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Explosions à Beyrouth : dans les quartiers sinistrés, les plaies sont toujours à vif

Un peu plus de deux mois après les explosions à Beyrouth, les quartiers traditionnels de Mar Mikhaël et de Gemmayzé, cœurs dynamiques et culturels de la capitale libanaise, restent très marquées par la tragédie du 4 août.



Explosions à Beyrouth : dans les quartiers sinistrés, les plaies sont toujours à vif
Un peu plus de deux mois après la double explosion du port de Beyrouth, qui a fait près de 200 morts et plus de 6 500 blessés et défiguré plusieurs quartiers de la capitale libanaise, les plaies sont toujours à vif dans les secteurs sinistrés.
 
Dans un rayon de 2 kilomètres autour du port, poumon économique du pays du Cèdre, la très grande majorité des immeubles affichent toujours les stigmates de la catastrophe, que certains Libanais qualifient de "Beyrouthshima", en référence à la bombe atomique ayant détruit la ville japonaise d'Hiroshima en 1945.
 
Situés près de l'épicentre des explosions du 4 août, les quartiers de Mar Mikhaël et de Gemmayzé, cœurs culturels et festifs très fréquentés de Beyrouth, tentent timidement de reprendre leurs esprits.
 
Alors que quelques commerçants et bars ont pu rouvrir leurs portes, les visages des passants qui déambulent dans les rues sont marqués. Assis sur des chaises blanches en plastique, à l'abri de la chaleur écrasante du soleil, des gendarmes déployés aux croisements stratégiques montent la garde pour dissuader des pillards de s'aventurer dans les logements laissés vacants le temps d'être réhabilités.
 
"On reste"
 
L'habituel vacarme de la circulation et les concerts des klaxons sont concurrencés par les bruits incessants des travaux de réparation émanant de part et d'autres des ruelles de ces deux quartiers. Symboles du patrimoine architectural libanais, 640 bâtiments historiques y ont été touchés, dont 60 qui risquent de s'écrouler, selon la direction générale des antiquités du ministère de la Culture.

Certains badauds s'arrêtent pour photographier les gravats des quelques bâtisses effondrées et inspecter la solidité des échafaudages de consolidation qui habillent plusieurs immeubles traditionnels, dont les toits en brique et les façades à arcades ont été déchirés.
 
Des constructions plus récentes, ayant survécu à la Guerre du Liban (1975-1990) mais dont aucune n'a échappé à la double explosion, semblent avoir mieux résisté. Même si les vitres de leurs fenêtres ont été remplacées par des pans de nylon translucides.
 
De grandes banderoles barrées d'un "We are staying" ("on reste"), en anglais et en arabe, ont été accrochées sur certaines façades, à l'adresse d'une classe politique honnie et d'éventuels promoteurs immobiliers en quête de bonnes affaires.
 
"Je pleure au point de sentir que mon cœur va éclater"
 
Il faut pénétrer à l'intérieur des logements pour mieux comprendre l'étendue des dégâts dans la zone. Situé au milieu de la rue Gouraud à Gemmayzé, l'appartement de Thérèse Habib Waked, retraitée, a été littéralement soufflé le 4 août et reste inhabitable deux mois après la tragédie.
 
"Je vis actuellement à la montagne, chez des amis qui nous ont gentiment accueillis avec mon frère qui a été gravement blessé aux mains par l'explosion, confie-t-elle à France 24. Et chaque fois que je rentre à la maison, et que je vois dans quel état elle se trouve, je pleure au point de sentir que mon cœur va éclater."
 
Et de poursuivre : "Ma vie a changé depuis l'explosion, je suis profondément triste et je me sens comme un automate, et je ne reconnais pas mon quartier, il n'y a plus personne, tout le monde est parti".
 
Thérèse Habib Waked photographiée devant les restes de sa chambre à coucher, dans son appartement de Gemmayzé, à Beyrouth.
Thérèse Habib Waked photographiée devant les restes de sa chambre à coucher, dans son appartement de Gemmayzé, à Beyrouth. © Marc Daou, France 24
Après avoir fait installer de nouvelles vitres aux fenêtres, dont les structures avaient elles-mêmes été tordues par l'explosion, elle espère retourner chez elle le plus tôt possible.
 
