
Sidy Lo, Sénégalais ayant vécu 4ans à Melilla
Vendredi 24 juin. Des centaines de migrants venant d'Afrique subsaharienne ont tenté de passer la frontière entre le Maroc et l'Espagne. Au moins 23 d'entre eux sont morts dans des heurts avec les forces de l'ordre. Un trajet devenu meurtrier sur l’axe Ceuta et Melilla. Sidy Lo a vécu 4 ans dans ces lieux. Il témoigne sur les péripéties.
«L’eldorado». Voyager en Espagne s’offre à lui comme solution. En 2012, il part seul et dans le plus grand secret. Il est passé par la Mauritanie «Je n’ai pas duré là-bas à cause du racisme», marmonne-t-il. Quelque temps après, il switche vers le Maroc. «De là-bas, comme j’ai pu amasser un petit montant, je me suis dit pourquoi ne pas tenter l'Espagne», relate Sidy. Il rumine et fulmine, toujours, sa traversée du désert au Sénégal. «Je suis resté 4 ans sans travailler pour un homme marié et père de deux enfants. J’ai subi de plein fouet la pression familiale».
«Nous étions au nombre de 15 personnes. Nous avons chacun déboursé 500 euros, soit 300.000 FCFA. Un montant qui nous a permis d’acquérir un zodiac, un moteur hors-bord, des pagaies, des gilets de sauvetage entre autres équipements», renseigne Sidy Lo. Précisant ainsi que «toutefois l’acquisition de ce matériel devra se faire en parfaite intelligence avec la mafia qui lie garde-côtes et vendeurs de ces équipements».
Tanger. Ville située au nord du Maroc est le point de départ. Néanmoins, avec tous ces équipements, ils ne sont pas au bout de leurs peines. En effet, le zodiac a été volé par leur convoyeur. Mais, cela ne les décourage guère. Ils organisent et travaillent sur un autre départ. A la deuxième tentative, la météo ne leur est pas favorable. «Tous ceux qui tentent l'émigration par la mer, passent leur journée dans les cybercafés pour s'informer de la météo. Moi (Sidy) j’ai été chargé de cette tâche, d’informer le groupe sur les prévisions météorologiques. Et comme je savais que le temps ne nous ait pas été favorable, j'ai laissé passer le voyage. Mais mes autres compatriotes étaient décidés à partir. Finalement, c'était peine perdue. Parce que notre zodiac a été de nouveau arrêté par les garde-côtes», confesse notre interlocuteur.
"Je suis parti à cause de la pression familiale"Résidant à Dalifort (banlieue dakaroise). Sidy Lo travaillait au Port autonome de Dakar comme pointeur. Après, il fait passage à la Société africaine de gestion et d'études du stationnement (Sages). Mais, cette entreprise a vécu des difficultés pour lesquelles Sidy a fait les frais. Il est ainsi resté 4 années au chômage. Un désastre social pour le jeune homme. A la suite de cette perte d’emploi, Sidy divorce d’avec sa femme avec qui, il a eu deux enfants. Cela retentit comme un échec social pour lui. Dans la foulée, il faut coûte que coûte trouver une solution.
«L’eldorado». Voyager en Espagne s’offre à lui comme solution. En 2012, il part seul et dans le plus grand secret. Il est passé par la Mauritanie «Je n’ai pas duré là-bas à cause du racisme», marmonne-t-il. Quelque temps après, il switche vers le Maroc. «De là-bas, comme j’ai pu amasser un petit montant, je me suis dit pourquoi ne pas tenter l'Espagne», relate Sidy. Il rumine et fulmine, toujours, sa traversée du désert au Sénégal. «Je suis resté 4 ans sans travailler pour un homme marié et père de deux enfants. J’ai subi de plein fouet la pression familiale».
Les manèges de la mafia des garde-côtesLe «désastre social» vécu ces quatre dernières années semble en rien comparable avec les péripéties du périple de Maroc en Espagne. Une première tentative tombe à l’eau. Le bonhomme et sa bande se font racketter. Sidy Lô décide de prendre les choses en main. Avec d’autres Sénégalais et des "amis" d'Afrique subsaharienne, chacun apporte sa contribution financière pour l'achat de matériel de voyage en mer.
«Nous étions au nombre de 15 personnes. Nous avons chacun déboursé 500 euros, soit 300.000 FCFA. Un montant qui nous a permis d’acquérir un zodiac, un moteur hors-bord, des pagaies, des gilets de sauvetage entre autres équipements», renseigne Sidy Lo. Précisant ainsi que «toutefois l’acquisition de ce matériel devra se faire en parfaite intelligence avec la mafia qui lie garde-côtes et vendeurs de ces équipements».
