Dans un Sénégal profondément ancré dans ses traditions religieuses et morales, l'inceste demeure un sujet tabou, à la croisée du silence, de la peur et de l'indignation. Ce fléau, souvent étouffé sous les principes du « soutoureu » (discrétion) et du « massla » (médiation), éclaire des zones d'ombre juridiques et sociétales dans un pays où la religion régit les comportements autant que la loi. Le sujet de l’inceste est complexe et profondément troublant. Bien qu'il reste largement tabou, il est de plus en plus médiatisé, toutefois les articles qui en parlent le font souvent avec légerté.
Dans un contexte où les valeurs de discrétion et d'entente sociale sont prônées, de nombreuses victimes se retrouvent piégées dans un système qui privilégie le secret familial au détriment de la justice. Les récits de ces femmes et jeunes filles révèlent une double peine : subir l'abus et être réduits au silence, parfois mêmes contraintes à garder des enfants à l'issue de ces violences.
L'inceste, longtemps dissimulé dans l'intimité des familles, émerge aujourd'hui comme une réalité glaçante. À Dakar comme dans les zones rurales, ce phénomène, bien que tabou, détruit des vies, et les drames qui en découlent continuent d'alimenter les pages des faits divers des médias sénégalais. Plusieurs affaires d'inceste ont défrayé la chronique, notamment celle de Thiès où un père a violé sa propre fille, ou celle de Saint-Louis où un homme abusait de ses deux filles mineures. Ces exemples mettent en lumière l'horreur de ce phénomène et l'ampleur du traumatisme qu'il provoque, souvent amplifié par la stigmatisation et le silence familial.
Les victimes et leurs familles doivent naviguer dans un système où le tabou social complique souvent l'accès à la justice. Malgré quelques poursuites, la majorité des cas reste étouffés, souvent dissimulée sous le voile du silence, c’est une atteinte grave aux droits humains. Au Sénégal, comme dans d'autres sociétés, cette pratique reste taboue, reléguant ses victimes à une souffrance muette et prolongée. Selon Ndeye Ndiaye Ndoye, psychologue spécialisée dans les questions de genre, « l’inceste constitue une violation profonde de la dignité et de l'intégrité des enfants, avec des répercussions psychologiques et sociales graves. L'inceste se définit comme une relation sexuelle entre un adulte et un enfant, souvent non consentie. Même lorsque le consentement semble apparent, l'adulte porte l'entière responsabilité, car un enfant n'a ni la maturité ni la capacité de mesurer les implications de ses actes ou gestes. « L'adulte ne doit jamais répondre à de tels comportements, car cela constitue une atteinte grave aux droits et à la dignité de l'enfant », affirme Mme Ndiaye.
Outre son caractère immoral et illégal, l'inceste engendre des conséquences à long terme pour ses victimes. Les séquelles psychologiques incluent une perte d'estime de soi, un isolement social, des tendances suicidaires et des troubles comportementaux.
Au Sénégal, le sujet reste particulièrement délicat, souvent minimisé ou ignoré au sein des familles et de la société. « Parfois, même lorsque les abus sont connus, ils sont tus. On taxe la victime de mal éduquée ou on lui impose le silence pour préserver l'honneur familial », déplore la psychologue. Cette culture du silence aggrave les traumatismes, ressemblant aux victimes de recevoir l'aide nécessaire.
De plus, les infrastructures adaptées à la prise en charge des victimes d'inceste sont rares, rendant leur réhabilitation encore plus complexe. Les familles, souvent démunies, isolent les victimes sans pour autant leur offrir un réel accompagnement psychologique.
Un appel à briser le silence
Mme Ndiaye insiste sur l'importance d'un accompagnement adapté et bienveillant pour permettre aux victimes de reconstruire leur vie. « La résilience est un processus long, mais il est essentiel de ne pas concentrer l'attention sur l'acte violent. Encourager les victimes à se tourner vers des activités positives, telles que des arts ou des métiers manuels, peut contribuer à leur guérison. »
Les thérapies doivent viser à restaurer la confiance en soi des victimes et à les réintégrer dans un environnement social et professionnel stable.
L'inceste, défini comme une relation sexuelle entre un adulte et un enfant lié par un lien de parenté qui interdit le mariage, est perçu comme une atteinte grave aux droits humains. Selon la psychologue Ndeye Ndiaye Ndoye, l'inceste est une forme de violence qui laisse des traces indélébiles sur les victimes. « C'est une violation de la dignité et des droits d'une personne », affirme-t-elle.
