
Le cancer du col de l’utérus est un fléau mondial, mais c'est l’Afrique qui en paie le plus lourd tribut . Le continent africain compte 19 des 20 pays où la charge de morbidité du cancer du col de l'utérus est la plus élevée au monde. En 2022, l’Afrique représentait 23 % de la mortalité mondiale due au cancer du col de l’utérus, soit 153 000 décès. Presque tous les cas de cancers du col utérin sont imputables au papillomavirus humain (ou HPV selon son acronyme en anglais), une infection sexuellement transmissible courante, dont certaines souches à haut risque sont responsables de la majorité des infections provoquant des mutations cancéreuses des cellules. La quasi-totalité des femmes et des hommes sexuellement actifs seront infectées par le HPV à un moment de leur vie.
Il existe pourtant une puissante arme de prévention contre le HPV : la vaccination. Le vaccin anti-HPV est sûr et il réduit jusqu’à 90 % le risque de développer un cancer du col de l’utérus. C’est une mesure cruciale pour protéger les générations futures contre une forme de cancer évitable et pour réduire le fardeau que fait peser la maladie sur les individus et les systèmes de santé.
Chaque année, le 17 novembre, la communauté internationale célèbre la Journée d’action pour l’élimination du cancer du col de l’utérus (a).
Pourquoi c'est important
En 2024, l’Afrique de l’Est compte 80 millions de filles âgées de 9 à 14 ans ; dans 10 ans, elles seront 95 millions. On estime que 60 % d’entre elles (soit 60 millions) (a) seront infectées par le HPV et par conséquent exposées au risque de développer un cancer du col de l’utérus plus tard dans leur vie. Plus de 52 633 femmes (a) sont diagnostiquées avec un cancer du col utérin chaque année et 70 % d’entre elles en mourront.
Outre l’impact évident sur la santé et le bien-être des personnes atteintes, encore aggravé par la stigmatisation sociale, la maladie pèse lourdement sur les finances des familles et des communautés. Dans un pays comme l’Eswatini, par exemple, le traitement d’un cancer du col de l’utérus à un stade avancé coûte plus de 50 000 dollars par patiente (a), tandis que les pertes de productivité sont estimées à 1 million de dollars.
La généralisation de la vaccination contre le HPV pourrait empêcher la survenue de 85 % des cancers du col de l’utérus et ainsi sauver plus de 30 000 vies chaque année dans la seule Afrique de l’Est. Conjugué à l’accès généralisé au dépistage et aux traitements pour toutes les femmes, le vaccin anti-HPV ouvre la voie à l’éradication du cancer du col de l’utérus et 29 des 54 pays africains l’ont déjà intégré dans leur calendrier de vaccinations systématiques.
Source : Accelerating HPV vaccination in Africa for health equity
Les filles non scolarisées sont particulièrement difficiles à atteindre
Bien que le vaccin anti-HPV ait fait la preuve de son efficacité, la couverture vaccinale varie considérablement d’un pays africain à l’autre, allant de 13 % au Cameroun ou au Malawi à 99 % en Érythrée. Le déploiement des programmes de vaccination se heurte à de nombreux obstacles : socioculturels (manque de connaissances en matière de santé, réticence à l'égard des vaccins, stigmatisation et déficit de services adaptés aux adolescentes), logistiques (identification de la population cible, sensibilisation et suivi des personnes non vaccinées) et systémiques (cohérence des politiques, financement, coordination).
En Ouganda, les préjugés socioculturels (a) autour du vaccin anti-HPV constituent un facteur de résistance important : crainte d'encourager une activité sexuelle précoce, préoccupations concernant les effets secondaires à long terme, la sécurité et l’efficacité du vaccin, ou encore méfiance à l'égard des intentions du gouvernement derrière la promotion de la vaccination. Soit autant de croyances qui dissuadent les parents de faire vacciner leurs enfants.
Afin de surmonter ces obstacles, l’Ouganda met en place une stratégie qui vise à améliorer la fourniture des services de santé en faveur des adolescent(e)s. Les autorités focalisent notamment leurs efforts sur les 12 districts les moins performants et se sont dotées d’un tableau de bord numérique permettant de suivre en temps réel les données sur le statut vaccinal anti-HPV. L’Ouganda a mis en œuvre des stratégies de communication ciblées à l’échelon communautaire : dirigeants locaux, parents, enseignants et adolescent(e)s sont associés à cette démarche en tant qu’agents de promotion de la vaccination, et des séances de sensibilisation en langue locale ont été organisées pour dissiper les idées fausses et vaincre les réticences au sein de la population.
Au Mozambique, le déploiement de la vaccination s’est heurté à des défis logistiques dus à la pénurie de doses, au grand nombre d’adolescentes non scolarisées, aux longues distances entre les écoles et les centres de santé, au manque de soutien de la part des établissements scolaires et aux idées préconçues sur le HPV qui ont entravé les efforts de coordination. Pour y remédier, le Mozambique a intégré des campagnes de vaccination en milieu scolaire, en complément des vaccinations systématiques dans les centres de santé, adopté un schéma à dose unique à partir de 2024, et programmé pour 2025 une campagne de rattrapage multi-âges destinée aux filles ayant manqué leurs vaccins.
Sommes-nous à la hauteur du défi ?
Plusieurs pays africains — Rwanda, Éthiopie, Érythrée, Botswana, Cabo Verde, Maurice — ont atteint des taux de couverture vaccinale exceptionnellement élevés, qui dépassent 70 %. Le Rwanda est parvenu à un niveau de couverture de 98 % (a) grâce à un programme de vaccination en milieu scolaire et à une campagne de communication vigoureuse menée par des agents de santé communautaires et des personnalités de la vie locale. L’accent a été mis sur la lutte contre les barrières culturelles, comme les fausses croyances en matière d’infertilité et d'incitation à l’activité sexuelle.
Source : Accelerating HPV vaccination in Africa for health equity
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