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Papy Djilobodji : «Aliou Cissé a bousillé ma carrière en Équipe nationale» (Interview)



Après deux ans de diète médiatique, Papy Djilobodji sort du silence dans lequel il s’était emmuré pour débiter ses vérités. Aliou Cissé en a pris pour son grade. Le rugueux défenseur international sénégalais du club turc de Gaziantep revient sur ses relations avec le sélectionneur et sa non-sélection au Mondial 2018, après deux matches amicaux disputés.
Papy, pourquoi depuis 2018, vous n’avez pas pris la parole ?
  Depuis la Coupe du monde 2018, je suis resté dans mon coin. Le coach peut faire sa liste, il n’y a pas de problème. Il peut convoquer qui il veut et on n’a rien à dire là-dessus. Mais ce que je trouve anormal par rapport à la presse sénégalaise, c’est comme si elle ne veut pas la vérité ou supporte ce qui est insupportable. Il faut dénoncer ce qui n’est pas normal.
  Qu’est-ce qui n’est pas normal, selon vous ?
  Personne n’en a parlé ou essayé d’avoir le joueur pour voir ce qui s’est passé et avoir des informations par rapport à sa non-sélection. Après, je ne vais pas rester là à pleurer sur ma non-sélection à la Coupe du monde, mais à partir de là, je me suis dit que je vais rester dans mon coin. Peut-être que je ne suis pas un vrai Sénégalais (Rire).
  Avez-vous compris votre non-sélection au Mondial 2018 ou cherché à savoir le pourquoi ?
  Non, je ne peux pas la comprendre. Je n’ai jamais vu ça dans le football. Nous avons fait deux matches (contre l’Ouzbékistan et la Bosnie) avant la Coupe du monde et je les ai tous joués, à chaque fois 90 minutes. Je ne dirais pas que j’ai été nul, mais je me suis bien débrouillé. Mais ça fait partie de la vie. Je ne vais pas appeler le sélectionneur pour comprendre quoi que ce soit. Je n’en ai pas besoin. Mais tous les entraîneurs que j’ai vus, s’ils ne sélectionnent pas un joueur qui devrait l’être, ils l’appellent pour lui dire ‘‘finalement, j’ai fait mon choix par rapport à ça et ça’’ et après, c’est fini. Ça, tout le monde le comprend. Mais il n’y a pas eu d’appel ni d’explication, cela manque un peu d’élégance et de diplomatie. On n’est pas là à faire la guerre tout le temps, ça ne sert à rien.
  Aliou Cissé n’a pas fait appel à vous, peut-être du fait que vous n’aimez pas être sur le banc…
  Aucun joueur n’est content d’être sur le banc, chacun veut apporter quelque chose à l’équipe pour notre pays, le Sénégal. Si on est content en restant sur le banc, cela veut dire qu’on manque d’ambition.
  Durant ces matches amicaux contre l’Ouzbékistan et la Bosnie, avez-vous senti une amélioration de vos rapports avec Aliou Cissé. Ils étaient très tendus avant ces deux rencontres.
  Non, je ne l’ai pas senti. Je ne suis pas un jeune, je vois et comprends. Chacun faisait son boulot, je m'entrainais très bien et lui faisait son coaching. Après, nous avons un peu discuté à l'entraînement, mais je ne me rappelle même plus ce dont on avait discuté. Mais je ne me disais pas que j’allais être sur la liste (pour le Mondial 2018). J’étais prêt mentalement à ce qui devait arriver. Oui, dans ma tête, je me disais que je ne ferai pas le Mondial. Après, si j’étais dans la liste, tant mieux pour moi.
  «Une fois, il m’a dit dehors…»
  C’est quoi le problème entre Cissé et vous ?
  C’est lui qui a bousillé ma carrière en Équipe nationale. Franchement, si on veut dire la vérité, c’est ce que j’ai senti. J’étais bien en sélection et je faisais mes matches. Je n’ai jamais créé de problème, mais à chaque fois, on disait ‘‘Papy a fait ceci ou cela’’. Je n’ai jamais insulté un coach de ma vie. Je suis quelqu’un de très respectueux, mais j’aime la vérité.
