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Djibouti: plainte aux Nations unies contre la détention arbitraire d'un ancien ministre



Trois avocats ont décidé de lancer, ce lundi 18 mars, une procédure d’urgence devant les Nations unies (ONU) afin d’obtenir la libération d’Abdoulkarim Aden Cher. L’ancien ministre djiboutien du Budget est détenu depuis deux ans dans l’attente d’un éventuel procès. Il est soupçonné de corruption passive, trafic d’influence, détournements de deniers publics et entrave à la loi.

« Tout est au point mort et Abdoulkarim Aden Cher se trouve dans une situation désespérante. » Pour Me Hector Bernardini, il y a urgence. L’ancien ministre djiboutien du Budget est en détention depuis mars 2022, « dans des conditions inhumaines », dit-il. Or, si dans les premiers temps, il y a bien eu des auditions et des confrontations organisées par le procureur, « aucun acte d’enquête, aucun acte d’instruction judiciaire n’ont été réalisés depuis plus de 18 mois », indique Me Bernardini.

L’avocat des barreaux de Paris et New York ainsi que deux de ses confrères ont donc décidé d’agir, d’essayer de faire bouger les lignes, en déposant une « requête en action urgente » devant le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH), et précisément son groupe de travail sur la détention arbitraire. Un document dont RFI a obtenu copie.

En principe, ce type de plainte doit permettre d’accélérer le processus. Aussitôt enregistrée, une correspondance diplomatique doit, en théorie, être envoyée à Djibouti. Les trois avocats espèrent ainsi que l’organisation fasse pression sur l’État djiboutien et que le HCDH préconise sa libération immédiate, la tenue d’un procès équitable et des « garanties de non répétition », c’est-à-dire qu’une fois libéré, Abdoulkarim Aden Cher ne soit plus victime d’emprisonnement arbitraire.

Mal-gouvernance et césarisme
Opposant politique, Abdoulkarim Aden Cher avait rejoint le gouvernement et le ministère du Budget avant d’être limogé début 2022, officiellement pour « rupture de confiance » avec le président, Ismaël Omar Guelleh. Au lendemain de son limogeage, il avait dénoncé sur Facebook « la mal gouvernance et le césarisme » à la tête de l’État, prônant un « changement positif, inclusif et salutaire ». Le même jour, l’ex-ministre avait été arrêté chez lui, à Arta, et envoyé à la section de recherche et de documentation de la gendarmerie.

L’interpellation aurait été justifiée par un rapport transmis à l’inspection générale dans lequel son ministère du Budget est accusé d’avoir « dilapidé les deniers publics (…) en mobilisant des sommes importantes pour des prestations qui semblent être fictives majoritairement. (…) Deux responsables du ministère arrêtés ont mis directement en cause l’ancien Ministre, M. Abdoulkarim Aden Cher, comme étant le principal instigateur de ce système », indique le rapport.

Quelques jours plus tard, le procureur a enfoncé le clou en diffusant un communiqué pour mettre en avant une « opération mains propres » qui aurait démantelé un réseau de détournement de plusieurs milliards de francs djiboutiens. Abdoulkarim Aden Cher serait en fait, l’instigateur de ce réseau.

Système frauduleux
La garde à vue de l’ex-ministre a pris fin au bout de quatre jours. Remis en liberté provisoire, l’homme politique a alors décidé de répondre, en accordant une interview radio dans laquelle il a dénoncé un cabale destinée à ternir son image et des poursuites aux motivations politiques, clamant au passage son innocence et attaquant le sommet de l'État. Il a expliqué avoir transmis au président djiboutien des rapports mettant en lumière des détournements de l’appareil d’État au bénéfice d’intérêts privés, et que finalement, on lui reprocherait son action politique pour assainir le système, faire cesser le clientélisme et le favoritisme. Quelques jours plus tard, le 23 mars, il était incarcéré.

La requête envoyée à l’ONU dénonce de nombreux manquements dans la procédure ayant conduit à cet emprisonnement. D’après le document, le dossier serait vierge de toute plainte et dénonciation. Sa garde à vue serait illégale car elle s’est déroulée sans la présence d’un avocat. Sa mise en accusation n’a pas suivi la procédure prévue, puisqu’elle aurait dû être votée par les députés, de par la qualité de ministre d’Abdoulkarim Aden Cher. Le ministère public, en publiant un communiqué disant qu’il était l’instigateur d’un système frauduleux de détournement de fonds, aurait par ailleurs violé son droit à la présomption d’innocence.

Rats et cafards
Aujourd’hui, Abdoulkarim Aden Cher séjourne à la prison centrale de Gabode. Selon la requête de ses avocats, ses conditions de détention seraient « dégradantes et inhumaines ». D’après la « procédure d’action urgente », il serait emprisonné avec deux prisonniers de droit commun, dans une cellule insalubre sans fenêtre, infestée de rats et cafards. Il dormirait sur un matelas par terre, n’aurait jamais le droit de sortir et ses visites seraient surveillées et écoutées. « Cet endroit est un mouroir, un cachot, des oubliettes », indique Me Bernardini.

Aujourd’hui, les avocats n’ont aucune visibilité sur l’avenir judiciaire d’Abdoulkarim Aden Cher. Aucune date de procès n’est fixée. La situation de l’ancien ministre semble figée dans le temps.

Rfi

Lundi 18 Mars 2024 - 08:20


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