Même si l'enfant semble consentant, souvent par des gestes ou des comportements perçus comme provocateurs, la responsabilité incombe toujours à l'adulte de refuser une telle relation.
Les impacts psychologiques de l'inceste sont multiples et se manifestent à court et à long terme. Parmi les effets observés :
1-Isolement social : Les victimes s'éloignent souvent de leur environnement familial et social, se renfermant dans un silence profond.
2-Perte de confiance en soi : Elles se sentent salies et marquées à vie, ce qui affecte leur développement personnel et leur intégration dans la société.
3-Dépression et suicide : Nombreuses sont les victimes qui, à un moment donné, envisagent de mettre fin à leurs jours à cause du poids insupportable du traumatisme.
4-Comportements agressifs ou inadaptés : Ces réactions sont souvent mal comprises par la société, qui n'envisage pas l'origine psychologique de ces attitudes.
Des chiffres qui font froids dans le dos
De plus, ces organisations militent pour une meilleure éducation et sensibilisation autour des droits reproductifs, afin de lutter contre la culture du silence qui entoure l'inceste. Elles souhaitent également une meilleure prise en charge des victimes, incluant un accès à des soins médicaux adéquats et à des services de soutien psychologique.
Face à cette situation, des associations comme l'Association des Juristes Sénégalaises (AJS) et des ONG de défense des droits humains plaident pour une révision des lois en faveur d'une dépénalisation partielle de l'avortement. Elles estiment que le cadre légal actuel pousse les femmes à des choix désespérés et aggrave leur souffrance.
Pour elles, il est urgent de briser le silence autour de l'inceste et de créer un espace où les victimes peuvent être entendues et accompagnées. Une réforme législative prenant en compte les réalités sociales, économiques et psychologiques des victimes est essentielle pour éviter que ces drames ne se répètent.
Au Sénégal, entre 2014 et 2018, les boutiques de droit de l’Association des Juristes sénégalaises (AJS) ont recensé une cinquantaine de cas de viol et d’inceste suivi de grossesse. 25 incestes ont été enregistrés entre janvier et novembre 2015 et les victimes sont âgées entre 3 et 18 ans. Les femmes victimes d’inceste n’ont pas légalement le droit à l’avortement. 2.711 cas de violences exercées sur des femmes ont été enregistrés par des boutiques de droits installées dans six régions du Sénégal entre janvier 2018 et juillet 2019 , dont 1195 de violences sexuelles (viol, inceste, pédophilie, et autres abus). Les victimes de ces cas de violences recensés dans les boutiques de droits ont un âge compris entre 15 et 34 ans.
En 2019, rien que pour la Boutique de droit de l’AJS de Pikine (dans la banlieue dakaroise), ce sont 7 cas d’inceste qui ont été enregistrés. « Depuis janvier 2021, 472 cas de viol sont enregistrés. Au Sénégal, les statistiques révèlent 668 cas de violence sur mineurs, 706 agressions sexuelles et 1.200 cas de viol rien qu’en 2019 », révéle une autre étude de l’AJS. Cela, compte non tenu des cas non révélés et gérés en sourdine dans le cadre familial. En plus de subir les conséquences physiques et émotionnelles de l'inceste, les victimes doivent affronter une société qui, souvent, les culpabilise. Ce silence collectif, mêlé à la peur de la honte, alimente le cycle de souffrance et de marginalisation.
Des organisations comme l'Association des Juristes Sénégalaises (AJS) militent pour une révision des lois sur l'avortement afin de prendre en compte les circonstances exceptionnelles comme l'inceste. Ces groupes soulignent l'urgence d'apporter un soutien juridique et psychologique aux victimes. Ce, dans le but de briser le cycle du silence et de la stigmatisation, une réponse globale incluant l’éducation, la sensibilisation, le soutien psychologique et la réforme législative est essentielle.
Un calvaire invisible
Le poids du silence autour de l'inceste au Sénégal est renforcé par des normes culturelles et religieuses. La société sénégalaise, majoritairement musulmane, condamne l'avortement, même dans des cas aussi extrêmes que ceux liés à l'inceste.
« L’inceste met en exergue les tensions entre les normes culturelles, les croyances religieuses et les droits humains. Tant que la société sénégalaise continue à taire ces réalités, les victimes d'inceste resteront prisonnières de ce cercle vicieux. Une prise de conscience collective est nécessaire pour aborder cette problématique avec compassion, justice et responsabilité. Les enjeux sont à la fois juridiques, sociaux et humains », déclare Dr Ndiaye Ndoye.
« Ce phénomène est souvent enveloppé de tabou et de stigmatisation, ce qui rend difficile l'identification des victimes, leur prise en charge et la mise en place de solutions légales pour leur permettre de se reconstruire.
Pour qu'un véritable changement ait lieu, il est crucial de continuer à promouvoir le dialogue et à soutenir les organisations qui œuvrent pour les droits des femmes et des enfants. Le combat contre l'inceste et l'injustice qui en découle doit être mené sur tous les fronts, pour que les victimes ne soient plus seules face à la violence et au silence », ajoute la psychologue.
Ce qu’en dit la loi
Au Sénégal, le code pénal ne mentionne pas l'inceste. « Bien que bannie par la morale et la religion, l'inceste n'est pas spécifiquement condamné par le droit pénal sénégalais », explique Maître Tafsir Abdoul Sy, avocat à la Cour. Cependant, l'article 320 bis, introduit en 1999, considère que tout acte d'abus sexuel par un ascendant est assimilé à un viol, en raison de l'autorité exercée sur la victime. « La qualité d'ascendant et d'autorité écarte le consentement », précise Alassane Ndiaye, magistrat et directeur de la chambre des affaires criminelles.
Mais cette absence de cadre juridique spécifique à l'inceste rend difficile la reconnaissance du traumatisme unique qui subissent les victimes dans ce contexte familial et intrafamilial. Cet acte, interdit par les valeurs culturelles et religieuses, continue d'être occulté par une gestion discrète et parfois informelle au sein des familles. Il est bon de noter que plusieurs articles de ce Code de la famille ont fait l’objet de plaintes et de plaidoyer de beaucoup d'organisations de la Société civile sénégalaise.
C’est le cas avec l’article 196 qui porte sur l’interdiction de la recherche de paternité. Ainsi l’établissement de la filiation paternelle est interdit à tout enfant qui n’est pas présumé issu du mariage de sa mère ou n’a pas été volontairement reconnu par son père, exception faite des cas prévus à l’article 211. Laquelle disposition parle d’établissement exceptionnel de la filiation paternelle. Il y est alors indiqué que :
Mais l’Article 195 constitue le point essentiel de ce papier axé sur la filiation incestueuse. Cet article qui dispose : ‘’l’enfant né d’un commerce incestueux ne peut être reconnu par son père, hormis le cas où le mariage de ses auteurs n’est plus prohibé par l’effet des dispositions de l’article 110 du présent Code qui prévoit que l’union devient possible en cas d’absence de lien de parenté ou d’alliance. Mais, le mariage de toute personne avec ses ascendants ou ceux de son conjoint ; ou avec ses descendants ou ceux de son conjoint ; ou enfin, avec les descendants de ses ascendants ou de ceux de son conjoint, jusqu’au 3e degré (arrière-petits-enfants et par alliance), demeure prohibé pour cause de parenté ou d’alliance. Mention est aussi faite qu’il ‘’n’y a plus prohibition pour cause d’alliance entre beau-frère et belle-sœur lorsque l’union qui provoquait l’alliance a été dissoute par le décès’’, a indiqué ledit Code.
La difficulté d'aborder l'inceste dépasse le cadre juridique pour s'inscrire dans une controverse morale et religieuse. Le Sénégal, pays majoritairement musulman, a ratifié en 2004 le Protocole de Maputo, qui prévoit notamment l'accès à l'avortement en cas d'inceste, de viol ou lorsque la vie de la mère ou du fœtus est en danger. Toutefois, aucune loi n'a été adoptée pour concrétiser cet engagement, les groupes conservateurs religieux s'y opposent fermement.
En 2013, un groupe de travail a été mis en place par l'État pour traiter cette question. Mais à ce jour, aucune avancée notable n'a été réalisée, laissant les victimes de violations intrafamiliales sans cadre légal précis ni soutien adéquat.
Une réponse sociale insuffisante
Dans la société sénégalaise, le silence autour de l'inceste est renforcé par des valeurs comme le soutoureu et le massla , qui prônent la discrétion et la préservation de l'harmonie familiale. Par conséquent, de nombreux cas d'inceste restent non signalés ou sont résolus de manière informelle, souvent au détriment des victimes. Pourtant, chaque témoignage porté au grand jour fragilise ce mur de silence. En mettant des mots sur l'indicible, ces voix appellent à une fonte de la législation, à un accompagnement des victimes, et surtout à une libération des consciences.
