Des dizaines de milliers de personnes étaient réunies, ce samedi matin, sur la place Meskel pour écouter Abiy Ahmed. C'est la première fois que le Premier ministre prononçait un discours public à Addis Abeba, depuis sa prise de fonctions.
Selon les témoignages de journalistes présents sur place, une faible détonation a été entendue juste après son allocution, prononcée derrière un pupitre surmonté d'une épaisse vitre. Les services de sécurité savaient donc ce rassemblement à hauts risques.
Abiy Ahmed était en train de saluer la foule, et avait donc quitté la protection de son pupitre vitré. Selon un organisateur, une bagarre a alors éclaté non loin, en contrebas de la scène. Plusieurs policiers tentaient de maîtriser un homme. Celui-ci tenait une grenade, toujours selon ce témoin. Il aurait tenté de la lancer sur scène - donc sur le chef du gouvernement. C'est probablement à ce moment qu'elle aurait explosé et fait des victimes.
Il y a ensuite eu un mouvement de foule. Certaines personnes sont montées sur scène. Le Premier ministre avait été évacué. Ils ont chanté des slogans hostile au TPLF, le parti de la coalition accusé de monopoliser pouvoir et bénéfices de la croissance économique depuis 27 ans. Beaucoup d'activistes l'accusent d'ailleurs déjà de cette tentative. Un militant proche de ce parti se demande au contraire si tout cela n'est pas une manipulation du pouvoir actuel.
Des suspects arrêtés
C'est évidemment beaucoup trop tôt pour démêler le vrai du faux. Quoiqu'il en soit l'enquête a vite avancé : 6 suspects ont été arrêtés et 9 responsables des polices fédérale et locale sont aussi interrogés, dont le numéro deux des forces de l'ordre de la capitale.
Dans une déclaration rapportée par un média proche du pouvoir, le Premier ministre a dénoncé, sans donner de détails, un incident planifié par des groupes cherchant à discréditer son programme de réformes.
Premier chef de gouvernement issu de l'ethnie oromo et perçu comme un réformateur au sein de la coalition au pouvoir en Ethiopie depuis 1991, Abiy Ahmed n'a cessé de bousculer les lignes, depuis sa prise de fonctions. Libération de pans entiers de l'économie, remaniement du secteur sécuritaire, intention affichée de faire enfin la paix avec le voisin éryhréen... autant d'annonces spectaculaires qui peuvent nourrir de fortes résistances internes.
Deux hypothèses privilégiées
René Lefort, chercheur indépendant sur l'Ethiopie, privilégie à ce stade deux hypothèses, tout en insiste sur le caractère spéculatif de celles-ci. « Ce que disent la plupart des observateurs, c’est que les anciens maîtres du pays - c’est-à-dire essentiellement l’élite tigréenne qui tenait l’appareil sécuritaire, militaire et économique - seraient décidés à tout faire pour faire tomber Abiy ou rendre son gouvernement totalement inefficace. »
Une hypothèse à laquelle ne croit pas le chercheur, parce que « ce groupe est extrêmement divisé », explique-t-il, et d’autre part, parce que si ce groupe était derrière cette opération, « il aurait pu la mener de façon beaucoup plus dramatique, parce que beaucoup plus professionnel », analyse René Lefort.
« Mon hypothèse, à ce stade – et je le répète : il s’agit de spéculations – c’est qu’il s’agit d’un groupe de desperados, des gens qui sont mécontents des réformes décidées par Abiy et qui ont, là, tenté quelque chose, poursuit ce spécialiste de l’Ethiopie. Si cette deuxième hypothèse est vraie, elle n’aura pas de grandes conséquences politiques. Mais si par contre c’est la première hypothèse qui se confirme, les conséquences politiques vont être absolument énormes. »
L'Union africaine, l'Union européenne, les États-Unis ont condamné cette attaque qualifiée de « lâche » par Moussa Faki Mahamat. Plus étonnant, l'Érythrée voisine a également condamné cet acte de violence.
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