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#Migrations - A Mboro, des ressortissants étrangers "prisonniers" de la paix des Niayes

Dans notre Chapitre (Avril-Juin) consacré aux Migrations (20 reportages, mini-dossiers, interviews sur la question des Migrations au Sénégal), en collaboration avec l'organisation Article 19, nous sommes allés dans les Niayes de Mboro où vit une forte communauté étrangère avec une écrasante majorité de Guinéens.

Des centaines de Guinéens, des dizaines de Bissau-guinéens, des dizaines de Maliens, des Béninois, des Togolais, Congolais, Camerounais, Ivoiriens, Mauritaniens... vivent en parfaite harmonie avec les populations mboroises. Et cela depuis des décennies. La raison n'est pas forcément économique. La paix qui règne dans cette localité des Niayes retient tout migrant qui hume son air. Témoignages !



Abdoulaye Barry a 62 ans. Dans sa tendre jeunesse, il a fait beaucoup de pays de la sous-région dont le mali, le Burkina, la Guinée Bissau avant de déposer ses baluchons à Mboro (Sénégal) en 1993. Et depuis, il ne compte plus s'en éloigner longtemps. Originaire de Labé, ce père de famille a exercé plusieurs métiers depuis qu'il s'est installé dans les Niayes. De vendeur de fruits à vendeur de charbon en passant par cultivateurs, journalier aux ICS. Mais au-delà de l'aspect économique, ce qui le retient à Mboro, c'est la stabilité et la saine cohabitation avec les populations autochtones. 
« Vous avez un trésor qui a plus de valeur que toutes montagnes d’or, c’est la paix »

"Je suis arrivé ici en 1993. J'étais encore très jeune. Comme me l'avaient raconté des parents et connaissances qui m'ont précédé ici, il y avait de grandes opportunités de travail. Les champs étaient là, l'usine etc. Mais comme vous le savez bien, chez nous en Guinée, il y a plus d'espaces et un sol beaucoup plus fertile qu'ici. Donc pour exploiter ces opportunités, il faut un environnement stable et paisible. C'est ce qu'on n'a pas chez nous en Guinée à cause des problème politiques et raciaux qui gangrène l'organisation de l'Etat. Ici à Mboro, les gens sont loin de ces turbulences et de ses querelles qui sont la source de tous les drames de l'Afrique", confie Barry, trouvé dans la demeure des Diallo au coeur du quartier Abour Ndiaye.

Il poursuit: "J'ai fait beaucoup de pays avant d'arriver ici. Et c'est en connaissance de cause que je vous dis que ce que vous (Sénégalais) avez en terme de richesse a plus de valeur que les montagnes d'or et de diamants d'autres pays. Vous avez la paix et la stabilité. Vous avez des guides religieux très écoutés et très respectés qui peuvent éteindre tout conflit en ne prononçant qu'un discours. C'est une richesse qu'aucun autre pays au monde ne peut se prévaloir. Ne la négligez pas. Depuis 1993 je suis là. Il m'arrive d'aller en Guinée voir les parents. Ma famille est là-bas. Mais la paix que je ressens ici me retient. Et où que je puisse aller, je reviens toujours. Ici dans les Niayes, les populations sont extraordinaires. Tu ne peux pas distinguer qui est l'étranger d'entre les autochtones. Et puis avec le cousinage à plaisanterie, nous qui sommes Pulaar se permettent même d'offenser verbalement nos cousins Sérères en leur qualifiant d'hyène (il rigole pour plaisanter)".