"Je ne sais pas quand je pourrai revenir, je n'ai plus de chambre à coucher, plus de lit, plus d'armoire alors que tout coûte très cher avec la crise de la livre libanaise, ajoute-t-elle dans un français impeccable. Nous n'avons touché aucun dédommagement pour réparer nos maisons, tous les travaux sont à notre charge, mais j'espère que tout va s'arranger, je suis croyante, j'ai confiance en Dieu."
 
Les Libanais ne veulent plus entendre parler de leur "résilience légendaire", mais, à l'image de Thérèse, ils l'incarnent plus que jamais.
 
"Beaucoup de gens qui vivent dans les secteurs touchés sont partis le temps que leurs logements soit reconstruits, mais ils ne sont pas à la rue, souligne un bénévole de la Croix-Rouge, dont l'antenne locale, elle-même endommagée, est située dans la rue. Car heureusement pour nous, nous avons le sens de la solidarité au Liban, même en temps de crise économique, ils ont été accueillis par leurs familles ou leurs amis."
 
"L'entraide fonctionne bien, il y a des volontaires qui aident des habitants à installer des vitres et des portes, d'autres achètent de la nourriture aux plus nécessiteux, alors que l'État ne fait rien pour eux", se félicite-t-il, tout en confiant à France 24 que l'aide humanitaire internationale "est en train d'arriver". Mais "le processus prend beaucoup de temps à cause de problèmes logistiques".
 
"Nous avons décidé de déclarer la guerre à ce qu'il s'est passé"
 
Plus haut dans la rue Gouraud, à quelques centaines de mètres de la place des Martyrs, Nabil Debs, un collectionneur d'art rentré au Liban en 2010 après une carrière dans la finance à Londres, se mobilise pour redonner vie à son quartier.
 
Depuis le 2 octobre, et jusqu'au 14 octobre, l'Arthaus international, la maison familiale à caractère traditionnel reconvertie en hôtel de charme et en centre culturel, elle aussi sévèrement touchée par les explosions, accueille une exposition baptisée "Beirut year zero" (Beyrouth année zéro).
 
Pas moins de 80 œuvres (peintures, sculptures, photographies, street art...) signées par plusieurs dizaines d'artistes libanais et arabes, dont certaines ont été réalisée en mémoire de la tragédie du 4 août, y sont exposées. Une trentaine d'entre elles seront ensuite l'objet d'une vente aux enchères, en novembre, à Londres, dans le but de récolter des fonds au bénéfice de la Croix-Rouge et des artistes libanais sinistrés.

Certains badauds s'arrêtent pour photographier les gravats des quelques bâtisses effondrées et inspecter la solidité des échafaudages de consolidation qui habillent plusieurs immeubles traditionnels, dont les toits en brique et les façades à arcades ont été déchirés.
 
Des constructions plus récentes, ayant survécu à la Guerre du Liban (1975-1990) mais dont aucune n'a échappé à la double explosion, semblent avoir mieux résisté. Même si les vitres de leurs fenêtres ont été remplacées par des pans de nylon translucides.
 
De grandes banderoles barrées d'un "We are staying" ("on reste"), en anglais et en arabe, ont été accrochées sur certaines façades, à l'adresse d'une classe politique honnie et d'éventuels promoteurs immobiliers en quête de bonnes affaires.
 
"Je pleure au point de sentir que mon cœur va éclater"
 
Il faut pénétrer à l'intérieur des logements pour mieux comprendre l'étendue des dégâts dans la zone. Situé au milieu de la rue Gouraud à Gemmayzé, l'appartement de Thérèse Habib Waked, retraitée, a été littéralement soufflé le 4 août et reste inhabitable deux mois après la tragédie.
 
"Je vis actuellement à la montagne, chez des amis qui nous ont gentiment accueillis avec mon frère qui a été gravement blessé aux mains par l'explosion, confie-t-elle à France 24. Et chaque fois que je rentre à la maison, et que je vois dans quel état elle se trouve, je pleure au point de sentir que mon cœur va éclater."
 
