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Mamadou Diakhaté "Niinchté", l'enseignant qui donne une seconde vie aux écoles... Et fait notre fierté

​Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années. A 33 ans, il est à la fois instituteur et s’attelle à donner une seconde vie aux écoles qui menacent ruine. Mamadou Diakhaté, surnommé « Niinchté », avec son équipe TL 221, « ne quitte jamais » l’école. Que cela soit pour des cours à donner ou un coup de main pour un environnement plus favorable à l’éducation des enfants. Un projet financé par la communauté qui est en passe de faire le tour du monde à travers des stratégies de collectes de fonds sur la toile pour la rénovation des établissements scolaires en piteux état. On peut, si vous le permettez, le surnommer, « l’Etat » … des écoles en piteux état.



Cet enseignant qui, à la tête d’une équipe de volontaires, remet tout à neuf avec l’aide de la communauté qui finance son ambitieux projet. Mamadou Diakhaté alias « Niinchté » s’est fait un nom au niveau international à travers la toile. A demi courbé, il tient une planche à la main gauche et cherche à colmater de l’autre main, une fissure sur un mur. Pantalon rouge sang un peu relevé en bas sur un tee-shirt jaune, il est dans ses œuvres. Tout son corps est en mouvement. Ça va, et ça revient. Il s’arrête un instant pour éponger la sueur qui perle sur son front moite. Une lueur combattive s’allume dans ses yeux. Il regarde en même temps autour de lui.

Ici, chaque détail compte et se grave vite dans son esprit. Rien n’échappe à son champ visuel largement ouvert devant tant de dégradation. C’est un chantier presque à ciel ouvert. Il n’y a presque pas de fenêtre, les portes laissent entrer librement tout visiteur, y compris les animaux ainsi que des lézards qui ont fini de de se loger dans tous les coins et recoins de cette salle de classe presque en ruine. Le toit laisse scintiller tranquillement les rayons du soleil sur quelques tables-bancs cassés. Par une enjambée, il se retrouve au robinet de l’école en manipulant la poignée. Pas d’eau. Tout est sec. Tel est le tableau noir de cet établissement scolaire. On est au lycée de Yoff où Mamadou Diakhaté a décidé de rénover six classes qui menacent ruine.

Lui et son équipe veulent remettre tout en état. Avec d’autres bénévoles, Mamadou ne compte pas ses heures malgré la lourdeur de la tâche pour quelqu’un qui ne jure que pour la… craie. Pourtant il ne connait pas grand-chose à la peinture. D’où la participation de bénévoles qui connaissent le métier de maçonnerie pour des bâtisses plus adaptées. Son éducation artistique s’est faite à l’école. Enseignant de formation, M. Diakhaté tient une classe de Ce2 à l’école Franco-Arabe de Keur Madiabel où il a obtenu son Certificat d’aptitude pédagogique (Cap). Ce, après avoir quitté son premier poste à Sinthiou Dagua, un village situé à la frontière avec la Gambie comme instituteur adjoint. Cet amoureux du métier a commencé à caresser l’enseignement bien avant son admission au concours de recrutement des élèves-maitres. Ce, après neuf mois de formation.

En effet, et alors qu’il était encore en classe de seconde au lycée, il encadrait déjà des élèves. Un engagement pas fortuit ! « Je le faisais juste pour payer le transport et mes besoins d’écolier », s’est-il justifié. Pourtant, il n’était qu’à son premier coup d’essai. Après le baccalauréat qu’il a obtenu en 2009, il fut un répétiteur et encadrait des enfants dans quelques foyers. « Et en même temps, je préparais le concours de Fastef et le Crem », dit-il. Un courage louable pour un « boy Dakar » qui a grandi dans le quartier populeux de Grand Dakar où il avait un choix à faire. « C’était le droit ou le mauvais chemin », dit-il. Il opte pour le bon, et a dû même mettre ses études en « veille » pour le bien-être de sa mère. « A cette époque, je travaillais déjà comme agent commercial, répétiteur à domicile, ouvrier ou manœuvre du dimanche, vendeur de glace et de puces téléphoniques, boucher et vendeur de moutons, pour payer ma location et entretenir ma mère », explique-t-il.

