenir Roi mais il veut faire de la Gambie un Etat Islamique. Ce qui est grave parce que 25% des gambiens ne sont pas musulmans. Il y a des chrétiens qui se sont mariés avec des musulmans construisant ainsi une même famille. Donc, cela est un réel danger pour la paix sociale et la stabilité du pays.
 
Est-ce que la situation a changé depuis les émeutes d’avril passé ?
 Il y a eu un changement. Avant tout le monde avait eu peur mais maintenant on n’a plus peur. Les gens expriment leurs revendications et sont déterminés. Ils s’engagent dans la campagne. Il y a eu tellement de foules qui suivent notre candidat, Adama Baro. Donc il y a vraiment un changement à la demande de la population qui ne veut plus vivre dans la souffrance.
 
Quel est le sort des opposants qui avaient été arrêtés lors de ces émeutes ?
Il n’y pas de justice. On commence à faire des enquêtes sur les questions liées à l’océan, à l’environnement…. Or, il n’y a pas de justice sociale. Il a arrêté des gens qui manifestaient. Certaines personnes ont été tuées pendant que d’autres sont aujourd’hui en prison. Jusque-là, les familles des victimes n’ont pas vu de corps. Jusque-là, on n’a pas retrouvé le corps de Ibrahima Solo Sanding, ni celui de Solo Kruma. Ce sont ces deux (2) que l’on connait mais il y a tellement de disparus.

Sans compter la condamnation du leader de l’union démocratique, le parti démocratique, l’avocat Ousainou Darboe, avec ses camarades à trois (3) ans de prison. Maintenant, il y a quatre (4) personnes qui attendent d’aller au tribunal.  
 
Que va-t-il leur arriver ?
Ils vont passer par la même Cour que Ousainou Darboe avec son équipe. C’est le même crime qu’ils ont commis, selon le pouvoir de Jammeh. Ils ont manifesté pour demander et avoir des réponses. Il y a aussi des Imams qui sont arrêtés. Il arrête tout le monde. Ceux qui sont arrêtés sont torturés, maltraités.
 
Et quelle sera la suite des événements ?
Maintenant on est en campagne, on a quitté le pays. Après les élections, on va former un gouvernement d'union nationale. Nous allons voter un programme pour les amener à travailler pour le pays.   
 
Quelle stratégie allez-vous utiliser pour faire face à Yaya Jammeh ?
Nous avons un agenda qui est piloté par un entrepreneur (Ndlr-Adama Baro) qui a tout abandonné pour se mettre au service de la Gambie. Et ce programme va s’étaler sur trois (3) ans, à l’issue desquels il quittera le pouvoir. Cet agenda sera sous forme de réformes constitutionnelles parce que d’habitude le mandat du président doit être de cinq (5) ans renouvelable une (1) fois. Mais le président Jammeh a supprimé cela pour rester au pouvoir à vie.
 
Actuellement, pour être candidat à l’élection présidentielle ou au Parlement, le président Jammeh a exigé une caution d’1 million de F CFA soit 50 milles Dallasis. S’agissant de l’âge pour postuler à la présidentielle, il l’a fixé en dessous de 65 ans. Dès qu’un candidat a 65 ans, il ne peut plus se présenter aux élections. Lorsque quelqu’un est arrêté et écope une peine de prison entre trois (3) et six (6) mois, selon les envies de Jammeh, il est disqualifié. Il ne peut plus participer à des élections. Tout celan c’est une stratégie pour supprimer l’opposition.
 
 
 Pensez-vous qu’une élection puisse faire partir Yaya Jammeh ?
C’est un mythe. Toutefois cette année, on va lui montrer que les cartes sont importantes et que la démocratie, c’est par le peuple et pour le peuple. On anticipe sur le fait qu’il va se cramponner sur son siège de Président même s’il est battu. Mais nous avons un plan B qui sera dévoilé le moment venu.

Le Président Jammeh a suspendu sa campagne à cause de la disparition de Fidel Castro : Ne croyez-vous qu’il puisse s’en servir pour repousser les élections ?
 On ne peut pas reporter les élections parce que les Gambiens sont déterminés cette année à changer de Président. Et puis, la mort de Fidel Castro, bien que cela soit une triste nouvelle, mais cela n’en demeure pas moins qu’elle n’a rien à voir avec nous.
Nous sommes conscients qu’il a peur de notre détermination. Il est prêt à faire n’importe quoi. Et puis, le président de la Commission électorale a été nommé par Jammeh qui le paie. N’empêche, nous sommes confiants et espérons qu’il ne va pas continuer à suivre Yaya Jammeh en lieu et place de la Constitution.
 
Nous appelons les autorités de la sous-région, aussi bien gouvernementales que non-gouvernementales à nous accompagner pour restaurer la démocratie dans notre pays. Notre appel est plus destiné au Sénégal, parce que nos deux (2) pays son frères. Nous avons la même culture, c’est le même peuple. Et malgré le fait qu’on a été colonisé par deux (2) puissances différentes, nos liens demeurent intacts. Et même au niveau politique, nous avons beaucoup de choses en commun.
 
Les forces de l’ordre sont-elles au service de la Nation ?
Nous voulons aussi que les forces de l’ordre restent au service de la Nation parce qu’elles ne sont pas payées par Yaya Jammeh mais par le peuple à qui elles doivent allégeance. Malheureusement, lors des émeutes du mois d’avril, nous avons vu la violence dont elles ont usée pour repousser la foule. Mais nous prions pour que cette situation n’arrive plus jamais et qu’elles se décident à faire leur travail qui est de protéger les populations et la démocratie.

Nous demandons aussi que les leaders religieux continuent de prier pour nous car nous sommes dans une situation critique. Nous sommes engagés à ne pas reculer quoique cela puisse nous en coûter.

Ousmane Demba Kane, Ibrahima Mansaly et Aminata Diouf


La Rédaction

Mardi 24 Janvier 2017 - 12:00


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