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Arcelor Mittal - État du Sénégal : un accord transactionnel plein de zones d’ombre

Le dossier Arcelor Mittal – État du Sénégal revient au cœur de l’actualité nationale avec les convocations de dignitaires de l’ancien régime. Une révélation sur l’accord transactionnel lève le voile sur cette affaire aux contours opaques.



Arcelor Mittal - État du Sénégal : un accord transactionnel plein de zones d’ombre
L’audition d’hier mercredi d’Aly Ngouille Ndiaye, ancien ministre de l’Industrie et des Mines, devant le doyen des juges d’instruction du parquet de Dakar, a permis de lever un coin du voile sur ce dossier. Constitué au fil des ans, il traîne des zones d’ombre derrière un épais nuage de clauses et de signatures.

Selon L’Observateur de ce jeudi 21 août, Aly Ngouille Ndiaye a été entendu spécifiquement sur les clauses de l’accord transactionnel signé entre le Sénégal et le géant mondial de l’acier. La pièce manquante se situe précisément au moment où l’Agent judiciaire de l’État de l’époque, Aïssé Gassama Tall, avait refusé de signer l’accord qu’elle jugeait léonin pour les intérêts nationaux. Qui a donc apposé sa signature sur ce document verrouillé par de lourdes clauses de confidentialité ?

À en croire le journal, le document porte bien la signature du ministre Aly Ngouille Ndiaye, représentant de l’État du Sénégal, en date du 30 mai 2014. Amadou Bâ, alors ministre de l’Économie et des Finances, l’a approuvé, donnant à l’entente l’allure d’un pacte définitif.

Dans le préambule de ce document de douze pages, le récit commence en février 2007, lorsque l’État du Sénégal et Arcelor Mittal avaient conclu une série d’accords relatifs à l’exploitation du fer de la Falémé, dans le Sud-Est du pays. Le géant sidérurgique s’engageait alors à concevoir, financer, construire et exploiter un projet intégré, mine et infrastructures comprises. Mais, après ses études préalables, Arcelor Mittal déclara être incapable de mettre en œuvre le projet dans les conditions initiales, invoquant des coûts d’infrastructures trop élevés et des réserves de minerai jugées insuffisantes en quantité et en qualité.

S’ensuit une procédure d’arbitrage international. Le 3 septembre 2013, le Tribunal arbitral tranche : Arcelor Mittal n’a pas respecté ses engagements, les accords de 2007 sont résiliés avec effet immédiat. Mais la sentence ne dissipe pas encore toutes les zones d’ombre. Elle renvoie à une deuxième phase la question des responsabilités financières et des éventuels dommages et intérêts.
Arcelor Mittal devait de l’argent à l’Etat du Sénégal

C’est dans ce climat incertain qu’est né l’Accord Transactionnel de 2014, censé sceller une résolution à l’amiable du litige. Mais cet accord a au contraire épaissi le mystère, enfermant l’affaire dans un halo d’interrogations que la justice tente aujourd’hui d’éclaircir. D’où les convocations de l’ancien ministre des Finances, Amadou Bâ, et du ministre en charge du Budget à l’époque, Birima Mangara.

Au cœur de cette nébuleuse, un fait est pourtant écrit noir sur blanc : Arcelor Mittal devait verser au Sénégal, pour solde de tout compte, la somme de 150 millions de dollars américains. Cette indemnité transactionnelle se répartissait ainsi : 140 millions en guise de dommages et intérêts, et 10 millions au titre de remboursement de frais, notamment liés à l’arbitrage. Mais la clarté des montants ne suffit pas à dissiper les doutes.

En effet, l’accord précise que ce paiement devait être exécuté par virement bancaire, dans un délai maximum de deux jours ouvrables, à Londres, vers des comptes ouverts auprès de la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa), au barreau de Paris. En apparence, rien d’illégal. Mais la trajectoire des fonds intrigue : les 140 millions de dollars ont ainsi pris la direction de la BNP Paribas, agence centrale de Paris (00828), avec pour bénéficiaire François Meyer, avocat au barreau de Paris. Les 10 millions restants ont suivi la même orbite, vers le même avocat, avec les mêmes références.

Des sommes faramineuses 

Toujours selon l’accord, les avocats du Sénégal et ceux d’Arcelor Mittal devaient, dans les deux jours suivant la signature, adresser une lettre conjointe à la Carpa afin d’être informés, par écrit et sans délai, de la réception des fonds. Et le paiement n’était réputé effectif qu’une fois l’argent effectivement crédité sur ce compte unique, tenu hors du territoire national.

Dans cette nébuleuse où gravitent montants faramineux, clauses confidentielles et signatures décisives, une question reste suspendue : comment un litige d’une telle ampleur, opposant un État à un mastodonte industriel, a-t-il pu se solder de cette manière ?
Le plus inquiétant est ailleurs : dans ce même accord, il est clairement précisé qu’en contrepartie de l’exécution des articles 1 et 2, les deux parties renoncent à toute action, prétention ou réclamation relative à la validité, l’interprétation ou l’exécution des accords de 2007. Pis, elles conviennent que ce nouvel accord met un terme définitif au différend.

Après notification de la réception de l’indemnité, le Sénégal et Arcelor Mittal devaient d’ailleurs instruire leurs avocats respectifs d’écrire à la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale à Paris pour clore définitivement la procédure CCI No.17906/ND.

Encore plus contraignant, l’accord stipule qu’il ne saurait en aucun cas constituer une reconnaissance du bien-fondé des arguments de l’une ou l’autre partie. En outre, il impose une chape de plomb : une clause de confidentialité d’une durée de dix ans, ne pouvant être levée qu’en cas d’exigences légales ou comptables. Enfin, et c’est sans doute le comble, bien que signé à Dakar, le document précise qu’il est soumis au droit français et que tout différend futur sera tranché exclusivement selon le règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale.

En d’autres termes, au bout de cette nébuleuse, le Sénégal a accepté de voir son litige majeur avec Arcelor Mittal graviter dans une autre galaxie juridique, bien loin de sa propre souveraineté judiciaire.

Bacary Badji (stagiaire)

Jeudi 21 Août 2025 - 11:27


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