Ndiaga Gueye, ancien Directeur des Pêches du Sénégal, actuellement fonctionnaire FAO
La pêche aura marqué l’homme. A juste titre puisque la quasi-totalité de sa brillante carrière s’est déroulée au sein de l’administration des pêches du Sénégal. Une carrière qui a cumulé sur le plan national avec les fonctions de directeur des Pêches et de l’Aquaculture que le Dr Ndiaga Guèye a exercées pendant presque pendant 10 ans (de décembre 1993 à décembre 2004). Puis cap vers la FAO, notamment le bureau régional basé à Accra où il s’occupe des pêches et de l’aquaculture.
Quand le Dr Ndiaga Guèye parle de pêche, mais surtout des accords de pêche avec l’Union Européenne, il évoque un dossier qu’il connaît sur le bout des doigts. Parce que, pendant 11 ans, il a été le négociateur en chef des premiers pourparlers en vue de la conclusion de ces accords. Les couloirs et bureaux du siège de l’UE à Bruxelles gardent encore les stigmates de négociations âpres, difficiles et longues dont « le seul but, c’était de défendre les intérêts du Sénégal. Durant ce temps-là, jamais je n’ai eu à jouir de mes frais de mission que je consacrais mon temps à faire des fax aux autorités de l’époque pour les informer de l’évolution des négociations. Je dépensais des fortunes dans l’envoi de fax » nous confie notre interlocuteur.
Evoquant l’actualité au Sénégal marquée notamment par les accords de pêche avec l’Union européenne, le Dr Ndiaga Guèye estime qu’il y a maldonne dans ce dossier. Avant de brandir un carton rouge en direction de tous les acteurs impliqués dans cette sérénade sans fin. « On peut dire qu’en eux-mêmes, les accords de pêche ne devraient pas constituer, au-delà d’enjeux géostratégiques extérieurs au secteur de la pêche, des problèmes insurmontables. Ils sont à considérer davantage comme un indicateur de la faiblesse du système d’aménagement et jouent, du fait de cette faiblesse, un rôle de facteur aggravant dans un système d’aménagement mal contrôlé et inefficient au regard des objectifs de conservation » estime Dr Ndiaga Guèye.
Et l’ancien directeur national des Pêches d’expliquer que « le protocole prévoit des possibilités de pêche pour jusqu’à 28 thoniers senneurs congélateurs, 10 canneurs et 5 palangriers d’Espagne, de Portugal et de France, pour un tonnage de référence de 10 000 tonnes de thon par an. Il autorise également la capture de 1 750 tonnes de merlu noir par an pour deux chalutiers espagnols. La contrepartie financière annuelle de l’Union s’élève à 1,7 million d’EUR (1 milliard 117 millions de frs), dont 800 000 EUR (525 millions de frs) de droits d’accès aux eaux du Sénégal. Le solde de 900 000 EUR (591 millions de frs) correspond à un soutien sectoriel au développement de la politique de pêche du Sénégal, notamment par l’amélioration du contrôle de la pêche, le développement de la recherche et de la collecte de données dans le domaine de la pêche et la certification sanitaire des produits de la pêche. Le montant des redevances supplémentaires dues par les armateurs est estimé à 1,35 million d’EUR par an ».
Ces accords ne sont pas léonins
Ceux qui critiquent ont-ils regardé de près et bien compris le contenu de ces accords ? En tout cas, l’ancien patron des Pêches du Sénégal se démarque de ceux qui théorisent que les accords signés avec l’Union Européenne sont léonins. « La négociation des accords de pêche ne relève pas des sciences exactes. Même les points les plus anodins (exemple : détermination du maillage des filets) peuvent prendre des heures de discussions. La négociation est à la fois une question politique et diplomatique, économique et commerciale, mais aussi sociale et environnementale. La diversité des acteurs concernés, avec des logiques et des intérêts différents (mais pas toujours contradictoires), ajoute encore á la complexité de la question » théorise notre interlocuteur.
A l’en croire, les fondements de ces accords partent très souvent de l’existence d’un surplus de stocks. « Les thonidés sont des espèces de poissons grands migrateurs qui voyagent dans tout l’Atlantique, en haute mer, mais aussi en passant par les Zones Economiques Exclusives des pays africains riverains de l’Atlantique [de l’Angola aux Canaries]. Ces thonidés sont gérés par la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique dont le Secrétaire Exécutif est un brillant cadre sénégalais, ancien Directeur des Pêches Maritimes. Le thon ne reste que 2 á 3 mois dans la ZEE sénégalaise. C’est aussi pour cette raison que la compensation pour un accord thonier est plus faible que pour un accord « mixte », où les bateaux européens viennent pêcher des ressources qui appartiennent au pays côtier » explique le Dr Guèye.
