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La Libye prêche sa bonne parole à Genève

Le chargé d’affaires libyen en poste à Genève a rappelé les revendications de Tripoli et a accusé la Suisse de ne pas vouloir négocier. Le DFAE a vivement réagi



La Libye prêche sa bonne parole à Genève
Ibrahim Aldredi, le chargé d’affaires libyen auprès de l’ONU à Genève, est sorti du bois. Pour la première fois depuis l’arrestation d’Hannibal Kadhafi en juillet 2008, qui a déclenché la crise entre Berne et Tripoli, il parle. Visiblement mal à l’aise devant les médias venus l’écouter au 18e étage de l’Intercontinental, il a rappelé les revendications, connues, de Tripoli et n’a pas manqué de décocher des flèches contre la Suisse. Que se passe-t-il avec Max Göldi, censé purger une peine de quatre mois derrière les barreaux d’une prison libyenne? «Notre justice, indépendante, décidera de son sort», a-t-il déclaré. Avant de dire, à propos de l’évocation d’une grâce de Mouammar Kadhafi, que «tout est possible».

Cette conférence de presse intervient alors que l’ambassadeur libyen accrédité auprès de l’ONU à New York s’est livré à un exercice similaire quelques heures plus tôt. Idem à Londres. Doit-on y voir un besoin pour la Libye de se justifier alors qu’elle subit des pressions de l’UE? Certains le croient. Mais Tripoli n’est pas vraiment dans une situation de faiblesse: la Libye peut se targuer d’avoir obtenu des excuses américaines après les propos d’un porte-parole du gouvernement qui s’est moqué de l’appel au djihad lancé par Mouammar Kadhafi contre la Suisse (LT du 11.03.2010). Voilà qui ressemble plutôt à une vaste opération de relations publiques, dictée par le colonel Kadhafi. «La diplomatie libyenne a actuellement le vent en poupe. Elle se lance pour marquer son territoire sachant que la marge de manœuvre de la Suisse, avec un ressortissant en prison, est étroite», commente Hasni Abidi, le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen.

Jeudi, Ibrahim Aldredi a commencé par lire un communiqué retraçant les principaux épisodes de l’affaire. Le traitement infligé à Hannibal Kadhafi? Il est comparé à celui utilisé «contre les terroristes, les trafiquants de drogue et les gangs de vols armés». Le chargé d’affaires accusera ensuite la Suisse de ne pas coopérer et de ne pas avoir réagi «avec de bonnes intentions». Il a aussi assuré, à propos de Rachid Hamdani et de Max Göldi, dont «l’affaire n’a rien à voir avec l’arrestation d’Hannibal Kadhafi», que l’ambassade de Suisse à Tripoli «leur a interdit d’assister aux délibérations (de leur procès, ndlr)». Et qu’elle «ne leur a pas permis de sortir de ses bâtiments alors que l’un, acquitté, pouvait quitter le pays, et que l’autre devait purger sa peine».
Une manière d’affirmer que Rachid Hamdani aurait pu quitter la Libye bien plus tôt. Voilà qui a de quoi irriter les diplomates suisses. Interrogé, le Département fédéral des affaires étrangères sort de son silence et «rejette les reproches publiquement exprimés par la Libye». Il souligne que Berne a «toujours rempli ses obligations dans les accords passés avec la Libye». Et que la Suisse, appuyée par la présidence espagnole de l’UE et par l’Allemagne, est toujours prête à négocier pour trouver une solution constructive.

A l’heure des questions, le chargé d’affaires a rappelé les revendications libyennes: instaurer un organe d’arbitrage composé de trois représentants d’Etats tiers et punir les responsables de l’arrestation d’Hannibal, de même que ceux qui ont permis la publication de ses photos d’identité judiciaire dans la Tribune de Genève. Rappelons qu’après la signature de l’accord à Tripoli en août 2009, c’est bien la Libye qui n’a pas respecté les clauses. Le kidnapping peu de temps après des deux otages suisses lors d’une visite à hôpital a poussé la Suisse à suspendre l’accord.

Dernière revendication: la Suisse doit renoncer à sa «liste noire» de Libyens interdits de Schengen. En quoi heurte-t-elle Tripoli?, demande un journaliste. Avant de parler d’«humiliation», Ibrahim Aldredi a jugé nécessaire d’énumérer environ 30 noms sur les quelque 180 que contiendrait la liste. Parmi eux, les membres de la famille Kadhafi et les ministres de la Défense, de la Santé ou des Affaires étrangères, le fameux Moussa Koussa, que Micheline Calmy-Rey a rencontré à Madrid, le 18 février, sous médiation espagnole.

Pas un mot par contre sur le fait que sept millions de Suisses sont persona non grata en Libye depuis juillet 2008… La TSR affirmait d’ailleurs hier qu’au moins une cinquantaine de travailleurs étrangers ont été arrêtés en Libye, en même temps que Max Göldi et Rachid Hamdani, principalement parce qu’ils étaient employés par des sociétés suisses. Un ingénieur bulgare aurait été emprisonné durant trois mois. Durant la conférence, le chargé d’affaires se faisait parfois souffler les réponses par un homme qui disait être son «assistant». Ce dernier a aussi répondu à sa place et a souvent repris l’interprète. L’appel au djihad? L’«assistant» corrige l’interprète qui parle de «guerre sainte». Il le traduit par «embargo économique». «Cette décision n’a aucun lien avec l’affaire évoquée. C’est une réaction au vote anti-minarets», souligne-t-il. On n’en saura pas plus. A la fin de la conférence, Ibrahim Aldredi a encore répondu durant quelques secondes aux médias. Mais il était visiblement pressé de fuir les journalistes.

Le Temps.ch

Vendredi 12 Mars 2010 - 19:14


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