Et de poursuivre : "Ma vie a changé depuis l'explosion, je suis profondément triste et je me sens comme un automate, et je ne reconnais pas mon quartier, il n'y a plus personne, tout le monde est parti".

Après avoir fait installer de nouvelles vitres aux fenêtres, dont les structures avaient elles-mêmes été tordues par l'explosion, elle espère retourner chez elle le plus tôt possible.
 
"Je ne sais pas quand je pourrai revenir, je n'ai plus de chambre à coucher, plus de lit, plus d'armoire alors que tout coûte très cher avec la crise de la livre libanaise, ajoute-t-elle dans un français impeccable. Nous n'avons touché aucun dédommagement pour réparer nos maisons, tous les travaux sont à notre charge, mais j'espère que tout va s'arranger, je suis croyante, j'ai confiance en Dieu."
 
Les Libanais ne veulent plus entendre parler de leur "résilience légendaire", mais, à l'image de Thérèse, ils l'incarnent plus que jamais.
 
"Beaucoup de gens qui vivent dans les secteurs touchés sont partis le temps que leurs logements soit reconstruits, mais ils ne sont pas à la rue, souligne un bénévole de la Croix-Rouge, dont l'antenne locale, elle-même endommagée, est située dans la rue. Car heureusement pour nous, nous avons le sens de la solidarité au Liban, même en temps de crise économique, ils ont été accueillis par leurs familles ou leurs amis."
 
"L'entraide fonctionne bien, il y a des volontaires qui aident des habitants à installer des vitres et des portes, d'autres achètent de la nourriture aux plus nécessiteux, alors que l'État ne fait rien pour eux", se félicite-t-il, tout en confiant à France 24 que l'aide humanitaire internationale "est en train d'arriver". Mais "le processus prend beaucoup de temps à cause de problèmes logistiques".
 
"Nous avons décidé de déclarer la guerre à ce qu'il s'est passé"
 
Plus haut dans la rue Gouraud, à quelques centaines de mètres de la place des Martyrs, Nabil Debs, un collectionneur d'art rentré au Liban en 2010 après une carrière dans la finance à Londres, se mobilise pour redonner vie à son quartier.
 

Depuis le 2 octobre, et jusqu'au 14 octobre, l'Arthaus international, la maison familiale à caractère traditionnel reconvertie en hôtel de charme et en centre culturel, elle aussi sévèrement touchée par les explosions, accueille une exposition baptisée "Beirut year zero" (Beyrouth année zéro).
 
Pas moins de 80 œuvres (peintures, sculptures, photographies, street art...) signées par plusieurs dizaines d'artistes libanais et arabes, dont certaines ont été réalisée en mémoire de la tragédie du 4 août, y sont exposées. Une trentaine d'entre elles seront ensuite l'objet d'une vente aux enchères, en novembre, à Londres, dans le but de récolter des fonds au bénéfice de la Croix-Rouge et des artistes libanais sinistrés.
"En hommage à la force créatrice de Beyrouth, nous avons décidé de faire front et de transformer la colère en montant, en un mois, une exposition collective avec des artistes reconnus, afin de récolter des fonds au profit d'une bonne cause", explique-t-il, d'une voix résolument optimiste à France 24.
 
"Même pendant la Guerre du Liban, on ne s'est jamais autant senti attaqué dans notre culture et notre façon d'être qu'avec ces explosions, déplore Nabil Debs. Deux mois après, on commence à accepter le stress et le choc, et nous avons décidé de déclarer la guerre à ce qu'il s'est passé."
 
Et de conclure : "Nous devions inaugurer notre hôtel le 15 août, et presque tout ce qui a été soufflé, comme le toit par exemple, a été réparé, car la dernière chose que je ferais, c'est de tout laisser tomber et partir, même si je comprend les jeunes qui veulent quitter le pays, je les y encourage même, car je sais qu'ils reviendront plus forts". 

RFI

Mardi 6 Octobre 2020 - 09:38


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