D’ailleurs, soutient-il, « même s’il n’y avait pas d’accord avec le Sénégal, les bateaux européens continueraient à pêcher ce thon en dehors des eaux sénégalaises, lorsqu’il se trouve en haute mer ou dans les ZEE des pays voisins avec qui l’UE a un accord, et le Sénégal n’en retirerait aucune compensation financière ».
Pourquoi y a-t-il autant de bruit dans les Accords avec l’UE ?
Les accords signés entre les Etats africains et l’UE sont ceux qui ont fait et continuent de faire l’objet de la plupart des commentaires, analyses et souvent critiques des observateurs internationaux (Etats, ONG et autres institutions internationales). Ceci pour plusieurs raisons dont la plus évidente tient à la disponibilité de protocoles détaillés et la transparence obligée des intentions, discours et décisions qui engagent les institutions européennes, informe le Dr Guèye. L’ancien patron des Pêches ajoute qu’il en est ainsi « du fait également des ONG spécialisées à Bruxelles sur les politiques européennes de coopération et celles spécialisées et actives dans les pays africains et qui perçoivent les effets contradictoires de ces accords du point de vue notamment de la surexploitation des ressources halieutiques et dénoncent les conditions de négociation déséquilibrées. Enfin, du fait des organisations internationales qui régissent les échanges et qui dénoncent ces accords au titre des modalités de recouvrement qui, selon bien des commentaires et critiques, sont assimilables à des subventions au secteur privé européen ».
Les armateurs nationaux interpellés
Un armement national de thoniers transatlantiques peut-il survivre en restant confiné au Sénégal ? A cette question, l’expert de la FAO répond sans ambages : NON ! Et d’expliquer que « pour la transformation du poisson au Sénégal, ce n’est pas le désert quand même. Dans la sous-région, le Sénégal est certainement le pays lead quoiqu’il n’y a encore que des progrès à faire pour davantage domicilier la valeur ajoutée. En outre, il faut préciser qu’il y a une absence de moyens technologiques et/ou financiers pour exploiter ces stocks » souligne en conclusion le Dr Ndiaga Guèye.
Le Témoin
Quand le Dr Ndiaga Guèye parle de pêche, mais surtout des accords de pêche avec l’Union Européenne, il évoque un dossier qu’il connaît sur le bout des doigts. Parce que, pendant 11 ans, il a été le négociateur en chef des premiers pourparlers en vue de la conclusion de ces accords. Les couloirs et bureaux du siège de l’UE à Bruxelles gardent encore les stigmates de négociations âpres, difficiles et longues dont « le seul but, c’était de défendre les intérêts du Sénégal. Durant ce temps-là, jamais je n’ai eu à jouir de mes frais de mission que je consacrais mon temps à faire des fax aux autorités de l’époque pour les informer de l’évolution des négociations. Je dépensais des fortunes dans l’envoi de fax » nous confie notre interlocuteur.
Evoquant l’actualité au Sénégal marquée notamment par les accords de pêche avec l’Union européenne, le Dr Ndiaga Guèye estime qu’il y a maldonne dans ce dossier. Avant de brandir un carton rouge en direction de tous les acteurs impliqués dans cette sérénade sans fin. « On peut dire qu’en eux-mêmes, les accords de pêche ne devraient pas constituer, au-delà d’enjeux géostratégiques extérieurs au secteur de la pêche, des problèmes insurmontables. Ils sont à considérer davantage comme un indicateur de la faiblesse du système d’aménagement et jouent, du fait de cette faiblesse, un rôle de facteur aggravant dans un système d’aménagement mal contrôlé et inefficient au regard des objectifs de conservation » estime Dr Ndiaga Guèye.
