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#Migrations - Focus sur le poids des femmes dans les flux migratoires au Sénégal

Dans notre Chapitre (Avril-Juin) consacré aux Migrations (20 reportages, mini-dossiers, interviews sur la question des Migrations au Sénégal), en collaboration avec l'organisation Article 19, nous avons fait un focus sur la migration internationale et interne féminine au Sénégal.

De tout temps, les hommes ont toujours quitté leurs terres d'origine pour migrer vers d'autres cieux, quand les conditions de survie n'étaient plus réunies. C'est une loi de la nature. Au fil des temps, d'autres motivations ont poussé les populations à faire des milliers de kilomètres pour trouver un cadre de vie propice. Aujourd'hui, si ce n'est pour fuir la guerre et tout ce qu'elle engendre comme maux, misère, famine etc., les candidats à l'émigration partent à la recherche de meilleures opportunités. Dans l'un de ces cas de figure comme dans l'autre, les femmes sont de plus en plus au premier rang des mouvements migratoires. Qu'ils soient forcés, clandestins ou réglementaires. Une redistribution des cartes s'impose dans ce domaine jadis dominé par les hommes. Même si en interne, les migrantes qui débarquent au Sénégal, en particulier dans la zone sud-est du Sénégal, connaissent un tout autre sort, nettement moins reluisant que leurs soeurs sénégalaises qui s'expatrient.



#Migrations - Focus sur le poids des femmes dans les flux migratoires au Sénégal
Depuis les années 2000, on assiste à une grande poussée féminine dans les migrations internationales. Selon l’Organisation internationale des migrations (en 2002), les femmes représentent 52,8% des mobilités internationales.

Les chiffres de la migration internationale des femmes sénégalaises
Selon le rapport 2018 sur la Migration au Sénégal, réalisé par l'Agence nationale de la Statistique et de la démographie (Ansd) et l'Organisation internationale des Migrations (OIM), "Au niveau international, les femmes représentent 16% des migrants sénégalais partis à l’étranger au cours de la période 1999-2003 (ESAM II, 2004). En 2013, la présence des femmes est de l’ordre de 17% parmi les Sénégalais ayant émigré vers l’étranger entre 2008 et 2012 (ANSD, 2014)".

Le document de souligner: "Avant, les flux de migration internationale féminine étaient dominés par les étudiantes et les femmes parties rejoindre leurs conjoints déjà établis de façon durable. Il s’y est ajouté une émigration de femmes seules, actives et autonomes, à la recherche d’un meilleur statut économique et social. La présence croissante des femmes est l’une des caractéristiques montantes des dynamiques migratoires internationales actuelles".

Au Sénégal, la migration internationale féminine individuelle a pris naissance dans les villes à la fin des années 1980 et tend aujourd’hui à s’étendre au milieu rural. Plusieurs hypothèses sont d’ores et déjà avancées pour expliquer cette évolution des migrations africaines. Elle pourrait résulter des crises économiques et serait un révélateur de l’incapacité des hommes à faire seuls, face aux besoins courants des ménages. L’émigration serait, ainsi, un prolongement international de l’apport croissant des femmes dans les revenus des ménages africains. Elle pourrait être le produit de changements sociaux éducatifs et culturels récents conférant aux femmes le désir d’acquérir une certaine autonomie à la fois financière, sociale empreinte de liberté de mouvement et de décision (évolution des mentalités, augmentation du niveau d’instruction des femmes, ouverture sur le monde), selon un rapport du Géographe et Enseignant agréé de l'Ontario, Daouda Dianka, publié par La Revue Canadienne.

Une motivation particulière: prendre le pouvoir
Il y a l'immigration régulière des filles sénégalaises vers l'Occident pour poursuivre leurs études supérieures.  Mai depuis les années 2000, le phénomène des filles et femmes sénégalaises qui s'expatrient en Europe, Amérique ou dans le Golfe à la recherche de travail a pris une ampleur considérable. Avec une motivation assez particulière: renverser les codes sociétaux et prendre les rênes dans la hiérarchie familiale.