Tanger. Ville située au nord du Maroc est le point de départ. Néanmoins, avec tous ces équipements, ils ne sont pas au bout de leurs peines. En effet, le zodiac a été volé par leur convoyeur. Mais, cela ne les décourage guère. Ils organisent et travaillent sur un autre départ. A la deuxième tentative, la météo ne leur est pas favorable. «Tous ceux qui tentent l'émigration par la mer, passent leur journée dans les cybercafés pour s'informer de la météo. Moi (Sidy) j’ai été chargé de cette tâche, d’informer le groupe sur les prévisions météorologiques. Et comme je savais que le temps ne nous ait pas été favorable, j'ai laissé passer le voyage. Mais mes autres compatriotes étaient décidés à partir. Finalement, c'était peine perdue. Parce que notre zodiac a été de nouveau arrêté par les garde-côtes», confesse notre interlocuteur.

A Melilla, dans le mont de Gourougou
L'enclave pire que les camps de concentrationAprès ces tentatives infructueuses, Sidy Lo a replongé. Il se retrouve sans sou lui et sa bande. La seule option qui s'offre à eux, c'était de se rendre à Melilla. Là-bas des centaines de migrants d’Afrique subsaharienne vivent cachés dans le massif de Gourougou (un mont qui surplombe Melilla, situé à proximité de la lagune de Nador), dans l’attente de pouvoir franchir la triple clôture, d’une longueur d’environ sept mètre, qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla. Ils y vivent dans des conditions très précaires et sont souvent la cible des autorités qui détruisent leurs habitations faites de bâches et de tôles trouvées dans les rues marocaines. À Nador, les migrants ne peuvent pas se loger dans des maisons ou des appartements. Le gouvernement a interdit aux propriétaires de louer leurs logements aux exilés.
«Une fois dans le Gourougou, tu peux facilement accéder aux grilles sans débourser un franc. Ceux qui se trouvent là-bas sont ceux qui ont tenté à multiples reprises de passer par la mer sans succès et qui n'ont plus de sou. La grille peut être plus facile», explique le migrant qui vit désormais en Italie.
Sidy Lo prévient : « Dans ces lieux, c'est le sauve-qui-peut parce que Mélilla, c'est quasiment la ville la plus surveillée au monde du fait du trafic de migrants. Presque toutes les personnes sont des policiers en civil. La première fois que j’ai atterri sur les lieux, je n’en croyais pas mes yeux. Tellement, le décor est indescriptible. Je me suis demandé même si je suis dans un monde réel. J'étais éberlué, médusé, hébété. Je n’en reviens toujours pas».
Femmes et enfants y vivent les pires formes de traiteLe Sénégalais décrit des conditions de vie inhumaine. Les milliers de migrants entassés là-bas ne sont pas loin de l’enfer. Selon M. Lo, ces compères d’infortune doivent franchir la Valla, une barrière métallique haute de 7 mètres, porte d'entrée de "l'Eldorado européen". Dans l’enclave, on est marqué à première vue par «des personnes couvertes de poils». Ils sont nombreux à avoir restés des mois sans se doucher. Même trouver à manger est un casse-tête. «J’ai vécu dans cette forêt 4 ans de 2012 à 2016. Chaque jour, c'est une nouvelle tentative pour passer les grilles. On échouait et on nous refoulait en Algérie tel le mythe de Sisyphe, on revenait à Melilla pour une nouvelle tentative encore. En fait, tu vis comme un animal», conte le migrant.
Il n y a pas que seulement des hommes. Selon notre interlocuteur, « des femmes et des enfants vivent cet enfer aussi. Malgré ces conditions inhumaines, le cycle de la vie y est respecté. Des enfants naissaient dans cette forêt, des gens s’y marient comme d’autres y perdent aussi la vie. Le troc y également une monnaie d’échange. En effet, pour qu’une femme se nourrisse, elle devra offrir son corps à un homme en échange. C’est presque de la prostitution. Et plus grave, des relations sexuelles sans aucune protection. Le plus souvent, elles (ces femmes migrantes) prennent des grossesses et accouchent dans la forêt. En général ce sont les éléments de l’Organisation Médecins sans frontières qui extirpent ces enfants des affres de la forêt. Ils les ramènent avec eux certainement dans des orphelinats»
Comment Sidy a pu échapper à l'enfer et rallier l'ItalieCette aventure est marquée d’un fer rouge dans l’esprit de Sidy. Entassés sur le mont Gourougou qui surplombe Melilla, des milliers de migrants africains se terrent et attendent le signal des passeurs. Ils doivent franchir une triple rangée de hauts grillages et de barbelés. Pour y arriver, ils créent un grand mouvement de foule et s’abattent comme une vague déferlante sur les policiers qui sont totalement débordés et impuissants face à cette marée humaine.
