Connectez-vous S'inscrire
PRESSAFRIK.COM , L'info dans toute sa diversité (Liberté - Professionnalisme - Crédibilité)

Emmanuel Macron, de l’Elysée à l’Elysée

S’il n’avait pas intégré en mai 2012 le cabinet de François Hollande, Emmanuel Macron ne serait sans doute pas le futur président français. De ses premières fréquentations du palais présidentiel à son possible retour triomphal, portrait d’une foudroyante ascension élyséenne.



Un escalier étroit. Puis un bureau tout en longueur, donnant sur l’Avenue de Marigny et le parc de l’Elysée. Lorsque, en avril 2014, Emmanuel Macron nous reçoit pour parler de la Suisse et de l’évasion fiscale autour de la table de verre qui sert aux réunions, son parcours de secrétaire général adjoint de la présidence touche à sa fin.
 
Nommé dès le 16 mai 2012 pour seconder Pierre-René Lemas, le préfet compagnon (ils sont tous deux issus de la même promotion Voltaire de l’ENA) choisi par François Hollande pour diriger l’équipe de son début de quinquennat, le jeune inspecteur des finances de 34 ans a vite compris que le palais manque d’oxygène pour ses hautes ambitions.

Trop d’obstacles. Trop de frustrations. Trop d’opportunités: «Emmanuel avait une vue très claire de ce qu’il fallait faire pour redresser la France et son économie, se souvient Aquilino Morelle, à l’époque principal conseiller politique du chef de l’Etat et auteur de L’Abdication (Ed. Grasset). J’étais opposé à ses solutions car je les jugeais trop libérales, contraires à nos engagements de gauche. Mais jamais nous ne nous sommes fâchés.» Le départ, pourtant, ne tardera pas. En juillet 2014, un peu plus de deux ans après sa nomination, l’actuel favori de l’élection présidentielle quitte sans regrets son bureau du 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré…
 
Attali comme parrain
L’Elysée. Tout s’est noué ici pour celui qui, au soir du 7 mai prochain, risque d’y revenir en président élu. Arrivé en même temps que lui, le secrétaire général adjoint de la présidence, Nicolas Revel, est un socialiste patenté, ex-porte-parole du maire de Paris Bertrand Delanoë. Macron, lui, n’a jamais figuré dans l’organigramme de campagne du candidat Hollande. Les caciques du PS ne l’ont jamais vu. Et pourtant: cette collaboratrice de François Hollande a suivi chaque pas, chaque déplacement de celui qui, dès son embauche au «Palais» en 2012, fait déjà grincer des dents en raison de son passé de banquier chez Rothschild. «Rapide. Bosseur. Charmant. Entêté. Voilà comment je le décrirais. Il s’est fait beaucoup d’adversaires ici, mais pas d’ennemi» nous raconte-t-elle, alors que le président français reçoit, un étage plus bas, son homologue guinéen Alpha Condé.
 
"Rapide. Bosseur. Charmant. Entêté. Voilà comment je le décrirais. Il s’est fait beaucoup d’adversaires ici, mais pas d’ennemi", une collaboratrice de François Hollande
A l’inverse de la majorité de ses collègues énarques, Emmanuel Macron ne fonctionne pas de façon verticale. Ce «gros bosseur toujours aimable» consulte. Il annote. Il recule s’il le faut. La personnalité de François Hollande, toujours en difficulté pour formuler clairement une position et s’y tenir, convient à son goût de l’esquive et du louvoiement. «Sa force en deux ans de présence à l’Elysée est d’avoir réussi à s’en sortir, sourit un autre ex-conseiller élyséen, habitué des réunions tardives avec l’ancien banquier, au-dessus de ces plateaux de sushis qu’il affectionne. Nous, Hollande nous a cramés. Lui, il a cramé Hollande!»
 