Selon monsieur Dianka, établi au Canada, les migrations féminines influencent le statut socioéconomique et le rôle des femmes dans le développement du Sénégal. L’éducation, l’expérience professionnelle et l’autonomie acquises par la migration les libèrent des rôles traditionnels et leur permettent d’exercer ou de réclamer des droits. Leurs voix comptent autant que celles des hommes au sein des familles. Cette nouvelle position conduit parfois à un meilleur équilibre dans les couples et rehausse leur estime de soi et leur aura.
« Je suis partie malgré les menaces de mon mari de me répudier »
Ndeye a 58 ans. Elle fait partie de la première génération de femmes à se rendre en Europe pour chercher du travail et subvenir aux besoins de leurs familles. Elle était pourtant mariée en 1998 et déjà mère de deux enfants quand elle décide de se rendre en Italie. Malgré les menaces de son mari de la répudier, elle avait quand même décidé de prendre les airs. Elle revient sur cette étape décisive de sa vie. Un tournant, selon elle.

« À l’époque ce n’était pas évident. Il y a eu toutes les pressions pour me retenir ici au Sénégal, chez mon mari, qui n’était pas d’accord avec ce voyage. Mais j’avais mon visa et étais déterminée à aller travailler en Italie. Je ne reviendrai pas sur les péripéties pour l’obtention du visa de séjour pour l’Italie. Mais sachez juste que ce n’était pas facile. Des connaissances basées en Europe m’ont beaucoup aidé après m’avoir fait savoir qu’il y avait énormément de travail pour les femmes là-bas. Mon mari était un cadre dans une industrie de la place et je faisais du commerce. Mais toutes mes pensées étaient orientées vers l’Europe après les retours que j’avais sur la vie là-bas », confie cette dame qui a bouclé sa 24e année en Italie.

Ndeye d’ajouter: « quelques mois après mon départ, mon mari a mis en exécution ses menaces. Il m’a répudiée et obtenu la garde de mes deux enfants. Ce fut difficile pour moi, mais j’avais un but: réussir à m’imposer comme les Modou-Modou et bâtir une économie solide. J’ai résisté au froid, aux pesanteurs sociales, au chagrin et tout ce que vous ne pouvez pas imaginer. Aujourd’hui, je peux considérer que j’ai réussi. Je suis régularisée, mes enfants qui m’ont rejoint sont régularisés, je vais au Sénégal quand je veux, j’ai acheté des terrains, bâti des maisons, investi dans l’immobilier et le commerce. Vous parlez aujourd’hui à une femme qui a réussi quand toute la société lui a tourné le dos ».

Les femmes sénégalaises sont aujourd’hui présentes dans toutes les parties du globe. À l’instar de Ndeye, elles ont renversé les pesanteurs sociales qui les clouaient au pays. En Europe, Amérique du Nord, Asie et surtout dans le Golfe entre les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, les Sénégalaises se comptent par milliers. Même si elles font souvent face à des difficultés énormes.

#Migrations - Focus sur le poids des femmes dans les flux migratoires au Sénégal
Quelques chiffres de la migration interne au Sénégal
Le Sénégal est un pays d’accueil traditionnel de populations d’origines diverses. Cette immigration reste dominée par les pays limitrophes et notamment la Guinée (43%), le Mali (10%), la Gambie (7%) et la Guinée-Bissau (6%). Ces quatre pays représentent 66% de la population étrangère établie au Sénégal. A cet égard, la Mauritanie, autre pays limitrophe, se distingue par l’importance de ses ressortissants parmi les réfugiés au Sénégal (94% des effectifs) selon les données fournies par le HCR.  Selon l'Ansd, les migrants internes sont essentiellement polarisés par la région de Dakar (43,2% des effectifs), ce qui correspond à près de 820.000 migrants, soit le quart de la population dakaroise. L’importance des flux migratoires internes vers Dakar pose le problème fondamental de l’inégale répartition de la population sur le territoire national, avec comme conséquence, un déséquilibre démographique considérable entre les régions de l’intérieur et la capitale.

"Le pourcentage de migrantes internes parmi les femmes est de 9,6% contre 8,2% chez les hommes dans la tranche d’âge 15-19 ans. Ce ratio est de 11,6% contre 10,1% dans la tranche d’âge 20-24 ans et de 12% contre 11,3% dans la tranche d’âge 25-29 ans", informe ladite agence dans rapport publié en 2018.

