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Burkina Faso : la colère gronde, Compaoré tempère, mais…



Une fronde de soldats, des étudiants et lycéens en colère, des symboles de l’Etat brûlés ou saccagés, pour le président Blaise Compaoré au pouvoir depuis 1987 et fraichement réélu à la tête du Burkina Faso (octobre 2010), ce nouveau mandat de cinq ans commence par une forte contestation de son autorité et de sérieuses menaces à la stabilité de son régime.



Burkina Faso : la colère gronde, Compaoré tempère, mais…


Prenant la menace au sérieux, cet ex-militaire venu au pouvoir par les armes et qui parle peu, a lancé dans un discours prononcé devant les caméras de la télévision télévisé le 30 mars 2011 un appel au dialogue et promis des « réformes » qu’il mettrait « immédiatement » en œuvre, sans toutefois donner aucune garantie que la tempête est bien passée.

Les premiers signes de cette tempête ont commencé à souffler mi-mars 2011, lorsque quelque milliers d’élèves et étudiants sont descendu dans les rues du pays pour exprimer leur colère. Mais l’alerte la plus chaude est venue de la troupe, qui depuis des jours s’agite et a fini par installer l’inquiétude au cœur du régime que l’on disait tenu d’une main de fer.

La révolte estudiantine, selon ce qu’en rapportent les médias locaux, a été déclenché par la mort de l’élève Justin Zongo le 20 février 2011 dans la ville de Koudougou (100 km à l’ouest de Ouagadougou), pendant un séjour dans un commissariat local suite à une plainte déposée contre lui.
La police a indiqué que le jeune homme est décédé des suites d’une « d’une méningite », une version qui a soulevé l’ire de ses camarades convaincus qu’il s’agit d’une bavure policière que les autorités ont voulu étouffer. La contestation qui s’en suivra a gagné le pays tout entier et la répression fera au moins deux morts. L’incident pourrait en réalité n’être que la goutte d’eau de trop.

Après les étudiants, c’était au tour des soldats de prendre la relève. Pendant plusieurs jours ils ont manifesté leur colère dans plusieurs endroits du pays, suite à l’incarcération de quelques uns de leur frères d’armes condamnés par la justice et dont ils réclamaient la libération. Dans leur révolte, les soldats s’en sont pris aux édifices publics et aux domiciles des pontes du régime, un signe qui ne trompe pas quant au malaise ambiant qui règne en ce moment aux pays dit des « hommes intègres », alors que le président Compaoré, élu avec plus de …80 % des voix, entame un quinquennat qui pourrait pour lui être celui de trop.

Acculé le régime a cédé aux exigences des militaires, en libérant les cinq détenus en dépit de la décision de justice qui les a condamnés, le mardi 22 mars, à des peines de prison ferme allant de 12 à 15 mois et à plus de 3,5 millions de FCFA d’amende. Fait rarissime, le 31 mars 2011 le président recevait les soldats de la troupe et les sous-officiers de l’armée burkinabé pour les « écouter ». Les officiers devaient à leur tour être reçus le lendemain, alors que le pays entier était sous couvre feu, décision annoncée dans un communiqué du ministère de la défense.

Mais les défenseurs des droits de l’homme n’entendent pas laisser avaliser un « deal » entre militaires qui renforcerait l’impunité dans un pays au passé déjà suffisamment chargé dans ce domaine. Le Mouvement burkinabé des droits de l’Homme et la Fédération internationale des droits de l’Homme ont, dans une déclaration commune, appelé le gouvernement à faire face à ses responsabilités.

Pour ces deux associations, l’Etat se doit de « faire la lumière sur les circonstances exactes du décès de Justin Zongo, poursuivre et juger les responsables » et en même temps « identifier et poursuivre les éléments des forces de l’ordre responsables du décès des cinq personnes tuées en marge des manifestations ». Ces appels mettent dans une position très inconfortable, un gouvernement qui ne veut pas s’aliéner la loyauté des militaires.

Pour les observateurs, il serait « réducteur de ranger tous ces évènements » dans la catégorie des « simples mouvements d’humeur », comme en atteste la montée en première ligne du président Compaoré lui-même.

« Les nouvelles pratiques de revendication qui consistent à s’attaquer aux symboles de l’Etat, à détruire systématiquement les biens publics et privés, constituent une dénégation de la tradition de lutte qui a traversé les générations passées », affirmait dans son discours du 30 mars 2011 un président visiblement surpris par l’ampleur des dégâts mais qui se voulait apaisant et ouvert au dialogue.

Le ton conciliant du président, selon les analystes, trouve sa raison dans le fait que ces manifestations ne sont pas sans rappeler quelques épisodes des récentes révoltes populaires en Egypte et en Tunisie. Dans ces deux pays d’Afrique du nord, les populations se sont débarrassées par la contestation populaire de régimes, qui à l’image de celui du Burkina Faso, semblaient indéboulonnables après des décennies de règne sans partage.

Certains opposants burkinabé n’ont pas d’ailleurs hésité pour s’engouffrer dans la brèche.
« Nous sommes dans un pays qui est véritablement en ébullition et cela intervient malheureusement après une élection présidentielle qui a été saluée par tous les observateurs. C'est la preuve que beaucoup se sont trompés », a indiqué l’avocat et opposant Bénéwendé Sankara dans un entretien à la radio publique britannique, la BBC.

Un autre opposant, Soumane Touré, tout en condamnant la furie des soldats, considère leur révolte « comme la conséquence logique des frustrations engendrées par le mode de gouvernance de Blaise Compaoré », selon des propos relayés par la presse locale.

Arrivé au pouvoir à la suite à un coup d’Etat mortel contre le capitaine révolutionnaire Thomas Sankara, le président Blaise Compaoré traîne depuis ce lourd fardeau, resté une sorte de « contentieux historique » entre lui et une bonne partie du peuple burkinabé et de l’intelligentsia africaine. Ce symbole du Burkina Faso, « terre de répression et d’impunité », sera renforcée à la fin des années 90, avec l’affaire Norbert Zongo, journaliste assassiné par des proches du régime. Une autre affaire dont les auteurs et commanditaires restent à ce jour « impunis ».

Ouestaf

Jeudi 7 Avril 2011 - 12:12


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