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#Migrations - Casamance: le retour au bercail des populations déplacées par la guerre et le rôle joué par les femmes

Dans notre Chapitre (Avril-Juin) consacré aux Migrations (20 reportages, mini-dossiers, interviews sur la question des Migrations au Sénégal), en collaboration avec l'organisation Article 19, nous sommes allés dans le sud du Sénégal, En Casamance, où plusieurs villages désertés à cause de la guerre, commencent à se repeupler.

plusieurs villages ont été abandonnés il y a quelques années à cause de l’insécurité due aux violents affrontements qui ont opposé l’armée sénégalaise au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Les villageois se réfugiaient principalement en Gambie, Guinée-Bissau ou dans d’autres zones de la vaste région casamançaise. Depuis un certain temps, les populations rentrent volontairement chez elles avec le soutien de l’Etat, les ONG et surtout la présence des forces militaires qui assurent leur sécurité. De Bissine-Bainounk, Bissine-Albondy, Bilas, en passant par Samik, Laté jusqu’à Boffa, les populations regagnent petit à petit leurs villages. La reconstruction de l’habitat est une condition essentielle de leur retour dans les villages. Les femmes jouent également un rôle important dans cette étape clé du cycle migratoire des populations du sud du Sénégal. Reportage !



La Casamance, région du sud du Sénégal est, depuis 1983, le terrain d’un conflit. Cette région verdoyante entre la Gambie et la Guinée-Bissau demeure le théâtre d’un affrontement sans fin, entre les indépendantistes du Mfdc et l'armée sénégalaise. Une guerre qui a entraîné la migration de dizaines de milliers de personnes vers des terres plus propices à une vie paisible.

Aujourd'hui, malgré un sursaut de tensions entre les rebelles et l'armée sénégalaise, les populations retournent petit à petit dans leurs villages. Même si les souvenirs des atrocités subies sur leurs terres d'origine resurgissent encore.
 
Salimata Mané, est née et a grandi à Bissine, cette dame au teint clair, la quarantaine, explique comment ses parents ont été tués pendant la guerre. Plus elle raconte, plus ses traits se décomposent, plus la pâleur envahit son visage et plus ses lèvres tremblent. « Nous avons quitté le village de Bissine Bainounk à cause de la guerre. Les gens ont quitté le village seulement quand mon père qui en était le chef  été assassiné (…). Mes deux parents ont tous été tués pendant la guerre », confie-t-elle.
 
Elhadji Kabirou Mané, l'actuel Chef de village de Bissine ne confirme. « C’est en 1992, à la veille des élections que le village s’est disloqué. Nous avons enregistré une très grande perte. En effet le chef du village qui avait abattu un travail énorme pour les inscriptions et réinscriptions sur les listes électorales, a été convoqué en son temps part le sous-préfet. Car il n’était pas facile pour les commissions de se déplacer dans la zone, à cause de l’insécurité . Il a été donc demandé au chef de village de récupérer les cartes d’identité pour les primo votants. C’est à son retour de cette réunion que des individus armés l'ont traîné loin avant de le tuer. C'est le surlendemain que son corps a été retrouvé. Quelque 3 à 4 jours après, l'armée a fait une descente dans la zone. Et c'est ainsi que la population a quitté le village. Certains sont allés en Guinée Bissau, en Gambie, à Ziguinchor, d’autres Goudomp, etc. Les gens ne sont plus retournés au village jusqu'au mois de juillet 2019. Il s'est passé 28 ans avant que les gens ne commencent à revenir », témoigne M. Mané.
 
Un peu plus loin dans le village de Bilas, les militaires sénégalais occupent les lieux, en attendant le retour définitifs des populations. Ces dernières se rendent là-bas seulement la journée pour les travaux. Elles ne sont pas encore installées définitivement dans le village. Toujours à proximité de la frontière avec la Guinée-Bissau, il y a le village de Samik, de Laté, et de Boffa, tous ces villages, autrefois désertés reprennent vie.
 


Comment à travers Usoforal, les femmes rendent possible ce retour aux terres d'origine

Le Comité Régional de Solidarité des Femmes pour la Paix en Casamance (CRSFPC) / Usoforal accompagne les villageois en leur dotant de vivres, de matériels de construction, mais aussi avec des mini forages, et des périmètres maraîchers.
 
Olivier Coly, paysan habitant de Boffa arrondissement de Niaguiss, communauté rurale de Boutoupa Camaracounda région de Ziguinchor ne dira pas le contraire. « C’est Usoforal (une ONG qui œuvre pour la paix et le développement) qui nous a encouragé à retourner dans nos villages. Depuis que nous sommes installés, Usoforal est toujours derrière nous. Avant-hier (dimanche 22 mai), seulement, c’est cette ONG qui nous a foré trois (3) puits. Il nous a également aménagé un périmètre maraîcher très bien équipé. Depuis lors, nos femmes y travaillent. Ces femmes ont fondé un comité formé par Usoforal même. Il nous a offert pour chaque ménage 15 sacs de ciment pour sécuriser la maison. On a aussi reçu des savons du madar, de l’eau de javel, beaucoup de cartons. On se plein pas », a indiqué Olivier Coly.
 
