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Recrudescence de l’émigration clandestine: incursion à Thiaroye-Sur-Mer, les candidats s'expliquent, l'hécatombe se dessine...

Au Sénégal, l’on assiste dernièrement à une recrudescence de l’émigration par les pirogues de la mort « Barça wala Barsakh ». Beaucoup d’individus, des hommes, des femmes, des enfants, tout âge confondu, ont été interceptés entre septembre et octobre entre les côtes sénégalaises et celles espagnoles. La politique lancée par l'Etat du Sénégal en 2018, contre l’émigration dite « irrégulière » ou « clandestine » n'a pas eu l'effet escompté. Des milliers d'Africains ont péri dans la Méditerranée. Une tragédie indicible qui ne décourage pas les candidats qui se multiplient par centaines, ces derniers jours. Qu’est-ce qui pousse réellement les jeunes à reprendre les pirogues ? Qu’est ce qui les motive à défier d'aussi près la faucheuse, en cette période où les pays du monde entier sont secoués par une crise sanitaire sans précédent. PressAfrik a "embarqué" dans le monde des pèlerins à destination de l'El Dorado européen.



Recrudescence de l’émigration clandestine: incursion à Thiaroye-Sur-Mer, les candidats s'expliquent, l'hécatombe se dessine...
« Barça Wala Barsakh » ! Ce slogan demeure non seulement une réalité, mais des décennies après son essor, on se rend compte que le phénomène de l'émigration clandestine persiste dans le pays. en attestent les nombreuses interpellations effectuées par la Marine nationale en mer ces derniers jours. Un récent rapport de l'Organisation internationale du travail (Oit) a révélé que le Sénégal occupe la troisième place des 10 pays qui ont le taux de chômage le plus élevé dans le monde, avec un taux de 48%, derrière le Burkina Faso. Le chômage serait-il à l’origine de ce phénomène ? Un candidat faisant partie de ceux interceptés dans la nuit du 6 au 7 octobre dernier à Mbour (centre) se confie. 

Joint par PressAfrik, notre interlocuteur, pêcheur de profession, qui requiert l’anonymat, a accusé le Gouvernement du Sénégal d’être à l’origine de leur décision de quitter le pays par tous les moyens. « Nous n’avons plus accès aux licences de pêche, ni aux poissons. L’Etat du Sénégal a privatisé la mer. Les licences de pêche sont seulement octroyées aux gros navires qui ont donc la possibilité de pêcher les gros poissons. Et nous, nous n’avons accès qu’au reste, des petits poissons qui ne peuvent pas nous apporter grand-chose ».
 
Incursion à Thiaroye-Sur-Mer, un des points de départ clandestins pour l'Europe

Il est 12 heures à Thiaroye-sur-Mer, village des pêcheurs situé dans le département de Pikine. Ici, on voit quelques pirogues partir en mer, à la quête de poisson. Les cris des enfants et les vagues rythment ce  lieu, parmi les points de départs les plus connus des candidats à l'émigration clandestine. A bord d'une pirogue, des enfants âgés d'à peine 6 à 10 ans chantonnent le célèbre hymne de leur communauté: "Ay lébou lanu piiir (nous sommes de vrais lébous, en langue wolof)"  

À Thiaroye sur mer, la majeure partie des pêcheurs veulent aller en Europe. Toutes les personnes interrogées, par l'équipe de PressAfrik, qui a fait une petite immersion dans ce quartier, n'ont qu'une seule idée en tête: aller en Europe. Selon ces individus de tous genres, les grands navires industriels ont pris toutes leurs sources revenues. Il leur faut parcourir des kilomètres en mer pour avoir un peu de poissons.

Les risques que présente la traversée de la Méditerranée ne leur feront pas reculer. Si l'occasion s'offre à eux, ils n'hésiteront pas. "Depuis trois (3) ans rien ne marche à cause des grands bateaux. Tous ces gens que vous voyez sont sans emploi. Et si l'occasion se présente, à la minute qui suit, ils vont embarquer et partir pour subvenir aux besoins de leurs familles", prévient Mor Thiam, pêcheur de son état, la quarantaine sonnée.

Pour son voisin Mandiaye Diop, si les jeunes de ce village bravent la mort en empruntant l'océan, c'est parce qu'ils n'ont pas un autre choix. "Ces jeunes que voyez prendre les pirogues préféreraient rester ici auprès de leurs familles s'ils avaient de quoi subvenir à leurs besoins. Ils sont las de cette précarité. La pêche ne les nourrit plus et la plupart sont des soutiens de famille", confie-t-il.
"500 francs de Sénégal ne valent pas les 500 d'Espagne"
Ablaye Mbengue revient sur les véritables motivations des jeunes qui prennent les "pirogues de la mort". Selon lui, la réussite sociale à même de les permettre de prendre en charge leurs parents et proches est leur principal but. "Ces jeunes sont des soutiens de familles. Ils n'attendent plus rien de cette mer déjà pillée par la pêche industrielle. Et vous savez aussi bien que moi que 500 francs du Sénégal ne valent pas 500 en Espagne. Alors le choix est vite fait", dit-il. Avant de révéler que bon nombre de ses amis ont pris les pirogues et sont bien arrivés en Espagne dans la semaine du Magal de Touba (du 5 au 12 octobre 2020).

