Quand se termine Incendies, adapté de la pièce du Libanais Wajdi Mouawad par le Québécois Denis Villeneuve, on réalise qu’on vient de voir une tragédie. Levoyage de ces jumeaux, Jeanne et Simon, précipités de leur tranquille province dans la fournaise d’un pays du Proche-Orient défiguré par la guerre, suit la courbe inflexible des destins antiques qui font que chaque révélation dévoile un malheur tout en en annonçant un autre.
Si ce sens du tragique affleure par instants, le reste du temps il est masqué par le savoir-faire du cinéma d’action et d’actualité. En lisant la critique que donnait Michel Cournot de la pièce de Wajdi Mouawad en 2004 lors de sa création à Paris, on devine l’ordonnancement implacable du temps et de la douleur. Sur l’écran, on est perpétuellement distrait par le chatoiement du réel et de la fiction, par l’irruption des artifices du cinéma dans un récit qui veut s’abstraire de la réalité historique pour parvenir au mythe.
SOUCI DU DÉTAIL
A la mort de leur mère, Nawal, Jeanne et Simon Marwan sont convoqués par le notaire pour qui elle travaillait. Elle leur a laissé deux lettres, demandant à l’une deretrouver son père, à l’autre de retrouver son frère. Simon refuse cette tâche et Jeanne part seule pour ce pays, qui n’est jamais nommé, mais dont l’histoire ressemble à celle du Liban.
Le scénario retrace le parcours de Nawal, jeune chrétienne qui a eu un enfant d’un réfugié (là non plus, les Palestiniens ne sont jamais nommés), a été ostracisée, s’est engagée en politique contre son camp et a payé cet engagement d’un prix atroce. Les épisodes de cette guerre civile où chaque camp cherchait l’éradication de l’autre, tenant les enfants pour des cibles légitimes, les femmes comme les instruments de la puissance du clan adverse, sont proches de ceux qu’a connus le Liban (et bien d’autres pays de la planète).
Denis Villeneuve les met en scène avec la volonté imprudente de jeter le spectateur dans cet enfer. L’un des (le seul ?) moyens d’y parvenir serait d’arriver au niveau d’abstraction de la tragédie. La mise en scène utilise plutôt la grammaire du cinéma américain, avec son souci du détail qui fait vrai, avec son temps découpé en fonction du suspense. Ces rues jonchées de gravats et de carcasses de voitures calcinées, ces silhouettes menaçantes de combattants masqués fontpenser aux films que Ridley Scott (Mensonges d’État) ou Paul Greengrass (Green Zone) ont réalisés sur des thèmes proche-orientaux.
Mais ici il ne s’agit pas de mettre à la portée des spectateurs ce qu’ils ne veulent d’habitude pas regarder. L’entreprise est plus ambitieuse : on devine que Mouawad a voulu inscrire les épreuves libanaises dans la tradition tragique qui tente de donner une forme au chaos humain. Les instruments qu’utilise Denis Villeneuve pour imposer cette volonté au cinéma sont inopérants. A une exception : le visage marqué de Lubna Azabal, sa force inépuisable laissent entrevoir ce que pourrait être une tragédie du Proche-Orient au cinéma.
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