Le traitement de l'inceste au Sénégal nécessite une approche multidimensionnelle : une reconnaissance juridique spécifique, un encadrement psychosocial des victimes, et une sensibilisation massive pour briser les tabous culturels. Face à la lenteur des réformes, des organisations de la société civile, des avocats et des magistrats appelés à l'action pour rendre justice à ces victimes, souvent invisibles.
Le Sénégal, comme d'autres nations, doit relever ce défi en faisant évoluer ses lois et ses mentalités.
Un tabou aux conséquences lourdes
Dans un contexte où les violences sexuelles intrafamiliales sont souvent maudits, le Sénégal se trouve face à une réalité troublante : l'inceste, un sujet entouré de silence, de honte et de souffrance pour les victimes. Ce fléau, pourtant omniprésent, continue d'être ignoré ou minimisé par les structures sociales, religieuses et judiciaires.
Cependant, l'absence d'infrastructures adaptées complique encore davantage la prise en charge des survivants. Les thérapies proposées doivent inclure :
1-Une approche bienveillante, sans stigmatisation.
2-Un accompagnement prolongé pour aider les victimes à reconstruire leur confiance et leur estime de soi.
3-Des activités comme le dessin ou des métiers manuels pour canaliser leur énergie et favoriser leur résilience.
4-Briser le silence et de fournir un cadre juridique et institutionnel pour lutter contre l'inceste.
5.La sensibilisation à ce fléau, combinée à des mécanismes de soutien adaptés, est essentielle pour aider les victimes à se reconstruire et à reprendre le contrôle de leur vie.
Appels à une réforme législative et sociale
À Dakar, comme dans certaines pièces du pays, des filles et même des femmes tombées enceintes des suites d'un viol ou d'un inceste purgeant aujourd'hui des peines de prison pour infanticide. Certaines, par contre, sans recours ni assistance, arrivent à élever l'enfant né de cette union formellement interdite par la loi, la coutume et les religions, et qui est en même temps demi-frère, demi-sœur, cousin ou cousine. Par mépris et sans amour pour ce dernier. Tandis que d'autres préfèrent souffrir en silence, avec un traumatisme psychologique profond qui vire parfois à la dépression ou même au suicide…entre autres.
Interrogé sur l’inceste Imam Ba évoque simplement un verset du coran pour dire c’est interdit. « Et n'épousez pas les femmes que vos pères ont épousées, exception faite pour le passé. C'est une turpitude, une abomination, et quelle mauvaise conduite! Vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, tantes paternelles et tantes maternelles, filles d'un frère et filles d'une sœur, mères qui vous ont allaités, sœurs de lait, mères de vos femmes, belles-filles sous votre tutelle et issues des femmes avec qui vous avez consommé le mariage… »
Cet article a été réalisé par Ndeye Fatou Touré dans le cadre de l’Africa Women’s Journalism Project (AWJP) avec le soutien du Centre International des Journalistes (ICFJ) dans le cadre de la Bourse Reportage pour les Journalistes Femmes en Afrique Francophon
Dans un contexte où les valeurs de discrétion et d'entente sociale sont prônées, de nombreuses victimes se retrouvent piégées dans un système qui privilégie le secret familial au détriment de la justice. Les récits de ces femmes et jeunes filles révèlent une double peine : subir l'abus et être réduits au silence, parfois mêmes contraintes à garder des enfants à l'issue de ces violences.
« J'ai été victime d'inceste de la part de mon frère durant six ans. Mes parents n’ont été au courant que tardivement quand j'ai eu 20 ans. Pendant longtemps je me suis demandée pourquoi j'ai subi ça. J'ai eu une enfance et une adolescence très douloureuses. Cependant mes parents sont particulièrement injustes. Ils continuent de faire comme si rien ne s'était passé au point de faire passer mon frère l'agresseur pour une victime. Ils entretiennent avec lui des relations normales et le valorise. J'essaie toujours d’être respectueuse envers eux mais des fois c'est tellement dur que j'ai envie de m'éloigner d'eux et d'entretenir des relations à distance », témoigne une victime d’inceste toujours traumatisée.
L'inceste, longtemps dissimulé dans l'intimité des familles, émerge aujourd'hui comme une réalité glaçante. À Dakar comme dans les zones rurales, ce phénomène, bien que tabou, détruit des vies, et les drames qui en découlent continuent d'alimenter les pages des faits divers des médias sénégalais. Plusieurs affaires d'inceste ont défrayé la chronique, notamment celle de Thiès où un père a violé sa propre fille, ou celle de Saint-Louis où un homme abusait de ses deux filles mineures. Ces exemples mettent en lumière l'horreur de ce phénomène et l'ampleur du traumatisme qu'il provoque, souvent amplifié par la stigmatisation et le silence familial.