  Est-ce que le Sélectionneur vous faisait des reproches ? 
  Il ne m’a jamais rien reproché. Je suis un professionnel. Depuis tout petit, je respecte mes entrainements, mes coaches, mes aînés en Équipe nationale. Dans tous les clubs où je suis passé, j’ai été respectueux, sauf à Sunderland parce qu’on était descendu et je ne voulais plus jouer en Championship. Du coup, j’ai fait des conneries et ils m’ont viré. Mais j’ai tout le temps rempli mes obligations. Je m'entraîne à fond, me repose et essaie de jouer tous les matches possibles, si je ne suis pas blessé. J’aime la vérité et si je ne la trouve pas, je dis que je ne suis pas d’accord.
  Vous est-il arrivé de dire à Aliou Cissé que vous n’êtes pas d’accord sur un aspect donné ?
  Une fois, quand il m’a dit dehors. C’était en 2015 (au Havre), quand je suis parti lui dire que je préfère jouer que d’être sur le banc. Peut-être qu’il a gardé ça jusqu’à présent et se dit ‘‘celui-là ne me respecte pas’’ ou ‘‘c’est une grosse tête ou quelque chose du genre, donc je vais l’éliminer’’. (Rire) Mais il n’y a personne qui peut m’éliminer, sauf Dieu.
  En 2015, il vous avait dit qu’il amenait un autre défenseur central, en l’occurrence Kalidou Koulibaly ?
  Oui, c’est vrai, il l’avait dit. Je suis d’accord qu’un coach cherche à prendre les meilleurs et d’avoir deux bonnes équipes parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver dans le football. Il peut toujours avoir un blessé et un autre de très haut niveau pour le remplacer. Peut-être qu’il ne le voit pas de cette manière et veut juste que les titulaires soient bons et le reste complète l'entraînement. Pour moi, un coach ne doit pas voir comme ça.
  Votre retour en Équipe nationale est-il envisageable ?
  (Rire) C’est une bonne question, mais je ne veux pas rentrer dedans. Je suis encore là. Je joue au football et prends du plaisir. A chaque fois que mon pays m’appelle, je viens. Mais là, il y a une bonne équipe, des jeunes qui sont là. On est là, on est les premiers supporters, si on peut donner des conseils, on le fait et puis on reste un peu à l’écart.
  «J’ai grandi»
  Si on parle de performance, vous faites partie actuellement des défenseurs centraux sénégalais les plus performants ?
  Je ne suis même pas au courant. Je fais juste mon travail. Je suis parti à l’entraînement il y a quelques jours, le préparateur physique (de Gaziantep) est venu me dire : “tu sais que tu es le meilleur de notre équipe depuis 10 matchs.” Et j’ai été dans l’équipe type en début de la saison en Turquie. Après, je ne regarde pas ce que je fais parce que je prends du plaisir et je ne veux pas que ça s’arrête. Je joue, je me fais plaisir match après match. Je veux jouer tous les matchs et être performant pour mon propre plaisir et pour ma famille, mes amis, mes coéquipiers, mon staff, mes supporters.
  Vous êtes à 10 matchs joués, un carton jaune et une passe décisive. A quoi devez-vous cette maturité dans le jeu ?
  Je prends de la bouteille quand même. Mais je reste jeune et je peux répéter les mêmes performances. J’ai appris, j’ai vu des joueurs jouer, j’ai grandi, je ne vais pas dire que je suis parfait pour le moment, mais on va dire que je suis à 50% d’être pas mal. Et j’espère que ça va continuer. Jeune, j’étais un fou. Je pétais les plombs facilement. Mais on apprend de ses erreurs. Aujourd’hui, ça a fait de moi quelqu’un de très calme. Il y a 5 ans, avant que je n’aille à Chelsea, Trabzonspor me voulait, j’avais dit non. Mais si je savais, je serais venu depuis, parce que j’aime bien, je prends du plaisir. 
