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Catherine Colonna: «Nous avons voulu marquer l’importance que nous attachons à notre partenariat global avec le Niger»

Interview exceptionnelle de Catherine Colonna, la première accordée à RFI par la ministre française des Affaires étrangères, près de deux mois après sa nomination. Interview réalisée depuis le Niger lors de son premier déplacement en Afrique, où elle s'est rendue avec son homologue aux Armées, Sébastien Lecornu, attendu ensuite en Côte d'Ivoire.



RFI : C'est votre premier déplacement en Afrique, pourquoi avez-vous choisi le Niger ?
 
Catherine Colonna : Nous avons voulu marquer par cette double visite dans un format inédit, l'importance que nous attachons à notre partenariat qui doit être global avec ce pays ami, et exposer particulièrement un certain nombre de nouveaux défis. Donc nous voulons être là, à ce moment-là, à ses côtés.
 
C'est votre partenaire principal désormais le Niger au Sahel ?
 
Nous avons des relations avec tous les pays de la région, mais après des décisions que le président de la République a dû prendre suite au double coup d'État au Mali, de retirer la force Barkhane, la réorganisation de notre dispositif expose le Niger à la pénétration peut-être plus grande de l'insécurité. Nous devons être à ses côtés dans ces moments particuliers pour qu'aucun risque supplémentaire ne soit pris, du fait des décisions que nous avons, hélas, été conduits à prendre en raison de l'attitude des nouvelles autorités maliennes.
 
Et sur l'aide apportée au Niger en termes de sécurité, jusqu'où la France est-elle prête à aller ? Parce qu'on entend aussi que la France n'augmentera pas ses effectifs au Niger, qu'est-ce qu'on peut faire de plus ?
 
Nous avons voulu entendre quels étaient leurs besoins, parce que la France souhaite dans le plein respect évidemment de la souveraineté du Niger, s'adapter le plus possible à ce qui est vu par ce pays comme étant les questions prioritaires qu'il faut traiter ensemble, et en étant d'ailleurs dans une démarche où nous cherchons non pas à venir ici, parce que nous en aurions besoin - ce qui est une autre question - mais à répondre à leur besoin de sécurité, besoin auquel nous devons contribuer et auquel nous contribuerons. Donc un dialogue va se poursuivre, avec l'objectif de déboucher à l'automne prochain, peut-être dès la rentrée de septembre, à une feuille de route qu'il faudra présenter à la validation de nos plus hautes autorités, de façon à regarder de façon opérationnelle là où nous serions le plus utile.
 
L'autre pilier de la lutte contre le terrorisme, c'est le développement. C'est ce que vous mettez en avant, mais cela fait des années que le développement est prôné pour lutter contre le terrorisme. Est-ce qu'il y a des effets qui sont produits ? Comment cela peut marcher ?
 
Le Niger est face à de nombreux défis, donc face à cette multiplication de difficultés nous devons répondre d'une façon double. La première qui est d'augmenter notre aide au développement en multipliant les partenariats secteur par secteur, et nous l'avons fait. Deuxièmement il faut le faire aussi avec nos partenaires, et là aussi l'articulation doit être faite très précisément entre les besoins réels du pays, les priorités qu'il exprime et la capacité des États membres de l'Union européenne à s'ajuster à ses demandes. Il faut être plus réactif sans doute, plus près de leurs propres besoins, et peut-être plus concret.
 
La France est au côté du Niger, mais en même temps c'est une position difficile puisqu'il y a un sentiment anti-français qui se développe au Niger, mais aussi dans tout le Sahel. Comment faire face à ce sentiment-là ?
 
Ce serait une erreur de considérer que l'agitation de quelques-uns, ou les manipulations de l'information, reflètent la réalité du sentiment du peuple nigérien. Deuxièmement, les aspirations, en particulier de la jeunesse, doivent sans doute être mieux prises en compte par les partenaires du Niger, et je crois que nous devons, et nous sommes prêts, à regarder nous-mêmes dans ce que nous avons fait, comment nous pourrions le faire en réfléchissant davantage aux attentes qui sont les leurs et pas seulement aux capacités qui sont les nôtres. C'est une leçon des évènements récents.
 
Vous avez parlé ici hier du Mali, avec vos homologues, le président Macron a évoqué le Mali cette semaine, a répété que le régime était illégitime, est-ce que ce n'est pas se mettre en porte-à-faux par rapport aux voisins du Mali qui ont levé les sanctions de la Cédéao le 3 juillet dernier à Accra ?
 
Au Mali, il y a eu un double coup d'État, une junte qui est devenue dépendante de milices, qui elles-mêmes commettent des exactions. La décision qui a été prise par le Mali de quitter le G5 Sahel, de ne plus souhaiter la présence française est une décision que nous regrettons, parce que cela affaiblit la sécurité dans la sous-région. Néanmoins cette décision fait suite au constat qui a été le nôtre, et donc nous avons dû prendre cette décision tout en continuant de considérer que l'attitude de la junte malienne n'est pas responsable, et tout en continuant à espérer que ses comportements se modifient, et que la junte réalise que son intérêt est d'adopter une autre attitude à l'égard de la France, et de ses partenaires, de ses voisins, et à l'égard de la Communauté internationale.
 
Le président Emmanuel Macron entame un second mandat, est-ce que sa politique africaine sera différente de celle du premier mandat ?
 
Le président de la République aura à cœur de prolonger les convictions qui sont les siennes, que notre relation avec l'Afrique doit être profondément repensée... Ça n'est pas une nouveauté, il nous appartient maintenant de faire en sorte que cela se décline sur le terrain, pays par pays, et il a souhaité en effet qu'une impulsion nouvelle soit donnée aux relations de partenariats, à la construction ensemble des priorités qui nous permettent de répondre aux besoins de développement comme aux besoins de sécurité ces pays.

RFI

Samedi 16 Juillet 2022 - 10:39


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