La réalité est plus subtile. Lorsqu’il débarque à l’Elysée, une semaine après la défaite de Nicolas Sarkozy terrassé par le «président normal» (51,64% des voix contre 48,36%), Emmanuel Macron n’est pas en terrain inconnu. Cinq ans plus tôt, durant tout le second semestre 2007, sa participation à la Commission pour la libération de la croissance française dirigée par l’écrivain-diplomate-économiste Jacques Attali lui a valu d’échanger souvent avec François Pérol, alors… secrétaire général adjoint de la présidence, donc son prédécesseur.
 
Inspecteur des finances lui aussi, l’actuel patron du groupe bancaire Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE) rêve d’une «Sarko-économie» qui redynamiserait la France. Avec le directeur du Trésor de l’époque, Xavier Musca (qui remplacera ensuite Pérol en 2009 à l’Elysée), ces derniers parlent de l’Europe et s’inquiètent de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2007. Leur interlocuteur au gouvernement? Le ministre des Affaires européennes Jean-Pierre Jouyet, ami très proche du premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, et figure des Gracques, le collectif d’intellectuels et de hauts fonctionnaires sociaux-démocrates, berceau idéologique du futur candidat à l’Elysée. Une prise de «guerre» de Sarkozy qui, élu à droite toute, rêve de gouverner au centre. Tous acquiescent au rapport Attali: «Depuis vingt ans, la France n’a pas su se réformer».

Macron, petite main d’Attali, gère les 41 membres de la commission. En tête: Peter Brabeck, le patron de Nestlé, pour qui il négociera ensuite chez Rothschild le rachat de Pfizer Nutrition, finalisé au début 2012. Juste derrière? Erik Orsenna ou l’économiste Philippe Aghion, aujourd’hui piliers de l’aventure d’En Marche!. Dans ces coulisses élyséennes que la crise financière internationale et la présidence française de l’UE en 2008 ont transformées en QG communautaire, le rapport de 316 propositions et 243 pages, rendu le 23 janvier 2008, est vite oublié. Mais son rapporteur, lui, a tapé dans l’œil d’un certain… François Fillon, alors premier ministre et très soucieux d’exister dans l’ombre de l’«hyper-président» Sarko. Dans le Financial Times du 23 janvier 2008, jour où Jacques Attali remet son document à l’Elysée, le locataire de Matignon se dit d’emblée d’accord. Dès le lendemain, Fillon et Attali plastronnent au Forum de Davos. Ils parlent de faire venir Macron comme conseiller à Matignon. Dans la station grisonne, le jeune inspecteur des finances gagne sans le savoir ses premiers galons.
 
L'Elysée comme creuset
«Il n'y a pas eu de «top départ». La fusée Macron n’a pas décollé du jour au lendemain. Les morceaux se sont assemblés au fur et à mesure au fil de ces va-et-vient entre la banque Rothschild, l’Elysée, Matignon… et le bureau de Michel Rocard, devenu peu à peu son tuteur politique», complète Marc Endeweld, lors de la sortie de L’ambigu Monsieur Macron (Flammarion), excellente biographie politique de l’intéressé parue en 2015. Rocard-Sarkozy-Hollande. Le fil est ténu. Mais cette courroie élyséenne va fonctionner. Nommé ambassadeur des pôles en 2009 par le chef de l’Etat, l’ancien premier ministre de François Mitterrand (dont le plus fidèle complice n’est autre que le financier Henry Hermand, décédé en 2016, témoin de mariage des époux Macron) sollicite les analyses d'«Emmanuel» sur la finance et le climat.
 
"La forteresse économique de Bercy, avec ses angles droits, ne correspond en rien à son tempérament. Alors que l’Elysée, avec son côté maison de fous peuplée de conseillers pressés de séduire le président, lui convient bien mieux", un ancien collègue.

Retour d’ascenseur quatre ans plus tard: lorsque François Hollande, à l’Elysée, décore Michel Rocard de la grand-croix de la Légion d’honneur le 9 octobre 2015, son ex-protégé tient à relire le discours d’hommage présidentiel. «Vous avez réformé la France et, à force de persévérance, parfois en avance sur votre temps, porté des textes iconoclastes», salue le président français. Aux premières loges? Jean-Pierre Jouyet, l’ex-ministre d’ouverture rabiboché avec son vieil ami, qui l’a appelé à la rescousse pour diriger son staff présidentiel. Au milieu? Emmanuel Macron, que tous ont tour à tour adopté et choyé. Boucle bouclée.
 