  Est-ce votre caractère trempé qui explique votre instabilité en club entre 2017 et 2018 (Un prêt à Dijon et Guingamp)
  A Nantes, j’étais stable. Quand je suis venu en Europe, j’étais dans un club de CFA (Sénart-Moissy), après j’ai fini à Nantes où je suis resté pendant 6 années. Je jouais presque tous les matchs. Quand je suis parti à Chelsea, c’est là que j’ai été bougé un peu parce que je ne jouais pas. Je suis parti à Werder Brême (2015-2016) en Allemagne et je jouais. Cette équipe voulait même m’acheter, mais Chelsea réclamait beaucoup d’argent, donc c’était compliqué. Ensuite je suis parti avec Antonio Conte en présaison et je jouais tous les matchs (amicaux). Par la suite, j’ai perdu mon passeport et je ne pouvais pas voyager avec l’équipe (Chelsea) aux États-Unis. Cet épisode a été un tournant dans ma carrière.  Le temps de retrouver mon passeport, les choses ont beaucoup changé. J’ai été vendu à Sunderland (2016-2018). Avec Sunderland, on a été relégué et moi, je ne voulais pas jouer en deuxième division. A deux jours de la fin du mercato, le coach ne me faisait pas jouer, soit il me mettait sur le banc, soit j’étais 19e sur la liste. Un jour, on était parti jouer à Brentford, on est arrivé la veille, on est parti à l’hôtel. C’est une fois au stade que l’entraîneur a donné sa liste des 18 joueurs. Il a dit : “Papy tu regardes le match du haut des tribunes. J’étais énervé. J’ai joué en Premier League, en Allemagne et en France, je ne méritais pas cela. Je ne savais pas quelles directives il avait reçues du club. Il y a des directives qui viennent d’en haut et le coach est obligé de les appliquer pour ne pas se mettre en danger. Après, j’étais dans les vestiaires avec tous les joueurs et j’ai attendu que tout le monde sorte et je suis allé vers le coach pour lui parler. Il croyait que je venais pour le taper, il m’a regardé les yeux ouverts, il m’a dit : «Mais qu’est-ce qu’il y a.», je lui ai dit : «écoutes, je n’ai jamais eu de problème nulle part, mais je n’ai pas 18 ans pour que tu me fasses des choses comme ça. La prochaine fois, si tu dois me faire ce coup-là, laisse-moi à la maison.» Il m’a dit ok. 
  Avez-vous regretté le choix d’aller à Chelsea ?
  Je n’ai rien regretté de tout ce que j’ai fait dans ma vie. Personne ne refuse un grand club. Je suis parti là-bas, je n’ai pas eu la chance de jouer. Et pourtant, le président du club (Nantes) où j’étais voulait me vendre à un grand club. Celta Vigo me voulait vraiment et j’étais prêt à partir là-bas. D’ailleurs, c’est là que mon problème avec le président (Waldemar Kita) de Nantes a commencé. Peut-être que c’était ça mon destin. Je préfère les décisions de Dieu à celles des humains. 
  «Demba Ba, on va beaucoup le respecter pour ses positions»
  Comment des faits de racisme contre Pierre Webo d’Istanbul Basaksehir mardi dernier à Paris ont été vécus en Turquie ? 
  Jusqu’à présent, ça fait du bruit ici. Les gens discutent en interne pour gérer le problème. Espérons que ce sera fini parce qu’on n’a pas besoin de ça dans le foot. On est tous pareil, on doit réfléchir avant de faire ou de dire de telles choses. Demba Bâ, tout le monde le connait, c’est quelqu’un de respectueux, il a raison et je suis totalement en phase avec lui. Je dois jouer contre lui dimanche prochain, mais on va le respecter beaucoup plus pour ses positions. On est très content de lui.
  Avez-vous été une fois victime de racisme ?
  Non je n’ai jamais été victime de ça. Mais je suis prêt mentalement, il n’y a rien qui peut me déstabiliser. Si on me fait des cris de racisme ça me motive davantage.

L'Observateur

Vendredi 11 Décembre 2020 - 15:48


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