 

Barry et Souleymane Diallo, ressortissants guinéens établis à Mboro
Barry et Souleymane Diallo, ressortissants guinéens établis à Mboro
« L'amour et la compassion que l'on me porte dans cette ville, je ne l'avais nulle part ailleurs »

Un peu plus jeune que Abdoulaye Barry, Souleymane Diallo est arrivé dans les Niayes en 2012, après être passé par Kayar et Thiaroye. Il est tombé sous le charme de Mboro. Ou plutôt de ses populations. "Je suis à Mboro depuis 10 ans. Et je peux vous dire que j'ai été adopté dès mon arrivée ici par les populations. L'amour et la compassion que l'on me porte dans cette ville, je ne l'avais nulle part ailleurs. Si je me suis bien intégré ici, c'est parce que les gens m'ont ouvert leurs coeurs et leurs demeures", confie ce jeune garçon qui tient un salon de coiffure à proximité de la Route Nationale.

Affectueusement surnommé "Guinéen", il a également pu exercer sa passion, le football. Après être passé dans les petites catégories du club "Gouney Mboro", le jeune Diallo a opté pour la formation pour devenir entraîneur. C'est ainsi qu'il a été encadré par les dirigeants de ce club régional pour obtenir une Licence D d'initiateur.

Regardez ces deux témoignages 

Mboro, terre de migrants
Mboro a une riche histoire migratoire. Compris dans la région naturelle des Niayes située sur la Grande Côte, au Nord-Ouest du Sénégal, ce "grand village", se distingue par des influences océaniques qui adoucissent son climat, offre un paysage particulier caractérisé par des dunes et des dépressions de dimensions variables, reposant sur une nappe peu profonde, avec une hydrographie riche en lacs et petits cours d’eau.

Jadis occupé par une forte communauté Wolof, Mboro est devenu depuis l'implantation de la Compagnie sénégalaise des phosphates de Taiba (Cspt) dans les années 50, un melting-pot ethnique. 

En effet, très faiblement peuplé jusqu’au dans les années 1920, il comptait quelques villages épars dont les habitants vivaient essentiellement de l’agriculture sous pluies et de la pêche. La faiblesse des densités et les conditions climatiques, pédologiques et hydrogéologiques favorables étaient d'ailleurs à l’origine de la création, à l’époque coloniale en 1936, de la station agricole de Mboro, dans une zone inhabitée non loin d’un petit village du même nom. Cette station était destinée à l’introduction d’espèces horticoles pour approvisionner en fruits et légumes, les troupes coloniales ainsi que les populations urbaines. Pour favoriser le développement de la station et de l’horticulture qui avaient besoin de main d’œuvre, le colonisateur encouragea les populations locales à s’installer dans le secteur de Mboro.

En contrepartie de leur installation et de leur implication dans l’exploitation agricole, les populations bénéficiaient de certains avantages, notamment en matière de logement, de ravitaillement en produits alimentaires et de soins médicaux. Ainsi, les villages de Mboro, Fass Boye et Diogo grossirent progressivement de pionniers Wolofs venus le plus souvent du Gandiolais au nord des Niayes dans la région de Saint-Louis et du bassin arachidier, notamment, Thiès, Mékhé et Kébémer. De petits hameaux comme Touba Ndiaye vont par la suite se créer autour de ce noyau de villages.

L’installation de l’usine de la Compagnie Sénégalaise des Phosphates de Taїba (CSPT) en 1957 va accélérer le peuplement du secteur de Mboro avec la venue de nombreux travailleurs avec leur famille. L’augmentation du peuplement s’accompagne du grossissement et d’une multiplication des villages, selon un rapport de Sidy Mohamed Seck, sur le volet étude socio-économique du Projet de gestion optimale des schlamms phosphatés - rejets fins boueux - (GOSPEL) mis en œuvre en collaboration avec les Industries chimiques du Sénégal (ICS) basées à Mboro

Aujourd'hui, c'est une ville de plus de 60 000 âmes qui viennent de partout à travers le pays et la sous-région. Il faut également compter la communauté hindou qui est de plus en plus représentée après le contrat d'exploitation des ICS, signé par la filiale indienne Senegindia, avec l'Etat du Sénégal.

AYOBA FAYE

Jeudi 9 Juin 2022 - 15:25


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