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Sécurité alimentaire et nutritionnelle: Émile Frison donne la solution Agroécologique et explique l'exemple du Sénégal (Entretien)

Le 6 avril 2022, l'Alliance mondiale pour l'avenir de l'alimentation a publié un rapport intitulé "la politique de la connaissance : comprendre les données probantes en faveur de l’agroécologie, des approches régénératives et des pratiques alimentaires autochtones ?" Le document réalisé par plusieurs experts du domaine à travers le monde est un condensé de données sur différentes approches régénératives et de pratiques alimentaires autochtones au Sénégal, Ouganda et Kenya. Pour décortiquer le rapport, PressAfrik propose ici un dialogue réalisé par e-mail avec Emile Frison, l’instigateur et membre du panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food). Il a contribué à la conception du rapport et la sélections des cas emblématique évoqués dans le rapport.



Emile Frison, l’instigateur et membre du panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food)
Emile Frison, l’instigateur et membre du panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food)

Quelles sont les principales conclusions de ce rapport ?

 

Le système alimentaire industrialisé est l’un des principaux facteurs de stress pour la santé de la planète. Il contribue à plus d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre et entraîne une perte considérable de biodiversité. En outre, les inégalités structurelles au sein du système alimentaire aggravent les impacts subis par les communautés vulnérables. Le consensus est de plus en plus large : ce modèle n’est plus adapté ; il met en péril les populations et la planète.

 

Il existe déjà de nombreux éléments qui démontrent le potentiel de transformation de l’agroécologie, des approches régénératives et des pratiques alimentaires autochtones. Cependant, ils ne sont pas toujours disponibles ou accessibles aux publics demandeurs de preuves, ni dans le format qu’ils exigent.

Les données probantes en faveur de l’agroécologie, font l’objet d’une bataille pour la connaissance et le pouvoir. Une vision étroite de ce qui constitue une donnée probante entraîne la prédominance de certains types d’expertise sur d’autres et un large éventail de données probantes n’est pas pris en compte, documenté, publié ou entendu. Les modes de pensée et de connaissance coloniaux et occidentaux continuent d’invalider certaines formes de données sur les systèmes alimentaires.

 

Pour accélérer la transformation systémique qui permettra de construire des systèmes alimentaires équitables et durables, nous devons décoloniser et démocratiser les systèmes de connaissances dans l’éducation, la recherche et l’innovation. 

 

  

Les auteurs et autrices présentant des études de cas, des histoires, des vidéos et des enregistrements audio du monde entier qui démontrent le potentiel de l’agroécologie pour faire face aux défis d’insécurité alimentaire et nutritionnelle, de changement climatique, de perte de biodiversité et d’inéquité sociale.

 

Le Kenya et le Sénégal ont été cités comme étant des pays où des approches et pratiques constituent aujourd’hui des preuves que l’agroécologie peut transformer les systèmes alimentaires en Afrique. Pouvez-vous donner des exemples précis de réussite dans chacun de ces pays ? 

 

Au Sénégal, grâce au travail de l’ENDA-Pronat, l’engagement des autorités locales dans l’émergence d’un réseau de 50 communes et villes vertes du Sénégal (REVES),  contribue au développement de politiques territoriales basées sur les principes de l’agroécologie, notamment en termes de bonne gouvernance des ressources naturelles. 

 

De plus, la Dynamique pour la transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) et l’Alliance pour l’agroécologie en Afrique de l’Ouest (3AO) auxquelles ENDA-Pronat a contribué, constituent de parfaits exemples de liens de coopération qui ont permis de fournir aux autorités du pays des propositions concrètes pour une transformation agroécologique qui font maintenant partie des stratégies nationales.

 

Au Kenya, des systèmes de pastoralisme nomade à faible apport d’intrants externes reposent sur le déplacement du bétail à travers des zones de pâturage où le fourrage est naturellement disponible, qui changent en fonction des saisons et des pluies. Lorsqu’il pleut, les pasteurs et les pasteures suivent les flux de nutriments qui varient rapidement avec la pluie. 

 

En période de pluie abondante, l’herbe pousse rapidement, et ils et elles déplacent aussitôt leurs troupeaux vers ces zones pour en exploiter la ressource. Les pasteurs et les pasteures retournent ensuite vers d’autres champs, laissés un temps en jachère, qui servent alors de pâturages. Il s’agit d’un système très ancien que le pastoralisme a mis en œuvre, assimilé et développé au fil du temps, et qui a permis aux populations pastorales d’assurer leur production et leurs moyens de subsistance.

 

Des groupes de responsables politiques et de juristes, venant principalement des zones pastorales, sont de plus en plus nombreux et poussent le gouvernement à comprendre et reconnaître le potentiel de ces systèmes pastoraux.

 

Le rapport indique que les preuves d’approches régénératives et de modes d'alimentation indigènes ne constituent pas des priorités dans les politiques ou budgets gouvernementaux. Alors, que faut-il faire pour inverser la tendance ?

 

Des programmes de recherche et d’action participatifs et transdisciplinaires qui rassemblent les agriculteurs et agricultrices, les scientifiques, les responsables politiques, les organismes donateurs, les consommateurs et consommatrices et les autres parties prenantes des systèmes alimentaires sont essentiels pour favoriser la transformation des systèmes alimentaires. 

 

Ces approches et résultats de la recherche et de l’action fourniront des données probantes contextuellement pertinentes et ouvriront des espaces pour discuter et aborder les questions de réciprocité, d’égalité, de justice et de pouvoir. Cela est possible grâce à des alliances transparentes, honnêtes et respectueuses entre les principales parties prenantes engagées dans la transformation des systèmes alimentaires.

 

Pour les partisans de l'agriculture conventionnelle, les limites de l’agroécologie pour nourrir le monde dont la population croît de plus en plus, résident dans la « petitesse de ses superficies et la faiblesse de ses rendements ». Au-delà des conclusions de ce rapport, vers quoi l’agroécologie devrait-elle évoluer pour apporter une solution à l’insécurité alimentaire et restaurer la souveraineté dans la plupart des pays ?

 

Comme le montrent de nombreux exemples dans différentes parties du monde, des systèmes agroécologique diversifiés permettent d’obtenir des revenus supérieurs aux revenus des systèmes de monocultures basés sur les intrants chimiques. Il convient de remplacer les subsides aux intrants chimiques par des subsides à la transition agroécologique. Il faut également mettre en place des politiques qui soutiennent la co-innovation entre agriculteurs et chercheurs et qui favorisent la production vivrière et la transformation locale des productions afin d’ajouter de la valeur localement

 

Il faut aussi développer des marchés régionaux pour les productions résultant de l’agroécologie. Ces mesures permettront non seulement d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais également d’augmenter la résilience des systèmes face aux changements climatiques et de maintenir et rétablir la biodiversité indispensable à la durabilité.



Vendredi 22 Avril 2022 - 13:26


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