Les victimes et leurs familles doivent naviguer dans un système où le tabou social complique souvent l'accès à la justice. Malgré quelques poursuites, la majorité des cas reste étouffés, souvent dissimulée sous le voile du silence, c’est une atteinte grave aux droits humains. Au Sénégal, comme dans d'autres sociétés, cette pratique reste taboue, reléguant ses victimes à une souffrance muette et prolongée. Selon Ndeye Ndiaye Ndoye, psychologue spécialisée dans les questions de genre, « l’inceste constitue une violation profonde de la dignité et de l'intégrité des enfants, avec des répercussions psychologiques et sociales graves. L'inceste se définit comme une relation sexuelle entre un adulte et un enfant, souvent non consentie. Même lorsque le consentement semble apparent, l'adulte porte l'entière responsabilité, car un enfant n'a ni la maturité ni la capacité de mesurer les implications de ses actes ou gestes. « L'adulte ne doit jamais répondre à de tels comportements, car cela constitue une atteinte grave aux droits et à la dignité de l'enfant », affirme Mme Ndiaye.
Outre son caractère immoral et illégal, l'inceste engendre des conséquences à long terme pour ses victimes. Les séquelles psychologiques incluent une perte d'estime de soi, un isolement social, des tendances suicidaires et des troubles comportementaux.
« Les enfants violés peuvent développer des réactions agressives, des comportements d'évitement, ou encore s'emmurer dans un silence destructeur », explique Mme Ndoye.
Au Sénégal, le sujet reste particulièrement délicat, souvent minimisé ou ignoré au sein des familles et de la société. « Parfois, même lorsque les abus sont connus, ils sont tus. On taxe la victime de mal éduquée ou on lui impose le silence pour préserver l'honneur familial », déplore la psychologue. Cette culture du silence aggrave les traumatismes, ressemblant aux victimes de recevoir l'aide nécessaire.
De plus, les infrastructures adaptées à la prise en charge des victimes d'inceste sont rares, rendant leur réhabilitation encore plus complexe. Les familles, souvent démunies, isolent les victimes sans pour autant leur offrir un réel accompagnement psychologique.
Un appel à briser le silence
Mme Ndiaye insiste sur l'importance d'un accompagnement adapté et bienveillant pour permettre aux victimes de reconstruire leur vie. « La résilience est un processus long, mais il est essentiel de ne pas concentrer l'attention sur l'acte violent. Encourager les victimes à se tourner vers des activités positives, telles que des arts ou des métiers manuels, peut contribuer à leur guérison. »
Les thérapies doivent viser à restaurer la confiance en soi des victimes et à les réintégrer dans un environnement social et professionnel stable.
« Il faut du temps, de la patience et un soutien continu pour atténuer la souffrance L’inceste demeure un sujet tabou au Sénégal, mais il est impératif d'ouvrir le dialogue pour protéger les enfants et offrir justice et soutien aux victimes. Ce combat nécessite une sensibilisation accrue, des infrastructures adaptées, et surtout, un changement de mentalité au sein des familles et de la société. Parce qu'en parler, c'est déjà un pas vers la guérison », plaide t-elle.
L'inceste, défini comme une relation sexuelle entre un adulte et un enfant lié par un lien de parenté qui interdit le mariage, est perçu comme une atteinte grave aux droits humains. Selon la psychologue Ndeye Ndiaye Ndoye, l'inceste est une forme de violence qui laisse des traces indélébiles sur les victimes. « C'est une violation de la dignité et des droits d'une personne », affirme-t-elle.
Même si l'enfant semble consentant, souvent par des gestes ou des comportements perçus comme provocateurs, la responsabilité incombe toujours à l'adulte de refuser une telle relation.
Les impacts psychologiques de l'inceste sont multiples et se manifestent à court et à long terme. Parmi les effets observés :
1-Isolement social : Les victimes s'éloignent souvent de leur environnement familial et social, se renfermant dans un silence profond.
2-Perte de confiance en soi : Elles se sentent salies et marquées à vie, ce qui affecte leur développement personnel et leur intégration dans la société.
3-Dépression et suicide : Nombreuses sont les victimes qui, à un moment donné, envisagent de mettre fin à leurs jours à cause du poids insupportable du traumatisme.
4-Comportements agressifs ou inadaptés : Ces réactions sont souvent mal comprises par la société, qui n'envisage pas l'origine psychologique de ces attitudes.
