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Boubacar Sèye sur le naufrage de la pirogue à Saint-Louis : "nous sommes entre colère, tristesse et incompréhension"

Le chavirement d'une pirogue à Saint-Louis (au Nord du Sénégal), avec à son bord plus de 300 candidats à l'émigration, a suscité une forte émotion dans le pays. Cet accident a fait une vingtaine de morts et près d'une quarantaine de blessés. Boubacar Sèye de l'ONG Horizon sans frontière n'a pas manqué de s'indigner de ce "drame", sans manquer de revenir sur les différentes problématiques du phénomène de l'émigration. Entretien.



Boubacar Sèye sur le naufrage de la pirogue à Saint-Louis : "nous sommes entre colère, tristesse et incompréhension"
Nous assistons à une intensification de la migration. Si l'on considère ce qui s'est passé hier à Saint-Louis?

Nous sommes, malheureusement au scénario où la migration continue de dévoiler dans nos pays des aspects aux conséquences incalculables dans nos sociétés en situation de vulnérabilité chronique, avec ces drames qui, malheureusement endeuillent tout le Sénégal. Aujourd’hui, nous sommes entre colère, tristesse et incompréhension. C’est l’échec total des politiques publiques dans la prise en charge de la jeunesse. On ne peut plus parler de la jeunesse uniquement, je voulais dire. Parce que quand vous faites  la cartographie ou bien la typologie des profils, actuellement, nous avons l’impression que c’est tout le Sénégal qui est dans le désespoir total et qui cherche à déménager. Cette situation ne nous surprend pas. Nous avons eu à alerter que si rien n’est fait, il y aurait une intensification des flux migratoires clandestins sous l’aiguillon de l’extrême pauvreté.

Quelles sont les causes des départs ?

Permettez-moi de rappeler, le Sénégal depuis deux ans traverse une crise politique très aigue. Une crise politique qui a plombé toute la vie économique du pays. L’incertitude est totale. Aujourd’hui, le désespoir et l’instinct de survie sont les principales causes du départ. L’urgence est absolue. Pour moi, l’heure n’est pas à la polémique. Il faudra éviter toute instrumentalisation politique de ce dossier qui est social. Aujourd’hui, le seul cahier de charge, la seule boussole c’est d’orienter les perspectives de solution vers la sécurité humaine. Il faut déblayer tous les obstacles, toutes les incertitudes et craintes liées à la sécurité économique, alimentaire, sanitaire et à la sécurité individuelle pour redonner l’espoir à cette jeunesse en quête d’un avenir beaucoup plus digne.
L’occasion est là, aujourd’hui avec les élections. Nous sommes à quelques encablures des élections présidentielles. L’offre politique devrait être la résilience de nos économies et la préservation de nos ressources pour lutter contre l’extrême pauvreté. Malheureusement, c’est un dossier à la traine. Parce que nous n’avons pas abordé le problème de manière systémique dans toute sa diversité et sa complexité. Les causes sont multisectorielles, multiformes et même politiques, voilà la situation au Sénégal.
Hier, à Saint-Louis une pirogue a échoué avec à son bord près de 300 personnes. Entre hier et aujourd’hui, le bilan ne cesse d’évoluer on parle de vingtaine morts et de quarantaine de morts. Est-ce un aveu d’échec de la part du gouvernement ?
C’est l’échec total au-delà du fait que l’Etat ne veut pas aborder ces sujets. Ce naufrage dont vous faites allusion traduit le naufrage des politiques publiques. Ce sujet est tabou au Sénégal. On n’en parle pas. Aujourd’hui, on devrait déclencher un deuil national. Donc, vous convenez avec moi que l’Etat est à la traine. Ce n’est pas demain la veille. Parce que tant qu’on n’accepte pas, tant que l’Etat est dans une posture d’autodéfense les choses ne vont pas évoluer. Et c’est pourquoi, j’ai parlé tout à l’heure d’un fait social. L’heure n’est pas à la polémique. Il faut faire taire les intérêts irrationnels et leurs instrumentalisations politiques.

Quel est le profil de ces émigrés économiques ?

Nous avons tous les profils. Quand vous faites, aujourd’hui le survol de la théorie de la migration. Vous verrez que toutes les théories se retrouvent au Sénégal. Quand vous prenez la théorie macroéconomique qui est fort différentiel géographique et une forte propension entre l’offre et la demande ça se justifie avec la destination la destination Etats-Unis via le Nicaragua. Les migrants qui prennent ce chemin, la majorité d’entre eux travaillent.
Quand on achète un billet à 6 mille Euros, on ne peut plus parler de précarité. C’est parce qu’il y a plus d’espoir. Les gens pensent qu’ils ne peuvent plus vivre dignement dans ce pays.

Est-ce qu’il ne faudrait pas faire une relecture de la perspective ?

Il faut que les Sénégalais comprennent que leur avenir est ici. Moi, j’ai rencontré à Séville où je vis, des Sénégalais qui ont eu tous à prendre les pirogues. Ils ont tous été piégés. On leur dit qu’ils peuvent déposer une demande d’asile.  Le migrant sénégalais il est économique. Il ne peut pas bénéficier du droit d’asile. Donc, ces gens les récupèrent et vivent de leur vulnérabilité. Quand vous déposez une demande d’asile le temps qu’on utilise le dossier ça peut prendre trois ans. Entre temps, ces gens sont sous protection subsidiaire. C’est-à-dire on ne peut plus les rapatrier. Mais une fois que le processus termine on les rapatrie vers le Sénégal. Eux tous sont déçus d’être là.

A votre niveau, (Horizon sans frontière) quelles sont les mesures que vous avez prises ?

Horizons sans frontière n’a pas été soutenu, ni au Sénégal ni ailleurs. Je pensais qu’au Sénégal on allait me soutenir mais vous avez que j’ai été mis en prison. Je n’ai jamais reçu de subvention pendant dix –huit (18) ans d’existence  d’Horizon sans frontière. Il faut que l’Europe revoie sa politique d’immigration. Les visas sont une conséquence de la fermeture des frontières européennes. La délivrance des visas ne règle pas le problème. Un visa c’est pour une semaine deux semaines. En Europe,  on ne peut rien faire si on est situation irrégulière. Le débat c’est de faire avancer la grille de réflexion sur ce que devrait être la prise en charge des flux migratoires dans un monde mondialisés. Malheureusement, le mode de gestion revient à l’Europe qui dicte ses lois. Pour preuve les sous qui ont été injectés en Europe c’est pour une question politique.

Babou Diallo

Jeudi 29 Février 2024 - 14:35


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