Les femmes, ces incontournables qui redonnent vie aux villages abandonnés

Pour Ismaïla Manga, représentant du Chef du village de Bissine-Albondy, le retour aux terres d'origine après une guerre est toujours difficile. Car, dit-il : « Nous reprenons tout à zéro dans tous les domaines de la vie sociale ».

Mais selon lui, « le rôle des femmes est indispensable dans ce retour des réfugiés au village. Ce sont elles qui préparent la nourriture, font le linge, le maraîchage, s’occupent des enfants. Elles sont présentes partout ».

Selon Mané, le chef de village de Bissine, confirment le rôle joué par les femmes dans le processus du retour. « Comme on le dit, les femmes sont au cœur de tout développement. Elles sont indispensables et sont au coeur des projets pour redonner vie à nos terres », affirme-t-il.

Salimata Mané a néanmoins soulevé des difficultés auxquelles elles sont confrontées dans leur mission et appelé les autorités à les appuyer. « Nous les femmes pour l’heure, nous n’avons pas de revenus. Ce que nous faisons, c’est aller puiser de l’eau pour la construction de l’école du village. On nous paye 50 F CFA le bidon de 20 litres. Nous pouvons gagner jusqu’à 1000 frs par jour. Il y a aussi les ONG qui nous accompagnent. Mais pour ce qui est des groupements de femmes, nous n’avons encore rien vu. Les femmes doivent bénéficier d’un accompagnement pour pouvoir jouer pleinement leur rôle dans le retour des populations réfugiés dans les villages abandonnés », dit-elle.

Le chef de village de Boffa a également magnifié l'implication de Usoforal dans leur retour. « Moi, je m’étais réfugié à Ziguinchor au quartier Djibok où on vivait très difficilement, parce qu’on payait le loyer, l’eau le courant. Les rizières même on nous les louait pour qu’on puisse cultiver. C’est pourquoi quand Usoforal a décidé de nous accompagner, nous n’avons même pas attendu. Nous avons commencé à construire. On passait les nuits dans les bâtiments à ciel ouvert, sans portes, car on avait beaucoup souffert dans les familles d’accueil. On est mieux chez nous », a expliqué Olivier Coly.

 

Les écueils qui rendent difficiles le retour des populations

Les souvenirs du passé atroce vécu sur leurs terres et les décennies vécues loin des leurs pèsent encore sur la tête de ces autoctones. « Pour un premier temps, le seul problème que nous avons est la réadaptation. Il n’est pas facile de rester 30 ans quelque part avec toute sa famille sous couvert des familles d’accueil, c’est un problème. Nous avons rencontré beaucoup de difficultés dans ces familles. Parce que nous n’avions pas de terre ou cultive. Les gens ont vraiment peiné. Mais nous sommes heureux de revenir au village. Nous ne pouvons pas oublier aussitôt. Parce qu’il y a des gens qui ont perdu tous leurs parents ici », raconte le chef de village de Bissine.

Pour son collègue du village de Boffa, la seule crainte, c’est que la zone est susceptible d’être minée. « J'étais à Ziguinchor. Mais je ne peux pas vous dire combien j’ai souffert. Chacun se débrouille dans sa famille. Au départ, c’est l’Association des jeunes agriculteurs de Casamance région de Ziguinchor (AJAC) qui nous soutenait en matière de vivres. La Croix rouge sénégalaise nous a aussi soutenus. Seulement mon inquiétude, est que Boffa était un champ de bataille. J’ai établi une demande au Centre National d’Action Anti-mines du Sénégal (CNAMS). Il y a la piste qui relie Boffa de Dialoum Bainounk et l’autre piste qui relie Boffa Niaféna. La crainte, c’est que la zone est susceptible d’être minée. J’ai demandé à ces ONG de venir vérifier s’il n’y a pas de présence de mines dans la zone. Mais jusque là rien n’est fait », a fait savoir Dominique Mendy Chef du village de Boffa.
 
Déterminé, le Vieux Mendy compte prendre lui-même avec sa population et les deux autres villages l’engagement d'élaguer les pistes qui relient Boffa aux deux villages. « De toutes les façons, moi et ma population, nous allons nous organiser pour élaguer, dégager les deux pistes. Nous avions déjà tenté. C’est nous qui avions dégagé la piste qui relie Boffa à Bouboss. On nous avait demandé à ce que l’armée nous accompagne, j’ai dit non, parce que l’armée et les combattants sont des ennemis. Le chef de Bouboss et moi, nous nous sommes concertés. J’ai convaincu ma population, lui aussi a fait pareil. Et nous avions ouvert la route. Cette piste-là, elle est ouverte. Elle est praticable à tout moment. C’est comme ça que je vais procéder pour les deux autres pistes Boffa de Dialoum Bainounk et la piste qui relie Boffa Niaféna à la frontière avec la Guinée Bissau à peine 2,5 km ».
 
 

Extraits vidéo de réactions de certains villageois de retour dans leurs villages d'origine




Samedi 28 Mai 2022 - 13:10


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