Des chiffres qui font froids dans le dos
De plus, ces organisations militent pour une meilleure éducation et sensibilisation autour des droits reproductifs, afin de lutter contre la culture du silence qui entoure l'inceste. Elles souhaitent également une meilleure prise en charge des victimes, incluant un accès à des soins médicaux adéquats et à des services de soutien psychologique.
Face à cette situation, des associations comme l'Association des Juristes Sénégalaises (AJS) et des ONG de défense des droits humains plaident pour une révision des lois en faveur d'une dépénalisation partielle de l'avortement. Elles estiment que le cadre légal actuel pousse les femmes à des choix désespérés et aggrave leur souffrance.
Pour elles, il est urgent de briser le silence autour de l'inceste et de créer un espace où les victimes peuvent être entendues et accompagnées. Une réforme législative prenant en compte les réalités sociales, économiques et psychologiques des victimes est essentielle pour éviter que ces drames ne se répètent.
Au Sénégal, entre 2014 et 2018, les boutiques de droit de l’Association des Juristes sénégalaises (AJS) ont recensé une cinquantaine de cas de viol et d’inceste suivi de grossesse. 25 incestes ont été enregistrés entre janvier et novembre 2015 et les victimes sont âgées entre 3 et 18 ans. Les femmes victimes d’inceste n’ont pas légalement le droit à l’avortement. 2.711 cas de violences exercées sur des femmes ont été enregistrés par des boutiques de droits installées dans six régions du Sénégal entre janvier 2018 et juillet 2019 , dont 1195 de violences sexuelles (viol, inceste, pédophilie, et autres abus). Les victimes de ces cas de violences recensés dans les boutiques de droits ont un âge compris entre 15 et 34 ans.
En 2019, rien que pour la Boutique de droit de l’AJS de Pikine (dans la banlieue dakaroise), ce sont 7 cas d’inceste qui ont été enregistrés. « Depuis janvier 2021, 472 cas de viol sont enregistrés. Au Sénégal, les statistiques révèlent 668 cas de violence sur mineurs, 706 agressions sexuelles et 1.200 cas de viol rien qu’en 2019 », révéle une autre étude de l’AJS. Cela, compte non tenu des cas non révélés et gérés en sourdine dans le cadre familial. En plus de subir les conséquences physiques et émotionnelles de l'inceste, les victimes doivent affronter une société qui, souvent, les culpabilise. Ce silence collectif, mêlé à la peur de la honte, alimente le cycle de souffrance et de marginalisation.
Des organisations comme l'Association des Juristes Sénégalaises (AJS) militent pour une révision des lois sur l'avortement afin de prendre en compte les circonstances exceptionnelles comme l'inceste. Ces groupes soulignent l'urgence d'apporter un soutien juridique et psychologique aux victimes. Ce, dans le but de briser le cycle du silence et de la stigmatisation, une réponse globale incluant l’éducation, la sensibilisation, le soutien psychologique et la réforme législative est essentielle.
Un calvaire invisible
Le poids du silence autour de l'inceste au Sénégal est renforcé par des normes culturelles et religieuses. La société sénégalaise, majoritairement musulmane, condamne l'avortement, même dans des cas aussi extrêmes que ceux liés à l'inceste.
« J’ai découvert, il n’y a pas longtemps que je suis le fruit d’un inceste être ma mère et son père. A ma naissance, j’ai été déposé à la porte d’une mosquée à Mbour. Je fus ensuite confié à l’imam de la mosquée puis à la pouponnière de Mbour avant de me retrouver à mes deux ans au Village d’enfants SOS de Dakar. C’étaient les plus belles années de ma vie. Mais plus je grandissais, certaines choses m’intriguaient un peu plus. Quand j’ai voulu enfin poser la question qui faisait mal, ma mère ne m’a pas laissé finir. Elle m’a dit : ‘Il est mort. Cela ne servirait à rien de connaître ce monstre. Je n’ai jamais pensé qu’un enfant et sa mère pouvaient avoir le même père biologique. Je me suis dit qu’elle aurait dû garder la vérité pour elle. J’aurais préféré qu’elle me mente sur mon père. Je souffre quand j’en parle. J’ai du mal à l’imaginer. Je ne suis pas fier de mon existence car indirectement, je sais que je suis la cause du malheur et de la tristesse de ma mère», a témoigné Oumar âgé de 40 ans dans les colonnes du quotidien sénégalais L’Observateur.
