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Aux Etats-Unis, l'impeachment de Trump gagne du terrain dans l'opinion

Si la majorité républicaine au Sénat protège Donald Trump d'une destitution, la procédure est approuvée par une majorité de l'opinion publique. Un basculement suffisant à fragiliser un président candidat à sa réélection en 2020. En voulant faire appel à l'Ukraine ou à la Chine pour enquêter sur un rival, Donald Trump a heurté la fibre souverainiste des Américains, y compris des républicains.



Au Musée de l'histoire américaine qui borde l'immense Mall de verdure traversant Washington, une vitrine de la section Démocratie est consacrée aux procédures d'Impeachment. On y trouve, sous une photo de Bill Clinton, le rapport épais de Kenneth Starr, qui a nourri il y a vingt ans la procédure de destitution du président démocrate. On y voit aussi les photos d'un Richard Nixon contrit, préférant la démission à l'opprobre d'un vote. On y voit enfin un dessin montrant le président Andrew Johnson recevant une assignation. « Seuls trois présidents ont sérieusement risqué une destitution, rappelle le musée. La Chambre des représentants a mis en accusation (« impeached ») Andrew Johnson en 1868 et William Clinton en 1998. Dans les deux cas, le Sénat a voté leur acquittement. Richard Nixon, sur le point d'être destitué, a démissionné en 1974. »

Entrer dans l'Histoire, fût-ce pour le pire

Depuis le lancement de la procédure d'impeachment contre Donald Trump par la Chambre des représentants, qui doit faire la lumière sur les soupçons de pression sur un dirigeant étranger (le président ukrainien) à des fins de politique interne (discréditer son rival démocrate Joe Biden), le pari commun est qu'elle n'ira pas à son terme, la majorité républicaine au Sénat protégeant solidement le président. Si la Chambre des représentants vote la mise en accusation de Donald Trump, il faudrait encore, en effet, que tous les sénateurs démocrates et 20 de leurs collègues républicains (sur 53) votent une destitution effective au cours du « procès » qui y serait organisé. Mais pour entrer dans l'Histoire nationale, fût-ce pour le pire, la vitrine du musée de la Smithsonian Institution montre qu'il n'est pas besoin d'être réellement destitué. Davantage que le Sénat, c'est l'opinion publique qui devient aujourd'hui l'arbitre de l'avenir de Donald Trump, candidat à sa réélection en 2020.

Et cette opinion publique a basculé en faveur de la procédure parlementaire. Selon une synthèse des sondages réalisée par le site politique FiveThirtyEight, les courbes se sont croisées entre ceux qui soutenaient une enquête - réclamée depuis des mois par certains démocrates - et ceux qui la rejetaient, les premiers étant désormais plus nombreux (48,9 % contre 43 %). Selon un sondage « Wall Street Journal »/NBC News, une majorité des personnes interrogées estimait, début octobre, qu'une enquête devait être menée (à 55 %, dont 24 % pensent que Donald Trump devrait quitter ses fonctions), tandis que selon une étude « Washington Post »/Schar School , 58 % des sondés soutiennent l'ouverture de l'enquête par le Congrès. Même la chaîne de télévision Fox News, longtemps la préférée de Donald Trump, donne 51 % de sondés en faveur de la procédure et d'un départ du président (+9 points par rapport à juillet), 40 % des personnes interrogées étant contre.

« Pas bon sur le CV »
Donald Trump l'a bien compris. S'il assurait aux premiers jours de la procédure qu'il sortirait renforcé de l'opération, il reconnaît en privé que « ce n'est pas bon sur le CV », selon le site Axios. Pour sa défense, il a d'abord choisi une ligne agressive. Son activité sur Twitter s'est envolée, et avec elle la violence des insultes (« crétin prétentieux », « traîtres »…). Arguant de la partialité de ses « juges » - qui sont, de fait, des politiques -, il a, depuis, choisi le bras de fer, interdisant à son administration de témoigner ou d'apporter des documents aux commissions d'enquête.

Sur le fond, c'est sa manière de conduire la politique qui est questionnée par la procédure de destitution, et devient un sujet pour la campagne présidentielle qui s'ouvre. « Impeachment ? For that ! ? » s'est exclamé le président, à l'instar d'un enfant qu'on punirait pour ce qu'il jugerait une broutille. C'est de fait ce que pense Donald Trump, qui répète à l'envi que son appel au président ukrainien était « parfait » - il a d'ailleurs publié sans barguigner le script de son appel téléphonique. Sur le fond, il a agi avec le président ukrainien comme il a dû négocier des centaines de contrats dans sa vie de promoteur immobilier : au rapport de force.

Fibre souverainiste

Personne n'est naïf : les Etats-Unis ont dû bien souvent faire pression sur des pays « amis » pour asseoir leur influence. Et tout le monde questionne la légitimité du fils de Joe Biden à conseiller un groupe gazier ukrainien au moment où son père est le vice-président de Barack Obama. Mais solliciter l'Ukraine ou la Chine (comme Donald Trump a assuré pouvoir le faire) pour enquêter sur un adversaire alors qu'il mène une guerre commerciale et se dit «patriote », cela heurte la fibre souverainiste des Américains et irrite jusque dans les rangs républicains. « Les Américains ne cherchent pas la vérité auprès des cocos chinois ! » a bien résumé le sénateur du Nebraska Ben Sasse. Des élus républicains que Donald Trump, au lieu de rassurer, vient en outre d'ébranler en laissant la voie libre à la Turquie pour frapper les anciens alliés kurdes en Syrie.

Les Echos

Mardi 15 Octobre 2019 - 11:29


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