Les côté sombre de la migration interne des femmes au Sénégal
Le Sénégal est à la fois un pays d’origine, de transit et de destination du trafic illicite de migrants et de la traite des personnes. Mais, selon l'Ansd, à l’état actuel, il est difficile de déterminer leur ampleur et incidence réelle. Il n’existe pas de système de données centralisées sur la traite des personnes et le trafic illicite de migrants au Sénégal.

"Les quelques données existantes sont parcellaires, les statistiques pratiquement inexistantes et la recherche encore embryonnaire".    Les femmes et les enfants seraient les principaux concernés par le phénomène de la traite des personnes. Ces « groupes vulnérables » sont souvent soumis à l’exploitation par le travail ou par le sexe, et doivent faire l’objet de protection contre les réseaux criminels organisés sur les plans transnational et local.

De migrantes à esclaves sexuelles dans les zones aurifères de Kédougou

Même si l'Ansd ne dispose pas de statistiques sur les migrantes victimes de traite de personnes au Sénégal, une foison de documents sur le sujet sont disponibles sur internet. Dans la zone aurifère de Kédougou, région située à 700 km dans le sud-est du Sénégal, c'est devenu un fléau persistant. Elles sont nombreuses, ces jeunes filles venues de la sous-région, du Ghana, du Nigéria, pour la plupart, "vendues" par un trafiquant et qui sont obligées de se prostituer pour recouvrer leur liberté perdue. "Certaines filles se prostituent de force dans une insalubrité, un inconfort et une chaleur intenable...les habitations de certains orpailleurs de khossanto sont d’une grande précarité...Sexe, drogue, fétichisme et alcool riment donc avec la quête du métal précieux...Les filles sont des esclaves sexuelles à la merci des hommes...[elles] ont presque toutes le même destin, trompées par des passeurs qui ont fini par faire d’elles, des objets sexuels...Le site d’orpaillage traditionnel est un no man’s land où sévit la loi du plus fort...Elles sont craintives, habitées par la peur d’être démasquées, bastonnées ou brulées vives comme ce fut le cas avec l’une d’elles qui a eu l’audace de dénoncer un trafiquant...La fille amenée par un passeur dans les sites d’orpaillage ne peut être libre qu’après avoir payé le montant fixé par son maitre", raconte Issa Saka, coordonnateur de projets, traite des personnes et trafic illicite de migrants au Bureau régional Afrique de l'Ouest et du Centre du Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l'Homme.
"Chaque jour, après des passes interminables, chaque fille verse 20 000 FCfa"
"Organisés en réseaux, les proxénètes et leurs complices, rétribués entre 1 200 000 et 1 500 000 FCfa recrutent, en grande partie, dans les pays de la sous-région, comme la Guinée, le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire, entre autres. Leurs cibles favorites sont les femmes et jeunes filles désœuvrées à la recherche d’emploi et candidates à l’émigration. Certains trafiquants usent du bouche-à-oreille et de leurs relations personnelles pour attirer leurs cibles, mais pas seulement. Pour échapper à tout soupçon, les trafiquants font souvent recours à des publicités sur les réseaux sociaux en vue de se faire passer pour des gérants de restaurants ou salon de coiffure", a soufflé une voix autorisée dans une enquête de nos confrères de Seneplus, publiée en 2020.

Une victime s'était également confiée par la même occasion: "Après nous avoir fait croire qu’ils allaient nous trouver des emplois en Europe, nous sommes intégralement prises en charge (frais de transport, nourriture) par les proxénètes, de nos pays d’origine jusqu’à la destination finale, Kédougou, où nous sommes ventilées dans les différents sites d’orpaillage. En retour, pour chaque fille placée, les proxénètes perçoivent des commissions entre 1 et 2 millions de FCfa. La plupart du temps, nous logeons dans une grande maison à Dinguéssou, prise en location par le proxénète à raison de 400 000 ou 450 000 FCfa le mois et chaque jour, après des passes interminables, chaque fille verse 20 000 FCfa".


Samedi 4 Juin 2022 - 12:10


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