Les pêcheurs désoeuvrés par le contexte économique très difficile s'expliquent sur les causes de la recrudescence de l'émigration clandestine dans cette vidéo. Regardez !

Des chiffres sur le nombre de candidats de nationalité sénégalaise font polémique

Des chiffres sur le nombre de Sénégalais déjà arrivés aux îles Canaries, ces dernières semaines, font polémique entre autorités et sources sur place. Interrogée par la Rfm (Radio Futur Média), la présidente de l’Association Jappo, Awa Sène, établie en Espagne, a fait savoir que près de 1000 Sénégalais ont rejoint les îles Canaries en moins d’une semaine. 

 « En moins d’une semaine 1000 personnes ont franchi les côtes espagnoles. Parmi elles, 900 sont des Sénégalais », a déclaré Awa Sène qui reconnait que ces chiffres sont alarmants mais vrais. « Moi qui suis sur les lieux, qui compte ces migrants un en un, je sais de quoi je parle », a-t-elle avancé. 

Des chiffres récusés par Moïse Sarr, Secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur. Selon lui, ce sont en tout 1.277 migrants, de toutes nationalités confondues, qui sont arrivés en Espagne et non 900 Sénégalais comme le disent certains.

« Ce que je peux dire de manière claire, c’est qu’effectivement, il y a 1.277 migrants qui sont arrivés sur les côtes espagnoles depuis deux semaines, mais de toutes nationalités confondues. Et, c’est extrêmement important de faire cette précision. C’est des migrants de toutes nationalités confondues », persiste et signe M. Sarr, sans pour autant donner de chiffres précis sur le nombre de Sénégalais dans ses statistiques.

Il explique néanmoins : « Oui, il y a eu des Sénégalais, mais avancer un chiffre comme ça, et je ne sais pas là où on a tiré ce chiffre. Malheureusement, je n’ai pas à l’heure actuelle les vrais chiffres, encore moins par elle (Awa Sène), et pourtant j’ai échangé avec son époux la semaine dernière, encore moins par notre mission diplomatique et consulaire et je pense qu’il faut faire beaucoup attention parce qu’il y a des migrants, quand ils arrivent ou quand ils sont au-dessus des côtes, se disent Sénégalais et qui ne sont pas forcément des Sénégalais ». 

Pour lui, l’émigration clandestine est une question à prendre avec beaucoup de rigueur, avec beaucoup de sérieux. « On ne peut pas naturellement balancer des chiffres comme ça, dans la presse ou ailleurs », s’est désolé Moïse Sarr.

Les émigrés qui sont arrivés aux îles Canaries sont majoritairement des pêcheurs

Sur la qualification professionnelle de ces migrants, il y a principalement des prêcheurs, si l’on en croit à Awa Sène. « Ce sont généralement des pêcheurs venus, soit de Mbour (centre du Sénégal), soit de Saint-Louis (Nord) ou de Kayar (Ouest). Parmi ceux qui sont arrivés hier (mardi 15 octobre 2020), j’en ai vu des pêcheurs venus de Yène (département de Rufisque), et de Toubab Dialaow (sur la Petite-Côte) ».

Faute de politiques d'emploi efficaces et concrètes pour retenir les jeunes au pays, le gouvernement se rabat sur les forces de sécurité pour interpeller candidats à l'émigration clandestine et freiner le phénomène. En effet, le mardi 22 septembre 2020, 14 candidats à l’émigration clandestine dont 13 Sénégalais et un Malien ont été interceptés à la cité Tacko, à Rufisque, par la gendarmerie. Après avoir remis chacun, entre deux cent cinquante mille (250.000f) et trois cent mille (300.000f) à deux (02) passeurs, ils s’apprêtaient à rejoindre l’Espagne par voie maritime dans une embarcation de fortune. 

Dans la nuit du 6 au 7 octobre dernier, un contingent de 183 personnes, « dont des femmes et des mineurs », entassées dans deux pirogues de fortune en partance pour l’Espagne  ont été arrêtés par un patrouilleur de la Marine sénégalaise.

 Trente-et-un (35) individus dont 16 Sénégalais, 14 Guinéens et 5 Gambiens, en partance pour l’Espagne, ont été arrêtés à Saint-Louis (Nord), le 12 octobre 2020. Les candidats à l’émigration clandestine ont été interceptés à Gandiol sur la langue de barbarie avec leur pirogue de 25 mètres, 1060 litres d’essence, et un moteur de secours.

Ce vendredi 16 octobre, d’autres candidats, dont leur nombre n’est pas encore compliqué, ont été vers Lompoul, dans le département de Kebemer, région de Louga. 

Vers l'Hécatombe
Trente-sept (37) subsahariens, en majorité des Sénégalais sont morts dans l'Atlantique sur le chemin de l'émigration clandestine. Selon le journal EnQuete qui donne l'information, en plus des Sénégalais, ils sont Mauritaniens, Guinéens, Gambiens, à avoir pris le large le 26 septembre 2020.

Tout est parti des côtes mauritaniennes de Tiwitt,  à 100 km de Nouakchott. Sur les 49 passagers clandestins, seuls 12 rescapés on pu regagner les côtes espagnoles. La majorité des victimes dont des tailleurs vivant en Mauritanie est dans l'émoi, à l'annonce de cette nouvelle.


Aminata Diouf et Fatou Binetou Ndour

Samedi 17 Octobre 2020 - 13:26


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