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Crise sanitaire COVID 19: Analyse des mesures économiques du PR Macky Sall, Par Cheikh Fatma Diop



La crise sanitaire actuelle est particulière en ce sens qu’elle génère quasi simultanément une double contraction de l’offre des entreprises et la demande des ménages.

Sous réserve de la disponibilité du financement requis, les mesures annoncées par le président de la République lors de son adresse à la Nation s’inscrivent globalement dans une dynamique de réponse à ces chocs sur l’économie.

1) Du côté de la demande, l’État, directement ou indirectement, rallonge le pouvoir d’achat des ménages en intervenant sur 3 grands segments

Prise en charge, pour 2 mois, des factures d’eau et d’électricité, respectivement pour 670 000 et 975 522 ménages, distribution de vivres à 1 million de ménages.

La diaspora, grande contributrice à l’économie sénégalaise (pas moins de 1000 milliards annuels), grandement touchée par la pandémie reçoit une enveloppe de 12,5 milliards. En partie, cette somme reviendra aux ménages sénégalais et renforcera leur capacité à dépenser évoquée plus haut. L’inclusion des étudiantes et étudiants à l’international annoncée par le ministère des Affaires étrangères a de quoi rassurer également.

2) Du côté de l’offre des entreprises,

Le paiement, pour 302 milliards, des dettes des fournisseurs de l’État représente une grosse bouffée d’oxygène du point de vue de leur trésorerie.
Les secteurs affectés par la crise sanitaires pourront également retrouver plus de marge de manoeuvre via l’injection de liquidités à hauteur de 100 milliards.
A ce niveau, il faudrait s’assurer que les segments les plus touchés reçoivent la part la plus importante de l’enveloppe. Celle-ci nous semble néanmoins largement insuffisante lorsqu’on sait que le seul secteur de l’hôtellerie présente des pertes établies à plus de 230 milliards de FCFA. Le ministère de l’Economie devra affiner.

3) Les PME de moins de 100 millions, par le différé de paiement d’impôts et taxes jusqu’au 15 Juillet 2020, devraient également se redresser un tout petit peu et mieux affronter la crise.

Ici, il faudra manifestement apporter une réponse un peu plus ciblée et un peu plus sectorielle tant la nature des activités et la séquence des rentrées d’argent diffèrent.

Les écoles de commerce de formation universitaire supérieure, par exemple, dépendent exclusivement des paiements de leurs étudiants pour, en retour, gérer leurs loyers et les vacations de leurs professeurs, prestataires privés. Ces derniers sont des pères de famille et ont des charges fixes à honorer.

Il nous semble donc plus approprié la mise en place d’un mini fond spécial PME et multisectoriel pour prendre en charge leurs besoins en liquidité sur le bimestre à venir.

4) Pour les travailleurs menacés de chômage, l’incitation étatique autour de la remise et de la suspension d’impôts pour leurs employeurs représente une lueur d’espoir assurément. Des pertes d’emplois seront notées mais celles ci, par ce principe de solidarité et de responsabilité, pourraient être réduites à une portion congrue. Tout dépendra de l’effectivité de l’incitation aux employeurs et de la capacité de persuasion du ministère du Travail.

Se posent néanmoins 4 grandes questions essentielles:

. Quelle clé de répartition des ressources mentionnées plus haut ?

. Le secteur informel qui représente une très large partie du tissu économique, devrait, à notre avis, bénéficier d’incitations et de mesures financières spécifiques du fait du caractère transversal de son activité sur l’économie nationale

. La troisième interrogation qui est plutôt une remarque porte sur les collectivités locales. Celles-ci ne reçoivent pas d’allocations pour le moment alors même que certaines d’entre elles ont contribué/ou prévoient de contribuer à la distribution de vivres dans le cadre de la lutte contre la pandémie.

. Sur la remise de dettes fiscales de 200 milliards aux particuliers et entreprises, il urge de définir des modalités de sélection des bénéficiaires. Les fraudeurs et les grandes multinationales devraient en être exclues.
Face à cette batterie de mesures annoncées par l’État, se pose la question précise. du financement.

Le président de la République a annoncé un report de projet d’investissements publics mais également des coupes budgétaires dans le fonctionnement de l’État pour dégager
une marge de 159 milliards

L’Etat est également à la recherche de 178 milliards supplémentaires pour tenir son projet.

A ce niveau, les ministères en charge de l’Economie et des Finances devraient affiner la partie mathématique de l’équation.
Il apparaît clairement que l’Etat devra s’endetter de façon extensive.
Aussi, le plafond de déficit budgétaire sur PIB établi à 3% dans l’espace UEMOA devrait, comme dans la zone Euro, être dépassé.
Le ministre de l’Economie Hott parle de 5,5 à 6% en fonctionnement des ressources effectivement mobilisées par l’État

Par ailleurs, il faudrait se féliciter du caractère inclusif de Force Covid 19 annoncé par le Président Macky Sall: l’Assemblée nationale et la Société civile seront notamment représentées dans le dispositif.

Aussi, faudrait il noter le mini aveu d’échec du Président sur la question de la souveraineté économique et alimentaire lorsqu’il a évoqué la nécessité d’accélérer le programme d’autosuffisance alimentaire en riz; celle-ci devait être une réalité depuis 2017 en principe. Le virage post Covid-19 devra s’inscrire dans une logique de bonne gouvernance, patriotisme économique, d’indépendance monétaire et d’un recentrage des politiques publiques, l’humain au centre. Les nations les plus fortes sont celles qui dépendent le moins des autres pour leurs velléités de développement.

Globalement et en théorie, les mesures économiques annoncées sont positives. Ceci dit, le jugement définitif sera fait sur la base des actes effectivement posés.
Le futur proche sera déjà un premier indicateur.

Par Cheikh Fatma Diop


Samedi 4 Avril 2020 - 13:29


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