«Les grilles mesurent 7 mètres et sont électrifiées. En plus de l’électricité, il y a des lames qui sont incorporées dans les barrières. Tous ceux qui ont emprunté cette voie, en ressortent avec des saignements. Des morts font partie de notre lot quotidiennement», narre notre interlocuteur.
Finalement, Sidy Lo a été obligé de changer de stratégie encore après 4 ans de tentatives sans succès. Il quitte ainsi le mont Gourougou pour tenter une autre aventure. «Je suis lessivé par les 4 années vécues dans cette forêt. C'est par la suite que les gardes m'ont renvoyé en Algérie. De là, il y avait du travail dans les fermes notamment, dans l'agriculture et l'élevage. Je suis resté là-bas pendant 4 mois et j’ai pu gagner 600 000 FCFA. Un compatriote que j’ai rencontré sur ce site m'a convaincu de rallier Libye. Là-bas aussi y règne une mafia qui se charge de vous transporter jusqu’à Tripoli et puis après en l’Italie. C’est finalement de cette façon que j’ai pu réussir mon émigration»

Le livre de Sidy Lo, intitulé "Moi émigré clandestin"
Je suis entré en Italie clandestinement« Quand je suis arrivé en Italie, j'ai été accueilli dans les campos, mis en place par des associations pour venir en aide les migrants. Je suis resté là-bas le temps d'être en règle. Là aussi, j'ai vécu trois ans sans papier. À chaque fois que je dépose mes papiers pour être en règle, les autorités italiennes me posent un refus. La raison avancée : le Sénégal ce n'est pas un pays de conflit, il n'y a pas de guerre. Il ne voit pas de motif valable pour nous accepter dans ce pays. Ce qui avait la chance d'être accepté : c'étaient les Maliens. Vous savez comme tout le monde que là c'est un pays de conflit, la Gambie avec la dictature de Yaya Jammeh», explique-t-il.
Au bout de ce périple, Sidy Lo a fini par trouver l’amour. Il se marie avec une Italienne. C'est par la suite qu’il a pu régulariser sa situation grâce au « regroupement familial », nous dira t-il.
L'histoire qui m'a marquéAvec toutes les difficultés traversées, Sidy Lo retient une histoire fabuleux de son parcours à Melilla qu'il n'est pas près d'oublier. « Ce qui m'a marqué quand j'étais à Melilla, c'est un vieux qui a fait presque 20 ans dans l’émigration irrégulière Je vous explique. Quand vous arrivez dans le Gourougou, on vous demande par exemple d'où vous venez, la langue que vous parlez. Et c’est pour vous mettre dans un groupe de communauté pour faciliter votre adhésion. Il est arrivé qu’un jeune venu de Ziguinchor (dans le sud du Sénégal) s'est présenté un jour dans la forêt. On lui a demandé de quelle ethnie il est. Il répond : diakhanké (est une langue mandingue). On lui a informé qu'ici il y a une seule personne qui parle cette langue. Et c’est un vieux. Après les deux ont commencé à discuter. Mais il est arrivé que le vieux a voulu savoir le nom de la mère du petit. Ce qui a fini par une découverte inattendue. Celle ci, s’avère être la femme du vieux. Ce dernier, avait quitté son village quand le petit avait 8 ans. Aujourd’hui, 22 ans après les deux (père et fils) se sont retrouvés sur le même chemin de l'émigration. C'est une chose qui m'a vraiment marqué », se souvient-il.
Si c’était à refaire, je le ferais plus !
Dans ses rêves les plus fous, Sidy Lo ne pense plus refaire le même parcours pour rallier l'Espagne. « Si c'était à refaire, je ne le ferais plus », s'empresse de dire le Sénégalais. D'ailleurs, Sidy Lo s'est chamaillé avec son propre frère qui voulait le rejoindre en Italie. Mieux, le Sénégalais vivant maintenant en Italie a sorti un livre en 2019 pour sensibiliser les jeunes sur l’émigration clandestine. Le livre publié en 2019 s'intitule "IO IMMIGRATO CLANDESTINO" en français "Moi émigré clandestin".
« Quand j'ai atterri dans les campos, je suis resté pendant trois ans sans rien faire. Et là je ne faisais que manger et dormir. C'est une sorte de prison à ciel ouvert. Des fois, tu peux aller dans la ville, mais tu es obligé d'émarger le soir ».
Las de ce quotidien, le migrant « c'est dit pourquoi ne pas écrire sur l'émigration. Revenir sur mon parcours de migrant. Apporter des éclaircissements sur cette question, pourquoi nous quittons notre pays d'origine pour venir en Europe entre autres questions. Parce que cette mafia doit cesser. La vie est sacrée. Melilla et Ceuta sont les plus grandes zones des départs, il faudra les fermer pour cesser définitivement l'émigration que seuls les pays subsahariennes subissent.»
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