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Corruption: L’économiste Ndongo Mané Kébé propose des solutions pour sortir le Sénégal de la zone rouge (Entretien)

Transparency International a publié jeudi dernier, son rapport sur l’Indice de perception de la corruption (IPC). Le Sénégal est, depuis quatre (4) années successives, classé dans la zone rouge, synonyme des pays les plus corrompus. Ces résultats ont soulevé des commentaires d’hommes politiques comme l’opposant Ousmane Sonko, qui a même accusé le président Macky Sall d’être l’Alpha et l’Oméga de la corruption. Pour éclairer les Sénégalais, l’économiste, Docteur Ndongo Mané Kébé, s’est confié à PressAfrik dans un entretien. Il a évoqué, entre autres questions, la méthode de travail de l’organisation, mais aussi les critères qu’il faut pour dire que tel pays est corrompu, avant de faire des recommandations pour sortir le pays dans la zone rouge. ENTRETIEN



Corruption: L’économiste Ndongo Mané Kébé propose des solutions pour sortir le Sénégal de la zone rouge (Entretien)
Dr Kébé, quel est votre commentaire après la publication du rapport du Transparency International, classant le Sénégal dans la zone rouge ? 
Le Sénégal a un score de 45 sur 100, le même score depuis 4 ans. On note que le Sénégal n’avance pas. Même Transparency International note dans son rapport qu’aussi bien le Sénégal que la Côte d’Ivoire, depuis qu’il le dit, ils sont en stagnation entre 2012 et 2016. Parce que pendant cette période, ils ont renforcé le cadre réglementaire de lutte contre la corruption. On n’a vu le vote du code de Transparency de l’UEMOA, le vote de l’Ofnac, le vote de la déclaration de patrimoine et bien d’autres lois qui sont votées, qui sont venues renforcées le cadre réglementaire du cadre le lutte contre la corruption. Mais depuis 2016, le Sénégal n’a pas évolué, parce que depuis cette année, aucune nouvelle loi n’a été votée, aucun texte n’est venu renforcer le cadre réglementaire du pays. Ce qui fait que le Sénégal a stagné pendant ces quatre (4) ans. 
Faut-il prendre au sérieux ce classement ? 
L’IPC ne souffre d’aucune illégitimité. Même les pays les plus développés se réfèrent sur cet outil. L’étude de l’IPC est une perception. Transparency International elle-même, prend des sources au niveau des organisations internationales dont on ne doute pas de leur crédibilité, comme la Banque Mondiale. L’IPC constitue aujourd’hui, le premier outil au niveau mondial qui permet de classer les pays au niveau de la corruption. Transparency International, sur ce sujet, est la référence mondiale. Et même la convention des Nations Unies qui regroupe l’ensemble des pays qui lutte contre la corruption, se base même sur Transparency International pour faire la promotion de l’audit, mais également pour produire des données régulièrement pour mesurer la corruption au niveau mondiale. 

Transparency International, dans la collecte des données, se base sur des sources fiables notamment des organisations internationales. Pour qu’une institution soit retenue comme source, il faut que l’institution intègre d’abord dans son évaluation les risques de corruption. Il faut que la méthodologie de l’institution soit validée avec Transparency, que l’organisation soit une organisation réputée, que l’institution fasse également un classement au niveau du score, que la publication des résultats soit de manière régulière ». 

Que veut dire être dans la zone rouge de l’IPC ? 
La zone rouge, c’est juste une question de moyenne. Comme l’échelle est de 0 à 100, donc si vous avez moins de 50, vous êtes sur la zone rouge. Dans la grille de notation, on a affiché des couleurs, quand c’est jaune, cela veut dire que c’est Ok, on est proche de 100, quand ça commence à changer de couleur, de rouge jusqu’à devenir marron, là on va vers le bas. Donc, la zone rouge, c’est à partir de 0 à 50 et veut qu’on n’a pas de moyenne. 

Quels sont les critères qu’il faut pour dire que tel pays est corrompu ? 
J’ai vu qu’on a voulu faire dans l’analyse le bilan de la gouvernance dans le pays, alors que l’IPC n’est qu’un aspect de la gouvernance. Si l’on prend la gouvernance de manière générale, on peut dire qu'il faut qu’il ait de la transparence, de la recevabilité, de l’équité, de la participation et de l’intégrité. C’est dans ce dernier principe qu’on peut ranger la corruption. Donc, de ce point de vue, la corruption n’est qu’un aspect de la gouvernance. 

Vouloir analyser l’IPC cette année et intégrer tous les aspects de la gouvernance dans cette analyse, à mon avis, on fait fausse route. Si on veut analyser l’IPC dans ce pays, il faut qu’on s’intéresse au cadre réglementaire. Et, comme l’a noté Transparency dans son rapport, depuis que le Sénégal a accepté de faire des avancées dans le sens du cadre réglementaire de la corruption, le Sénégal n’a pas avancé. 

L'analyse de la corruption, dans le cadre de l'IPC, doit se faire sur la base du cadre réglementaire de lutte contre la corruption (prévention et répression), les scandales révélés, qui sont avérés ou supposés. Tous les cas de scandales qu’on a avancés, comme l’affaire Aliou Sall qui est pendante devant la justice, il ne pourrait pas venir interférer sur le calcul de l’IPC. Ceux qui calculent l’IPC ne font pas de l’ingérence. Ils ne peuvent pas anticiper sur les résultats de la justice.
Ousmane Sonko a notamment cité l’affaire Aliou Sall et Cheikh Oumar Hann en accusant le Président Macky Sall d’être l’Alpha et l’Oméga du système de la corruption ? Faut-il prendre en compte ces cas précités ?

Le Sénégal n’a pas fait l’objet d’analyse particulière dans ce nouveau rapport de Transparency international. Ceux sont les acteurs du pays qui viennent analyser pour dire que les raisons qui sont évoquées au niveau national, pour dire que c’est ce qui expliquent le score du Sénégal cette année, ces raisons ne se trouvent pas dans le rapport de Transparency. Libres aux acteurs de chaque pays de commenter les résultats. Pour cela, les commentaires doivent intégrer un certain relativisme sur les raisons qui expliqueraient tel ou tel score.

Quelles recommandations faites-vous au gouvernement ? 
Les pays qui ont fait une grande avancée cette année dans l’IPC, sont des pays qui ont fait un effort dans le cadre du financement des campagnes électorales. Si le Sénégal veut sortir de la zone rouge, il doit essayer de réglementer le financement des partis politiques dans un premier temps, le financement des campagnes, dans un second temps. S’il n’y a pas de lois dans ce sens, le ministre qui se prête dans la campagne électorale peut détourner des millions afin de les dépenser dans la campagne, ainsi que les Directeurs généraux (Dg) et autres autorités. Le Sénégal doit également faire des efforts en termes d’accès à l’information pour améliorer son score. 

Aminata Diouf

Lundi 27 Janvier 2020 - 15:17


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