Une débrouillardise qui l’a empêché d’être un bon étudiant. N’empêche, il s’est débrouillé jusqu’en Licence 3, option Egyptologie au département d’Histoire de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Flsh) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) après le lycée Lamine Guèye pour le moyen et secondaire, et à l’école élémentaire Issa Kane pour son premier cycle scolaire. Sur son 1 mètre 92 pour 72 kilos, « Niinchté » semble trouver cette rigueur « militaire » dans sa propre famille. Il est le fils d’un militaire. Ce corps d’athlète cache une sensibilité extraordinairement développée avec une imagination toujours en éveil. D’où ce caractère vif chez l’homme qui ne sait pas dire non quand on le sollicite.

C’est d’ailleurs ce qui l’a mené jusque dans des écoles en piteux état. « Nous avons entrepris la réfection des écoles suite à un constat. Lorsque l’Etat a voulu rouvrir les écoles au mois de juin, après trois mois de vacances forcées à cause de la Covid-19, nous avions décidé de nettoyer les écoles de mon quartier afin que les élèves retrouvent un environnement propice. En faisant le tour des écoles, nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’établissements avaient des soucis liés aux toilettes, des salles en piteux état. Avec mes amis, Moustapha Guèye et Pape Samba Dièye, nous avons décidé d’agir en mettant d’abord en place des stratégies en faisant réagir la communauté » dit-il.

Des stratégies bien pensées et réussies puisqu’ils sont parvenus à la réfection des toilettes de l’école élémentaire Issa Kane. Un travail qui n’est pas allé à son terme puisque le maire de Grand Dakar s’y est opposé, soupçonnant ces jeunes d’être à la solde de politiciens. Ils s’attaquent au Cem blaise Diagne au niveau des toilettes pour filles à hauteur d’un million sept cent mille francs. « L’argent et le matériel ont été récoltés à partir de mes tweets sur Twitter ». Ce défi relevé, ils remettent à neuf les deux blocs de toilettes des garçons. C’est en plein travaux qu’ils ont reçu une demande pour le lycée de Yoff pour la réfection de six salles de classe. Lesquelles salles devraient accueillir des candidats aux Bfem.

Pour ce cas spécifique, l’heure était comptée pour eux. Ils n’avaient juste que trois semaines, et avec la somme de plus de deux millions francs pour… livrer le chantier à bon état. Il demande la participation de « sa » communauté. Au nombre de 15 000, chacun devait s’engager pour la modique somme de 100 francs. Un pari presque gagné en une journée où ils ont pu collecter le tiers de la somme. Aujourd’hui, Il est à sa sixième école déjà rénovée. Cependant « Junior » n’est pas encore au bout de ses peines. L’urgence s’est signalée dans beaucoup d’autres établissements où presque tout est à refaire. Des écoles à « retoucher » dare-dare avant la rentrée prévue dans deux mois, en principe, au début du mois prochain (novembre). Très actif dans les réseaux sociaux, il ne chôme jamais.

Ce touche-à-tout, marié et père d’une fille de deux ans, n’a pas une vie de famille. Son engagement communautaire fait qu’il a, aujourd’hui, à 33 ans, endossé tous les rôles. Il est en dehors de l’école… tout en restant dans l’école. Il abhorre la dégradation de l’environnement. D’où le « Clean Up Challenge ». « Un concept aujourd’hui copié par l’Etat du Sénégal pour en faire un programme dénommé le Cleaning Day national. C’est une copie conforme et le ministre en charge ne me démentira pas », dit-il le ton modeste. Et comme pour dire, « voilà, vous m’avez volé mon projet » ! Ce qui ne le dissuade guère. Au contraire ! Il invite même les jeunes à l’engagement communautaire. La seule et unique voie, selon lui, pour changer la communauté.

Le Témoin


Vendredi 18 Septembre 2020 - 09:37


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