« L’inceste met en exergue les tensions entre les normes culturelles, les croyances religieuses et les droits humains. Tant que la société sénégalaise continue à taire ces réalités, les victimes d'inceste resteront prisonnières de ce cercle vicieux. Une prise de conscience collective est nécessaire pour aborder cette problématique avec compassion, justice et responsabilité. Les enjeux sont à la fois juridiques, sociaux et humains », déclare Dr Ndiaye Ndoye.
« Ce phénomène est souvent enveloppé de tabou et de stigmatisation, ce qui rend difficile l'identification des victimes, leur prise en charge et la mise en place de solutions légales pour leur permettre de se reconstruire.
L'inceste est un fléau qui mérite d'être abordé avec plus de courage et de transparence dans le contexte sénégalais. Le tabou autour de ce sujet, couplé à des législations obsolètes et à une absence de solutions médicales sûres pour les victimes, rend la situation encore plus difficile à surmonter.
Pour qu'un véritable changement ait lieu, il est crucial de continuer à promouvoir le dialogue et à soutenir les organisations qui œuvrent pour les droits des femmes et des enfants. Le combat contre l'inceste et l'injustice qui en découle doit être mené sur tous les fronts, pour que les victimes ne soient plus seules face à la violence et au silence », ajoute la psychologue.
Ce qu’en dit la loi
Au Sénégal, le code pénal ne mentionne pas l'inceste. « Bien que bannie par la morale et la religion, l'inceste n'est pas spécifiquement condamné par le droit pénal sénégalais », explique Maître Tafsir Abdoul Sy, avocat à la Cour. Cependant, l'article 320 bis, introduit en 1999, considère que tout acte d'abus sexuel par un ascendant est assimilé à un viol, en raison de l'autorité exercée sur la victime. « La qualité d'ascendant et d'autorité écarte le consentement », précise Alassane Ndiaye, magistrat et directeur de la chambre des affaires criminelles.
Mais cette absence de cadre juridique spécifique à l'inceste rend difficile la reconnaissance du traumatisme unique qui subissent les victimes dans ce contexte familial et intrafamilial. Cet acte, interdit par les valeurs culturelles et religieuses, continue d'être occulté par une gestion discrète et parfois informelle au sein des familles. Il est bon de noter que plusieurs articles de ce Code de la famille ont fait l’objet de plaintes et de plaidoyer de beaucoup d'organisations de la Société civile sénégalaise.
C’est le cas avec l’article 196 qui porte sur l’interdiction de la recherche de paternité. Ainsi l’établissement de la filiation paternelle est interdit à tout enfant qui n’est pas présumé issu du mariage de sa mère ou n’a pas été volontairement reconnu par son père, exception faite des cas prévus à l’article 211. Laquelle disposition parle d’établissement exceptionnel de la filiation paternelle. Il y est alors indiqué que :
« l’enfant (né des suites d’un viol) pourra établir sa filiation paternelle si le prétendu père a procédé ou fait procéder à son baptême ou lui a donné un prénom, nonobstant l’interdiction édictée par l’article 196 cité plus haut. Dès lors, l’enfant dont la filiation paternelle n’a pu être établie peut toutefois obtenir des aliments (une ration alimentaire) par l’exercice de l’action prévue par les articles 215 à 218. »
Mais l’Article 195 constitue le point essentiel de ce papier axé sur la filiation incestueuse. Cet article qui dispose : ‘’l’enfant né d’un commerce incestueux ne peut être reconnu par son père, hormis le cas où le mariage de ses auteurs n’est plus prohibé par l’effet des dispositions de l’article 110 du présent Code qui prévoit que l’union devient possible en cas d’absence de lien de parenté ou d’alliance. Mais, le mariage de toute personne avec ses ascendants ou ceux de son conjoint ; ou avec ses descendants ou ceux de son conjoint ; ou enfin, avec les descendants de ses ascendants ou de ceux de son conjoint, jusqu’au 3e degré (arrière-petits-enfants et par alliance), demeure prohibé pour cause de parenté ou d’alliance. Mention est aussi faite qu’il ‘’n’y a plus prohibition pour cause d’alliance entre beau-frère et belle-sœur lorsque l’union qui provoquait l’alliance a été dissoute par le décès’’, a indiqué ledit Code.
La difficulté d'aborder l'inceste dépasse le cadre juridique pour s'inscrire dans une controverse morale et religieuse. Le Sénégal, pays majoritairement musulman, a ratifié en 2004 le Protocole de Maputo, qui prévoit notamment l'accès à l'avortement en cas d'inceste, de viol ou lorsque la vie de la mère ou du fœtus est en danger. Toutefois, aucune loi n'a été adoptée pour concrétiser cet engagement, les groupes conservateurs religieux s'y opposent fermement.
