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Opacité financière à Petrosen : un rapport accablant révèle de graves manquements entre 2021 et 2023



Un nouveau rapport d’audit met en lumière de sérieuses insuffisances en matière de transparence et de traçabilité budgétaire au sein de la compagnie pétrolière nationale sénégalaise entre 2021 et 2023. Le rapport  réalisé par le groupement Ceca et Enerteam, a détaillé plusieurs opérations opaques, notamment des prêts contractés pour financer la participation de Petrosen aux projets pétroliers et gaziers, ainsi que des financements accordés à ses filiales sans divulgation complète des détails.
 
Le caractère « Non Fiable » des données
 
Le groupement Ceca et Enerteam, désigné par le Comité national de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (CN-ITIE) en tant qu'administrateur indépendant pour le rapport ITIE 2024, a mené ses travaux du 15 novembre 2024 au 2 avril 2025. Leur conclusion est sans appel.  « Sur la base de cette évaluation, nous ne pouvons pas conclure avec une assurance raisonnable du caractère exhaustif et fiable des données présentées dans le présent rapport. »
 
Des emprunts massifs aux détails masqués
 
L’opacité est flagrante dans les emprunts contractés par Petrosen auprès des opérateurs pour financer sa quote-part. Selon le rapport, Petrosen a financé sa participation au projet GTA (Grand Tortue Ahmeyim) via des prêts de BP et Kosmos Energy totalisant 435 millions de dollars en 2021. La société a également obtenu un prêt de 450 millions de dollars auprès de Woodside Energy Ltd pour le projet Sangomar. Tous ces emprunts portent un taux d'intérêt de 6,5 %.
 
En juillet 2023, une révision du planning a engendré une augmentation des coûts de la phase 1, passés de 4,9 milliards à 5,2 milliards USD (soit une hausse de +7 % à +13 %). Selon le rapport, « Cette augmentation a nécessité un financement additionnel, dont les détails n'ont pas été divulgués ».
De plus, l'analyse des états financiers révèle un manque crucial de clarté.
 
Ainsi, les dettes financières ne permettent pas de distinguer les montants spécifiques alloués à GTA et à Sangomar. On note aussi l'augmentation des intérêts courus est « significative » (+45,7 % entre 2022 et 2023), mais leur ventilation entre les deux projets n'est pas précisée. Et également les remboursements de capital ne sont pas détaillés explicitement.
 
Prêts aux filiales et manque de transparence
 
Les relations financières avec les filiales soulèvent également des questions. Petrosen a déclaré avoir accordé un prêt à Fortesa pour financer la maîtrise d’un incendie de puits de gaz à Sadiaratou. Bien que des remboursements (107 millions FCFA en 2023 et 28 millions FCFA au 1er semestre 2024) aient été reçus, la convention d'avance de fonds définissant les modalités de remboursement, bien que communiquée, n'a pas été rendue publique, selon le rapport.
 
Par ailleurs, les états financiers de 2023 ont montré des financements de 9,848 milliards de FCFA octroyés aux filiales RGS et Petrosen EP. Aucune donnée complémentaire sur ces montants n'a pu être collectée. Il est à noter que le Trésor public n'a, quant à lui, rapporté aucun prêt direct à des entreprises extractives.
 
Le Soutien de l'État dans l'Ombre
 
L’État du Sénégal a mobilisé d’importants financements pour la quote-part de Petrosen, particulièrement pour le projet Sangomar. Le Document de Programmation Budgétaire et Économique (DPBEP 2025-2027) a indiqué que la contribution de Petrosen s'élève à 756 millions de dollars, financés par un prêt de Woodside Energy (450 millions de dollars) et par des fonds mobilisés par l'État et rétrocédés en 2021 (270 millions de dollars).
 
En 2023, l'État a renforcé son soutien en garantissant un financement direct d'environ 125 milliards de FCFA via un accord avec trois banques commerciales (CDS, BSIC et Citibank). Bien que Petrosen supporte les frais financiers, « les conditions financières précises de ces financements (taux d'intérêt, échéancier, garanties) n'ont pas été rendues publiques », déplore le rapport.

Ces financements, qualifiés d’avances de l’État sous forme d’accord de rétrocession, expliquent l'augmentation significative des avances reçues par Petrosen entre 2021 et 2023.
 
Créance annulée et traçabilité compromise
 
Le rapport des Comptes (juin 2024)  a révélé des anomalies comptables, dont l'annulation d'une créance sur l’État sénégalais en 2022. Le montant exact n’a pas été mentionné, et « aucun lien officiel n’a été établi » entre cette annulation et les financements reçus de l’État.

L’audit met également en évidence un écart de 11,54 milliards FCFA entre le surplus de financement de l'État en 2021 (238,24 milliards FCFA) et le montant reporté en 2022 (120,70 milliards FCFA). Bien que le ministère des Finances et du Budget ait justifié cet écart par une rétrocession de fonds, la Cour des comptes souligne que cette rétrocession « n'a pas été retracée dans le tableau de financement de l’État », compromettant ainsi la traçabilité budgétaire et limitant l’évaluation de l’impact de ces fonds sur les comptes publics.
 
Enfin, un rapport d'audit sur la situation des finances publiques (2019-mars 2024) a révélé  que l’État a accordé 45,9 milliards de FCFA à deux autres filiales (SAR et Petrosen TS). Le rapport insiste : « Il n'est pas clair si ces montants sont des prêts remboursables ou des subventions indirectes. Par ailleurs, aucune information sur les conditions financières de ces financements n’a été rendue publique. »


Jeudi 9 Octobre 2025 - 12:48


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