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Échecs de Bathily, Senghor et Hott – Diplomatie sénégalaise : le déclin d’une influence jadis rayonnante

Dans les couloirs feutrés des organisations internationales, le Sénégal a longtemps été considéré comme une voix qui compte. De Léopold Sédar Senghor à Abdou Diouf, puis d’Abdoulaye Wade à Macky Sall, le pays s’est imposé comme une puissance diplomatique africaine. Pourtant, ces dernières années, une série de revers retentissants jette le doute sur cette influence : Augustin Senghor, Abdoulaye Bathily et, ce jeudi 29 mai à Abidjan, Amadou Hott. Ces candidatures infructueuses à des postes internationaux traduisent-elles un déclin structurel de la diplomatie sénégalaise ?



L'ère des défaites diplomatiques
 
En mars 2025, Me Augustin Senghor a essuyé un revers cuisant lors de l'élection des représentants africains au Conseil de la FIFA. Avec seulement 13 voix sur 53 exprimées, il a terminé à la dixième place, loin derrière le Marocain Fouzi Lekjaa (49 voix) ou le Mauritanien Ahmed Yahya (29 voix). Cette défaite a conduit à sa démission du poste de premier vice-président de la CAF.
 
"Je considère que le poste de premier vice-président à la CAF ne me revient plus", a-t-il déclaré, révélant la profondeur de la déception et les conséquences immédiates sur le positionnement du Sénégal.
 
Cette défaite n'est pas un cas isolé. En 2017, le Professeur Abdoulaye Bathily avait échoué dans sa candidature à la présidence de la Commission de l'Union africaine face au Tchadien Moussa Faki Mahamat. Malgré le soutien officiel de la CEDEAO et une campagne intensive, Bathily n'avait pas réussi à convaincre une majorité d'États africains.
 
Comme l'avait alors souligné le président Macky Sall : « C'est dommage pour notre candidat. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour visiter les pays. Nous avons visité 44 pays, mais nous devons accepter la règle de l'élection. »
 
Plus récemment, en avril 2024, Abdoulaye Bathily a démissionné de son poste d'émissaire spécial de l'ONU en Libye, reconnaissant l'échec de ses tentatives de médiation.
 
Aujourd'hui, c'est Amadou Hott, ancien ministre de l'Économie, qui tente sa chance à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). Face à la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala et au Mauritanien Sidi Ould Tah, soutenu par la Côte d'Ivoire, sa candidature n'a pu passer. Il est classé troisième derrière la sud africaine et le Mauritanien qui a été élu avec plus de 70% des voix. 

Les limites du duo Diomaye/Sonko face à un isolement croissant
 
Le Sénégal, jadis perçu comme un modèle de stabilité et d'influence diplomatique, semble aujourd'hui souffrir d'un isolement croissant. Depuis l'arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye en avril 2024, la diplomatie sénégalaise traverse une période d'apprentissage et d'amateurisme.
 
Comme le souligne un récent article du Sud Quotidien : «Son parcours, bien que remarquable, diffère considérablement de celui des figures historiques qui ont marqué la diplomatie sénégalaise. Son expérience sur la scène internationale reste encore limitée où il s'efforce de s'imposer».
 
Cette transition intervient dans un contexte où le Sénégal peine à maintenir son influence traditionnelle. Les échecs successifs aux postes internationaux ont créé un sentiment d'isolement, renforcé par la montée en puissance d'autres acteurs régionaux. 
 
Les limites des autorités actuelles se manifestent notamment par une difficulté à mobiliser des soutiens solides pour les candidatures sénégalaises. Contrairement à l'époque où le pays bénéficiait d'un réseau diplomatique dense, le Sénégal semble aujourd'hui manquer de relais d'influence.
 
Ces carences s'expliquent par un choix diplomatique plus hasardeux que diplomatique. Les nouvelles autorités Sénégalaises semblent privilégier la proximité et fréquentent des "États bannis" comme le Burkina Faso, la Guinée et le Mali. Malgré les rapprochements avec Bamako, l'homme fort de Kati n'a pas manqué de manifester ouvertement son soutien à Ould Tah ridiculisant quasiment la délégation sénégalaise qui était au Palais presque au moment que celle de la Mauritanie.
 
 

L'offensive diplomatique des puissances régionales
 
Pendant que le Sénégal peine à maintenir son influence, d'autres pays de la région déploient des stratégies diplomatiques offensives et efficaces. C'est le cas de la Mauritanie qui vit une ascension diplomatique fulgurante. Depuis sa présidence de l'Union africaine en février 2024, Nouakchott a amorcé une dynamique ambitieuse visant à consolider ses partenariats stratégiques à l'échelle continentale.
 
La candidature du Mauritanien Sidi Ould Tah à la présidence de la BAD, soutenue par la Côte d'Ivoire, illustre cette montée en puissance. Selon des sources diplomatiques, le gouvernement mauritanien a noué une « entente stratégique » avec plusieurs pays, démontrant une capacité de mobilisation que le Sénégal semble avoir perdue.
 