En 2013, un groupe de travail a été mis en place par l'État pour traiter cette question. Mais à ce jour, aucune avancée notable n'a été réalisée, laissant les victimes de violations intrafamiliales sans cadre légal précis ni soutien adéquat.
Une réponse sociale insuffisante
Dans la société sénégalaise, le silence autour de l'inceste est renforcé par des valeurs comme le soutoureu et le massla , qui prônent la discrétion et la préservation de l'harmonie familiale. Par conséquent, de nombreux cas d'inceste restent non signalés ou sont résolus de manière informelle, souvent au détriment des victimes. Pourtant, chaque témoignage porté au grand jour fragilise ce mur de silence. En mettant des mots sur l'indicible, ces voix appellent à une fonte de la législation, à un accompagnement des victimes, et surtout à une libération des consciences.
Le traitement de l'inceste au Sénégal nécessite une approche multidimensionnelle : une reconnaissance juridique spécifique, un encadrement psychosocial des victimes, et une sensibilisation massive pour briser les tabous culturels. Face à la lenteur des réformes, des organisations de la société civile, des avocats et des magistrats appelés à l'action pour rendre justice à ces victimes, souvent invisibles.
L'inceste n'est pas qu'un crime moral ou religieux. Il est une blessure sociale qui exige que justice soit rendue à celles et à ceux qui souffrent dans le silence.
Le Sénégal, comme d'autres nations, doit relever ce défi en faisant évoluer ses lois et ses mentalités.
Un tabou aux conséquences lourdes
Dans un contexte où les violences sexuelles intrafamiliales sont souvent maudits, le Sénégal se trouve face à une réalité troublante : l'inceste, un sujet entouré de silence, de honte et de souffrance pour les victimes. Ce fléau, pourtant omniprésent, continue d'être ignoré ou minimisé par les structures sociales, religieuses et judiciaires.
Cependant, l'absence d'infrastructures adaptées complique encore davantage la prise en charge des survivants. Les thérapies proposées doivent inclure :
1-Une approche bienveillante, sans stigmatisation.
2-Un accompagnement prolongé pour aider les victimes à reconstruire leur confiance et leur estime de soi.
3-Des activités comme le dessin ou des métiers manuels pour canaliser leur énergie et favoriser leur résilience.
4-Briser le silence et de fournir un cadre juridique et institutionnel pour lutter contre l'inceste.
5.La sensibilisation à ce fléau, combinée à des mécanismes de soutien adaptés, est essentielle pour aider les victimes à se reconstruire et à reprendre le contrôle de leur vie.
Appels à une réforme législative et sociale
À Dakar, comme dans certaines pièces du pays, des filles et même des femmes tombées enceintes des suites d'un viol ou d'un inceste purgeant aujourd'hui des peines de prison pour infanticide. Certaines, par contre, sans recours ni assistance, arrivent à élever l'enfant né de cette union formellement interdite par la loi, la coutume et les religions, et qui est en même temps demi-frère, demi-sœur, cousin ou cousine. Par mépris et sans amour pour ce dernier. Tandis que d'autres préfèrent souffrir en silence, avec un traumatisme psychologique profond qui vire parfois à la dépression ou même au suicide…entre autres.
Abbé Roger Gomis, « l'Église catholique condamne le viol et l'inceste. Dans la Bible, on retrouve d'ailleurs des interdictions relatives à l'incestueux. La Bible l’énonce clairement : toute relation incestueuse est interdite (Lévitique 18, 6-16 ; 20, 17 ; et Deutéronome 27, 22-23) ».
Interrogé sur l’inceste Imam Ba évoque simplement un verset du coran pour dire c’est interdit. « Et n'épousez pas les femmes que vos pères ont épousées, exception faite pour le passé. C'est une turpitude, une abomination, et quelle mauvaise conduite! Vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, tantes paternelles et tantes maternelles, filles d'un frère et filles d'une sœur, mères qui vous ont allaités, sœurs de lait, mères de vos femmes, belles-filles sous votre tutelle et issues des femmes avec qui vous avez consommé le mariage… »
Cet article a été réalisé par Ndeye Fatou Touré dans le cadre de l’Africa Women’s Journalism Project (AWJP) avec le soutien du Centre International des Journalistes (ICFJ) dans le cadre de la Bourse Reportage pour les Journalistes Femmes en Afrique Francophon
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