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Achille Mbembé : «les pays de l'Afrique australe choisissent la stabilité au détriment de la probité électorale»

La Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) vient de clore son sommet au Malawi ce week-end du 17 et 18 août. Un sommet au cours duquel « le camarade Robert Mugabe » a été félicité, et même nommé au poste de président suppléant. Pourquoi ce soutien au président du Zimbabwe ? Pourquoi la SADC n'a toujours pas réussi depuis 2009 à résoudre la crise politique malgache ? Quel bilan peut-on faire de l'action de la SADC ? Achille Mbembé, intellectuel camerounais et professeur d'histoire et de sciences politiques à l'université Witwatersrand de Johannesburg est l'invité de RFI.



Achille Mbembé, professeur d'histoire et de sciences politiques à l'université Witwatersrand de Johannesburg.
Achille Mbembé, professeur d'histoire et de sciences politiques à l'université Witwatersrand de Johannesburg.
Le Congrès de la SADC vient de se terminer ce week-end au Malawi. Robert Mugabe a été nommé à cette occasion président suppléant ? Qu’est-ce que veut dire ce titre ? Achille Mbembé : Ce titre ne veut rien dire de très particulier, sauf que dans le contexte post-électoral au Zimbabwe, il s’agit là bel et bien d’une reconnaissance par les pairs de Robert Mugabe de son élection récente à la tête du pays.
Une reconnaissance de plus parce que la SADC avait déjà loué les dernières élections du Zimbabwe en disant qu’elles étaient libres et pacifiques ?
Une reconnaissance de plus dans la mesure où, pour la plupart des gouvernements d’Afrique australe, la question des élections zimbabwéennes est bel et bien derrière nous.
Pourquoi ce soutien à Robert Mugabe ?
C’est moins un soutien qu’une espèce de lassitude. Il est évident que plusieurs années après les déclenchements du conflit au Zimbabwe, les interventions des voisins ont produit très peu. Et aujourd’hui, les pays de l’Afrique australe choisissent la stabilité au détriment de la probité électorale.
Est-ce que c’est une tendance générale au sein de la SADC de soutenir ceux qui sont déjà là et surtout quand ils ont été des libérateurs ?
C’est une tendance que l’on observe pas seulement en Afrique australe. On l’observe aussi dans le reste du continent, en Afrique centrale, en Afrique de l’ouest. En Afrique australe, évidemment la prime à la libération joue énormément et monsieur Mugabe en profite de façon assez manifeste.
Est-ce que quand la SADC affiche son soutien comme elle l’a fait ce week-end à Robert Mugabe, est-ce qu’elle parle d’une même voix ? On sait que le Botswana se distingue. Est-ce que le Botswana joue cavalier seul ?
Le Botswana joue un peu au franc tireur dans la mesure où les autres pays - notamment les pays où il y a eu une guerre anti-coloniale de libération - font front de manière générale. Et donc, le Botswana de ce point de vue est relativement isolé.
On le voit, la SADC soutient Robert Mugabe et peine aussi à résoudre la crise malgache depuis 2009. Quelles sont les réussites de cette organisation sous-régionale ?
Le bilan est plutôt terne. Ce que l’on observe de plus en plus, c’est que les problèmes d’un pays ne peuvent, au fond, être résolus que par les forces propres à ce pays. On voit d’ailleurs en Egypte en ce moment, que l’Occident et les Etats-Unis n’arrivent pas du tout à imposer une solution qui aille directement dans le sens de leurs propres intérêts. Les interventions étrangères dans les affaires intérieures des pays sont toujours très limitées. De ce point de vue, le bilan de la SADC à Madagascar ne fait guère exception.
Vous dites que la SADC ne fait finalement pas plus mal que les autres organisations comme la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ou la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cémac) ?
On connaît très peu d’organisations sous-régionales qui effectivement imposent des solutions à des pays qui n’en veulent point. Cela s’applique à la SADC comme à l’Union africaine, l’Union européenne ou de ce point de vue à l’ONU, elle-même.
Est-ce que la structure de la SADC, et le fonctionnement - peut-être - est différent de ces dernières organisations ? On travaille là en milieu anglophone avec une histoire différente ?
Sur le plan économique, ils ont accompli quelques progrès. Il y a une relative liberté de mouvement à la fois des personnes et des biens. Il y a une culture politique dominante qui est le résultat effectivement des luttes de libération. Il y a une convivialité au sein de la classe dirigeante parce qu' elle se connaît, elle se fréquente. Il y a donc une espèce d’unité plus ou moins organique qui ne pousse pas nécessairement à la résolution des problèmes, mais qui empêche que de trop graves conflits viennent introduire des éléments de déstabilisation d’envergure régionale. On n’a pas de Centrafrique ici. On n’a pas de mouvements terroristes. Donc au final, c’est une organisation très pépère : surtout pas de conflit, laisser le temps au temps, donc une espèce de politique de la passivité qui apparaît pour le moment à plusieurs de ses acteurs comme la voie à suivre... car, quelles sont les autres options ? C’est le désordre, et puis l’instabilité.
Est-ce que la SADC est critiquée sur le continent ?
Mais non. Même pas ici en Afrique du Sud. On en parle de temps à autre, jamais vraiment pour la critiquer. Donc pour les bureaucrates, il ne peut pas y avoir mieux que cela. L’objectif nié pour la sous région, c’est surtout « pas de vagues ».

Source : Rfi.fr
 

Dépéche

Mardi 20 Août 2013 - 17:37


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