Connectez-vous S'inscrire
PRESSAFRIK.COM , L'info dans toute sa diversité (Liberté - Professionnalisme - Crédibilité)

Tunisie: l’islamiste Hamadi Jebali, des geôles de Ben Ali à la primature

Comme au Maroc il y a deux semaines, c’est un islamiste qui arrive au poste de Premier ministre en Tunisie ce 14 décembre 2011. La nomination d’Hamadi Jebali était attendue après la victoire d’Ennahda, parti dont il est le n°2, aux élections à l’Assemblée constituante du 23 octobre (89 élus sur 217). Il a été désigné par le nouveau président de la République Moncef Marzouki, lui-même investi la veille. Malgré certains propos qui inquiètent la mouvance démocrate, Hamadi Jebali se présente comme un modéré réformiste sur le modèle de l’AKP turc.



Le nouveau Premier ministre tunisien Hamadi Jebali (d) s'adresse au président de la République Moncef Marzouki à l'Assemblée constituante tunisienne, le 6 décembre 2011. AFP PHOTO / FETHI BELAID
Le nouveau Premier ministre tunisien Hamadi Jebali (d) s'adresse au président de la République Moncef Marzouki à l'Assemblée constituante tunisienne, le 6 décembre 2011. AFP PHOTO / FETHI BELAID
Puisque Rached Ghannouchi, chef historique d’Ennahda, a refusé toute responsabilité nationale à son retour d’exil en janvier dernier, c’est donc son bras droit Hamadi Jebali qui mènera la Tunisie de l’après-Ben Ali. Au poste de Premier ministre et non de président certes, mais c’est lui qui détiendra le vrai pouvoir face à un Moncef Marzouki privé de prérogatives importantes par la nouvelle constitution. Décrié par l’opposition, l’article 10 prévoit ainsi que le président ne fixe la politique étrangère et ne nomme ou révoque les chefs de l’armée qu’en « concertation » avec le Premier ministre.

Hamadi Jebali devrait rapidement former son gouvernement, dont la composition est quasiment arrêtée et qui sera soumis à l'approbation de l'Assemblée, sans doute d'ici la fin de la semaine. Un an après le début du soulèvement tunisien, déclenché le 17 décembre 2010 par l'immolation d'un jeune vendeur ambulant de Sidi Bouzid, une ville déshéritée du centre de la Tunisie, c’est un farouche opposant à l’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali qui arrive au pouvoir.

Dix ans à l'isolement

À 62 ans, Hamadi Jebali est un islamiste du premier cercle d'Ennahda (Renaissance), dont il est le secrétaire général. Homme de confiance de Rached Ghannouchi, leader du mouvement longtemps en exil, il a passé plus de 15 ans dans les prisons de Ben Ali. Né à Sousse, sur la côté est, fils d’un ébéniste, Jebali a étudié en France au Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam). Il raconte que c’est à la cité universitaire d’Antony (banlieue sud de Paris), au début des années 70, qu’il a découvert les milieux islamistes. Hamadi Jebali rentre en 1978 en Tunisie, alors sous le règne d’Habib Bourguiba, et rejoint le Mouvement de la tendance islamique (MTI), l'ancêtre d'Ennahda.

En 1981, il en prend les rênes alors que le régime procède aux premières arrestations dans la mouvance islamiste, à commencer par son chef Rached Ghannouchi. Repéré par la police politique, Hamadi Jebali parvient à s’enfuir en France avant de demander l’asile politique en Espagne. Il reviendra à Tunis en 1989, un an après l’arrivée au pouvoir de Ben Ali. En 1990, il est arrêté en tant que directeur du journal El Fajr et condamné à un an ferme, puis à une peine de seize années supplémentaires. Dont dix à l’isolement : « Une cellule de deux mètres sur trois, sans pouvoir parler à personne, privé de lecture et d’écriture ». Il en sortira en 2006.

« Nous avons un référentiel islamique »


Père de trois filles, l’homme porte au front la tabaâ, la marque des croyants qui se prosternent. Malgré les accusations de ses adversaires laïcs et démocrates qui dénoncent son double discours et sa volonté d’islamiser progressivement la société tunisienne, il se montre souriant et affiche un profil consensuel, prônant une « réconciliation nationale ». On le dit habile et fin négociateur au regard de sa capacité à fédérer des tendances hétéroclites au sein de son mouvement. En arrivant au pouvoir, Jabali tient une revanche historique. Mais il se veut le promoteur d’« un État civil, démocratique et transparent qui respecte la volonté du peuple ».

L’islam ? Hamadi Jebali assure qu’il est compatible avec la démocratie et le pluralisme, à la manière de l'AKP turc. En février dernier, il déclarait à l’hebdomadaire indépendant tunisien Réalités : « Nous ne sommes pas un mouvement dogmatique, mais nous avons un référentiel islamique. Nous ne voulons pas que ce référentiel idéologique se transforme en un nouveau projet dictatorial et totalitaire. Nous ne prétendons pas détenir la vérité absolue. Il nous faut relativiser nos points de vue. »

Figure de proue non voilée

Ce qui ne l’a pas empêché, lors d’un récent discours à Sousse, de comparer la transition tunisienne au « sixième califat », en référence à un Etat islamique régi par la charia. « J’ai été mal compris. Je voulais seulement donner l’exemple d’une bonne gouvernance fondée sur le droit et l’équité », a-t-il assuré après le tollé provoqué par ses propos.

Souad Abderrahim, figure de proue non voilée d'Ennahda, a elle aussi suscité l'inquiétude lorsqu'elle évoqué dans un entretien à Monte Carlo Doualiya le statut des mères célibataires : celles-ci « sont une infamie pour la société tunisienne » et « ne devraient pas aspirer à un cadre légal qui protège leurs droits. » Elle aussi affirme avoir été « mal comprise ».
Source: RFI


Mercredi 14 Décembre 2011 - 13:10


div id="taboola-below-article-thumbnails">

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter