A chaque fois que se profile une élection, c’est la même chose remarque cette experte de l’ONU de passage en Tanzanie, en août dernier. Des enfants albinos sont enlevés comme cela vient de se produire dans le nord du pays où des hommes armés ont arraché à sa mère qu’ils ont frappée à coups de machette, un petit garçon de 18 mois. Le corps sans vie et mutilé de l’enfant vient d’être retrouvé. Sa sœur de 3 ans, albinos elle aussi, a été placée sous la protection de la police. Fin décembre, une fillette de 4 ans a également été kidnappée dans une région voisine et, malgré l’appel de la police et la mobilisation de la population pour la retrouver, personne ne l’a revue depuis.
Réussite et bonheur
Ces disparitions semblent avoir un lien avec les élections comme le remarquait l’employée de l’ONU. Il est de notoriété publique en Tanzanie, mais dans d’autres pays également (Côte d’Ivoire, Mali, Burundi, Kenya…), qu’à l’approche des élections, des candidats se tournent volontiers vers la sorcellerie pour accroître leurs chances de l’emporter. Or, les prochaines élections générales tanzaniennes se tiendront en octobre 2015. Pour les plus superstitieux et les moins scrupuleux, la tentation peut être forte de recourir à des sacrifices humains.
Selon l’ONU, au moins 74 albinos ont été tués en Tanzanie depuis 2000. Les criminels qui enlèvent ces enfants les démembrent et en revendent la tête, les membres, les organes génitaux pour des centaines de dollars chacun. Un corps entier peut se monnayer jusqu’à 75 000 dollars (65 000 euros). Les albinos sont particulièrement visés, car on attribue dans certaines régions, des pouvoirs magiques à leurs organes. Les sorciers les utilisent ainsi pour préparer des potions vendues à prix d’or puisqu’elles sont censées apporter bonheur et réussite.
L’albinisme, qui est dû à des facteurs génétiques, se caractérise par une absence totale de pigmentation de la peau, du système pileux et de l’iris des yeux. En Occident seule une personne sur 20 000 est concernée, en Afrique une sur 4 000 et en Tanzanie, une sur 1 400. D'après des associations regroupant des albinos, ils seraient plus de 100 000 dans ce pays d’Afrique orientale.
La chasse aux yeux rougis
La répétition des attaques a finalement conduit les autorités tanzaniennes à interdire la sorcellerie tout récemment, en janvier 2015. Par ailleurs, une opération baptisée « En finir avec les meurtres d’albinos » a été lancée dans les provinces du nord les plus touchées. Mais cela ne suffira peut-être pas à endiguer ces croyances occultes et les pratiques criminelles qui les accompagnent. Peu confiants dans les forces de l’ordre, des habitants des régions situées près de la frontière entre la Tanzanie et le Burundi se sont lancés à la poursuite des prétendus sorciers pour les punir eux-mêmes.
Selon un rapport publié en 2012 par une ONG tanzanienne, le LHRC (Centre des droits de l’homme et des droits juridiques), une croyance dans la région veut que les yeux rougis soient une marque de sorcellerie. En réalité, il s’agit plus prosaïquement d’un signe d’irritation chez les femmes qui, pour cuisiner, utilisent de la bouse de vache en guise de combustible. Une méprise terrible qui a valu à 3 000 personnes, en majorité des femmes âgées, d’être lynchées entre 2005 et 2011. En moyenne, précise le LHRC, ce sont 500 personnes chaque année qui sont ainsi tuées à cause de leurs yeux rougis parce qu’elles sont soupçonnées d’être des sorcières.
Le coordinateur des Nations unies en Tanzanie, Alvaro Rodriguez a promis son aide au pays pour mettre fin à ces pratiques tout en pressant les autorités de donner à ce dossier « la plus haute priorité ».
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