Et l’ancien directeur national des Pêches d’expliquer que « le protocole prévoit des possibilités de pêche pour jusqu’à 28 thoniers senneurs congélateurs, 10 canneurs et 5 palangriers d’Espagne, de Portugal et de France, pour un tonnage de référence de 10 000 tonnes de thon par an. Il autorise également la capture de 1 750 tonnes de merlu noir par an pour deux chalutiers espagnols. La contrepartie financière annuelle de l’Union s’élève à 1,7 million d’EUR (1 milliard 117 millions de frs), dont 800 000 EUR (525 millions de frs) de droits d’accès aux eaux du Sénégal. Le solde de 900 000 EUR (591 millions de frs) correspond à un soutien sectoriel au développement de la politique de pêche du Sénégal, notamment par l’amélioration du contrôle de la pêche, le développement de la recherche et de la collecte de données dans le domaine de la pêche et la certification sanitaire des produits de la pêche. Le montant des redevances supplémentaires dues par les armateurs est estimé à 1,35 million d’EUR par an ».
Ces accords ne sont pas léonins
Ceux qui critiquent ont-ils regardé de près et bien compris le contenu de ces accords ? En tout cas, l’ancien patron des Pêches du Sénégal se démarque de ceux qui théorisent que les accords signés avec l’Union Européenne sont léonins. « La négociation des accords de pêche ne relève pas des sciences exactes. Même les points les plus anodins (exemple : détermination du maillage des filets) peuvent prendre des heures de discussions. La négociation est à la fois une question politique et diplomatique, économique et commerciale, mais aussi sociale et environnementale. La diversité des acteurs concernés, avec des logiques et des intérêts différents (mais pas toujours contradictoires), ajoute encore á la complexité de la question » théorise notre interlocuteur.
A l’en croire, les fondements de ces accords partent très souvent de l’existence d’un surplus de stocks. « Les thonidés sont des espèces de poissons grands migrateurs qui voyagent dans tout l’Atlantique, en haute mer, mais aussi en passant par les Zones Economiques Exclusives des pays africains riverains de l’Atlantique [de l’Angola aux Canaries]. Ces thonidés sont gérés par la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique dont le Secrétaire Exécutif est un brillant cadre sénégalais, ancien Directeur des Pêches Maritimes. Le thon ne reste que 2 á 3 mois dans la ZEE sénégalaise. C’est aussi pour cette raison que la compensation pour un accord thonier est plus faible que pour un accord « mixte », où les bateaux européens viennent pêcher des ressources qui appartiennent au pays côtier » explique le Dr Guèye.
D’ailleurs, soutient-il, « même s’il n’y avait pas d’accord avec le Sénégal, les bateaux européens continueraient à pêcher ce thon en dehors des eaux sénégalaises, lorsqu’il se trouve en haute mer ou dans les ZEE des pays voisins avec qui l’UE a un accord, et le Sénégal n’en retirerait aucune compensation financière ».
Pourquoi y a-t-il autant de bruit dans les Accords avec l’UE ?
Les accords signés entre les Etats africains et l’UE sont ceux qui ont fait et continuent de faire l’objet de la plupart des commentaires, analyses et souvent critiques des observateurs internationaux (Etats, ONG et autres institutions internationales). Ceci pour plusieurs raisons dont la plus évidente tient à la disponibilité de protocoles détaillés et la transparence obligée des intentions, discours et décisions qui engagent les institutions européennes, informe le Dr Guèye. L’ancien patron des Pêches ajoute qu’il en est ainsi « du fait également des ONG spécialisées à Bruxelles sur les politiques européennes de coopération et celles spécialisées et actives dans les pays africains et qui perçoivent les effets contradictoires de ces accords du point de vue notamment de la surexploitation des ressources halieutiques et dénoncent les conditions de négociation déséquilibrées. Enfin, du fait des organisations internationales qui régissent les échanges et qui dénoncent ces accords au titre des modalités de recouvrement qui, selon bien des commentaires et critiques, sont assimilables à des subventions au secteur privé européen ».
Les armateurs nationaux interpellés
Un armement national de thoniers transatlantiques peut-il survivre en restant confiné au Sénégal ? A cette question, l’expert de la FAO répond sans ambages : NON ! Et d’expliquer que « pour la transformation du poisson au Sénégal, ce n’est pas le désert quand même. Dans la sous-région, le Sénégal est certainement le pays lead quoiqu’il n’y a encore que des progrès à faire pour davantage domicilier la valeur ajoutée. En outre, il faut préciser qu’il y a une absence de moyens technologiques et/ou financiers pour exploiter ces stocks » souligne en conclusion le Dr Ndiaga Guèye.
Le Témoin
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