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Le Nil, source de toutes les convoitises.



Un accord signé vendredi par l’Ethiopie, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie remet en cause la répartition historique très favorable à l’Egypte et au Soudan. La stratégie de blocage égyptienne n’est plus tenable



Le Nil, source de toutes les convoitises.


«La dernière bataille», «déclaration de guerre»; «mobilisation générale»: l’Egypte, dont la survie dépend largement du Nil, a réagi de manière épidermique à la signature vendredi par quatre pays riverains (Ethiopie, Ouganda, Rwanda et Tanzanie) d’un nouvel accord unilatéral de partage des eaux du fleuve. Le ministre des Ressources hydrauliques, Mohammed Allam, a ajouté une dimension dramatique à l’événement en interrompant un voyage en Europe pour rentrer précipitamment en Egypte, tandis que Le Caire convoquait en urgence une réunion extraordinaire des pays riverains à Alexandrie.

L’Egypte ne peut pourtant pas feindre la surprise: cela fait plus de dix ans que les pays en amont du fleuve, notamment l’Ethiopie et le Kenya, réclament en vain une révision du traité de partage des eaux du Nil. Elaboré en 1929, à l’époque de l’occupation britannique, amendé au moment des indépendances africaines, l’accord est très favorable aux deux pays en aval: l’Egypte (55 milliards de m³) et le Soudan (18 milliards) bénéficient en effet de près de 90% du volume annuel du fleuve. Le traité octroie en outre au Caire un droit de veto sur tous les travaux susceptibles d’affecter son débit. En 1978, le président égyptien Anouar el-Sadate avait ainsi menacé de bombarder l’Ethiopie si les travaux d’un barrage n’étaient pas interrompus. ¬Addis-Abeba avait cédé.

Pour l’Egypte, c’est une question vitale: 95% de ses ressources en eau proviennent du Nil et les experts redoutent déjà un début de pénurie d’ici à une dizaine d’années. A l’inverse, fait-on valoir au Caire, les pays d’Afrique centrale bénéficient de pluies abondantes, dont une grande partie se perd dans les ¬marécages inexploités. Avant de demander à l’Egypte de faire des efforts, ajoute-t-on, il faudrait commencer par rationaliser l’utilisation de l’eau dans ces pays.

Face à l’inertie du Caire, qui refusait jusqu’alors de négocier la moindre goutte de son quota, les quatre «dissidents» – ils pourraient être bientôt rejoints par le Kenya – sont donc passés à l’offensive. Le nouvel accord a été aussitôt qualifié «d’illégal» par l’Egypte, qui a lancé une campagne de lobbying auprès des pays susceptibles de financer la construction de barrages. L’Ethiopie à elle seule envisage d’en construire une quarantaine pour irriguer de nouvelles terres agricoles et produire de l’électricité. «Le partage actuel est tellement favorable à l’Egypte qu’elle n’a pas tellement d’autre choix que faire le dos rond pour gagner du temps, décrypte un diplomate européen au Caire. Compte tenu de son poids économique et géopolitique, il est peu probable que les grands bailleurs de fonds financent des projets qu’elle désapprouve et qui violent la légalité internationale.»

L’Egypte a pourtant quelques raisons de s’inquiéter. Outre l’attitude imprévisible de la Chine, de plus en plus présente en Afrique, elle soupçonne aussi Israël, qui finance déjà des projets hydrauliques en Ethiopie et en Ouganda, de chercher à la déstabiliser. «Israël n’hésitera pas à conseiller à l’Ethiopie de construire des barrages», a récemment accusé Mohammed Allam, rappelant que 80% de l’eau qui coule au Caire provient du Nil Bleu, dont la source est en Ethiopie. Le Caire s’inquiète aussi d’une probable sécession du Sud-Soudan, où un référendum d’autodétermination est prévu l’an prochain. Or, une partition du Soudan pourrait notamment remettre en cause le projet du canal de Jonglei, censé améliorer le débit du Nil Blanc.

Face à des paramètres qu’elle maîtrise de moins en moins, l’Egypte a compris que sa stratégie de blocage ne sera pas longtemps tenable. Passé les premières imprécations, les pays africains ont d’ailleurs peut-être déjà obtenu ce qu’ils voulaient. Après avoir exclu le recours à un arbitrage international, Le Caire envisage désormais, selon Mohammed Allam, «d’ouvrir la porte aux négociations pour revoir les clauses litigieuses» du traité de 1929. «Il faut sauver ce qui peut l’être», commente, résigné, le quotidien Al-Masry al-Youm.

Le temps.ch

Mercredi 19 Mai 2010 - 12:33


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