Le Maroc s'illustre autant que la Mauritanie. Il déploie une diplomatie royale conquérante. Sous l'impulsion du Roi Mohammed VI, le Maroc a considérablement renforcé sa présence économique, culturelle et politique sur le continent. Cette stratégie s'appuie sur des investissements massifs et une présence diplomatique renforcée. Le succès du Marocain Fouzi Lekjaa, qui a obtenu 49 voix sur 53 lors de l'élection au Conseil de la FIFA, témoigne de l'efficacité de cette approche.
 
La Côte d'Ivoire a toujours été la jumelle du Sénégal. Elle est aujourd'hui devenue un hub d'influence en Afrique de l'Ouest. Sous la présidence d'Alassane Ouattara, la Côte d'Ivoire s'est imposée comme un acteur incontournable en Afrique de l'Ouest. Abritant le siège de la BAD, le pays a su capitaliser sur cette position stratégique pour renforcer son influence régionale et internationale. La décision d'Abidjan de soutenir la candidature mauritanienne à la présidence de la BAD, au détriment de celle du Sénégal, illustre les nouvelles dynamiques de pouvoir dans la région. Une attitude qui pourrait entachée les relations séculaires des deux pays qui tiennent les mamelles économiques d'Afrique de l'ouest. La visite officielle en cours du Premier ministre Ousmane Sonko, au moment où cette mise à jour est effectuée pourrait recoller les morceaux.
 

L'âge d'or de la diplomatie sénégalaise
 
Ce déclin contraste fortement avec l'âge d'or de la diplomatie sénégalaise. Sous Léopold Sédar Senghor, le Sénégal s'était imposé comme un modèle de stabilité et de dialogue. Comme le soulignent des confrères présents à Abidjan : « Intellectuel reconnu, Senghor a su positionner par lui-même d'abord, le Sénégal comme un modèle de stabilité et de dialogue et puis en choisissant et en nommant des figures d'exception à la tête des missions et des institutions diplomatiques». 
 
Cette influence s'est poursuivie sous Abdou Diouf, qui "a fait de la médiation et du multilatéralisme les piliers de la diplomatie sénégalaise, renforçant l'image du Sénégal comme un acteur de paix en Afrique". Son élection ultérieure comme Secrétaire général de la Francophonie témoigne de cette influence. 
 
Même sous Abdoulaye Wade, malgré une approche plus audacieuse, volontariste et parfois controversée, le Sénégal a maintenu une présence significative sur la scène internationale, notamment à travers des initiatives comme le NEPAD. Mais surtout en un temps record, il avait organisé en 2001 un sommet mondial contre le terrorisme qui avait mobilisé à l'époque onze chefs d'Etat et de gouvernements. 
 

Macky Sall, une diplomatie en dent de scie: les succès et les échecs 
 
Macky Sall a suivi les traces de ces prédécesseurs en hissant la diplomatie Sénégalaise à des niveaux stratégiques. Il avait créé les links aux niveaux africain et international. Ce qui a beaucoup contribué à la nomination de sommités du Sénégal à des postes hautement importants dans le système des Nations-Unies et d'autres grands organismes. Toutefois, il avait lamentablement échoué à placer Abdoulaye Bathily a la tête de la Commission de l'union Africaine.
 
 
Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye, « l'échec de Bathily ne peut être synonyme d'un isolement diplomatique » du Sénégal. Il rappelle que « la candidature de Bathily a obtenu 187 votes secrets sur 191 votants aux Nations Unies », preuve que le pays conserve une certaine aura.
 
La candidature d'Amadou Hott à la BAD a représenté un test crucial. Comme l'affirmait Magatte Wade, il est « bien positionné » et a « le chemin tracé », à condition de surmonter les « obstacles internes et externes ». Mais la diplomatie Sénégalaise n'a pas su surmonter ces obstacles. La marche était très haute pour Yacine Fall et son équipe.
 
Pour retrouver son influence, le Sénégal devra, selon des confidences de certains diplomates joints par PressAfrik, "repenser sa stratégie diplomatique, renforcer ses alliances régionales et s'inspirer des stratégies offensives déployées par le Maroc, la Mauritanie et la Côte d'Ivoire, qui ont su adapter leur diplomatie aux nouvelles réalités géopolitiques africaines".
 
Car dans un monde multipolaire où les rapports de force évoluent rapidement, l'héritage de Senghor et Diouf ne suffit plus à garantir une place au soleil. La diplomatie sénégalaise est à la croisée des chemins : soit elle parvient à se réinventer, soit elle risque de voir son influence continuer à s'éroder, reléguant le pays de la Teranga au rang de puissance moyenne dans le concert des nations africaines.
 


Jeudi 29 Mai 2025 - 19:09


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