Le Ministère de l’économie, où il a remplacé Arnaud Montebourg fin août 2014, sera son véritable tremplin et la «forge» d’En Marche ! Mais l’Elysée, ce palais habité jadis par Mme de Pompadour, épargné par la révolution puis annexé par Napoléon, demeurera son creuset. Un de ses anciens collègues se risque: «La forteresse économique de Bercy, avec ses angles droits, ne correspond en rien à son tempérament. Alors que l’Elysée, avec son côté maison de fous peuplée de conseillers pressés de séduire le président, lui convient bien mieux.» C’est aussi là, disent les méchantes langues, qu’Emmanuel Macron, après la révélation de la liaison entre François Hollande et l’actrice Julie Gayet, a compris qu’il fallait avoir les paparazzis de son côté. N’est-ce pas le 31 décembre 2013, jour des fameux vœux durant lesquels le président sortant confirme le virage social-libéral qu’il a inspiré au nom de la compétitivité des entreprises, que les derniers clichés du chef de l’Etat casqué, sortant de l’appartement de sa maîtresse, ont été pris? Ils seront publiés le 9 janvier 2014. «Avoir vécu ces moments-là, terribles pour la fonction, est le meilleur apprentissage présidentiel», poursuit notre source.
 
La Présidence comme ambition
Elysée toujours. 23 octobre 2014. François Hollande, contraint de se séparer de son premier ministre Jean-Marc Ayrault après la débâcle des municipales, s’apprête à décorer son remplaçant, Manuel Valls, nommé en avril. Emmanuel Macron, devenu ministre par la grâce de Valls, est au premier rang. Le tournant pro-business du quinquennat est confirmé. La fameuse phrase du discours du Bourget «Mon ennemi, c’est la finance» semble oubliée. Le projet de «loi Macron sur la croissance et sur l’activité» est dans les tuyaux. Mais l’ancien conseiller présidentiel n’a pas la tête à ça.
 
La remarque du chef de l’Etat sur le «tigre» Georges Clemenceau – figure historique chère à Manuel Valls – va le secouer dans sa fidélité à celui qui, alors, se prépare à se représenter pour un second mandat. «Personnage controversé, y compris au sein de la gauche française, Clemenceau n’est pas devenu président de la République, mais on peut réussir aussi son existence sans être président», assène François Hollande. Le coup est rude. «Emmanuel a compris que ce président-là, aussi fragile soit-il, chercherait jusqu’au bout à demeurer maître du jeu. Leur divorce était programmé», poursuit notre interlocuteur. Quelques mois plus tard, en avril 2016, le président se rassure à la télévision. «Il sait ce qu’il me doit», déclare-t-il à propos de ce «bébé Hollande» qu’il a vu naître politiquement à l’Elysée. On connaît la suite…
 
En dates
30 août 2007: Nommé rapporteur général adjoint de la Commission Attali pour la libération de la croissance
 
Février 2008: Refuse de se présenter à la mairie du Touquet
 
Mars 2010: Alors à la banque Rothschild, est cité pour devenir directeur de cabinet adjoint de François Fillon, premier ministre
 
16 mai 2012: Nommé secrétaire général adjoint de l’Elysée après la victoire de François Hollande.
 
Juillet 2014: Quitte ses fonctions à l’Elysée. Envisage de partir enseigner aux Etats-Unis
 
30 août 2014: Nommé ministre de l’Economie en remplacement d’Arnaud Montebourg
 
30 août 2016: Démission du Ministère de l’économie.
 
16 novembre 2016: Annonce sa candidature à la présidence de la République.
 
7 mai 2016: Elu président de la République avec plus de 60% des voix

letemps.ch

Dimanche 7 Mai 2017 - 20:28


div id="taboola-below-article-thumbnails">

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter