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Le prix du rêve — quand la jeunesse se perd sur la route de la réussite (Par Marie Barboza MENDY)



ChroniqueRegards croisés d’une Franco-Sénégalaise
 
 
 
Il s’appelait Cheikh Touré. Un nom parmi tant d’autres. Un visage d’espoir, un fils du pays, un rêveur comme des milliers d’autres jeunes Sénégalais. Il voulait simplement réussir, trouver sa place dans un monde qui, trop souvent, ferme ses portes à ceux qui n’ont pas les bons codes, les bons diplômes ou les bons réseaux.
 
Mais Cheikh n’est plus. Il a été tué au Ghana, loin de sa terre, loin des siens, dans l’indifférence d’un système qui ne sait plus quoi faire de sa jeunesse.
Et moi, aujourd’hui, je pose cette question : combien de Cheikh faudra-t-il encore pour que nous comprenions ?
 
Le rêve, le piège, le drame
On pousse nos jeunes à rêver. On leur dit : “Travaille dur, tu réussiras.” Mais que reste-t-il de cette promesse quand les bancs de l’université débordent, quand les concours sont verrouillés, quand les entreprises ferment ou n’embauchent que par piston ? Alors, la jeunesse s’étouffe. Elle cherche des échappatoires. Elle part. Par les routes de la mer, par les routes du désespoir, ou par les mirages d’une “réussite à tout prix”.
Et pendant que nous détournons le regard, le drame devient banal, le découragement normalisé, et la mort une statistique.
 
 Une société en faillite morale
Nous aimons dire que “la jeunesse est l’avenir de la nation”. Mais quel avenir offrons-nous à cette jeunesse ? Un avenir d’attente, de précarité, de survie ? Nos discours officiels brillent de promesses, mais les actes, eux, peinent à suivre.
Les politiques jonglent avec des slogans. Les institutions organisent des forums. Les parents répètent les vieilles formules du courage et de la patience.
 
Mais la jeunesse n’a plus le luxe d’attendre.
Et derrière chaque “succès story” mise en avant sur les réseaux sociaux, combien de vies brisées, combien de frustrations silencieuses, combien de rêves qui s’éteignent dans l’ombre ?
 
 Le manque de repères, la perte du sens
Les jeunes ne manquent pas d’ambition. Ils manquent de repères. Ils manquent de modèles cohérents, de discours crédibles, de leaders inspirants. Dans une société où la richesse rapide vaut plus que l’effort patient, où la visibilité remplace la valeur, où le “paraître” supplante l’être, comment s’étonner que beaucoup se perdent ? Quand la dignité ne paie plus, la tentation de la facilité devient une arme fatale.
Les réseaux sociaux amplifient cette illusion : on y montre la réussite sans raconter les sacrifices, on y affiche le bonheur sans évoquer le vide.
Et pendant ce temps, nos jeunes se comparent, s’épuisent, s’égarent.
 
 Responsabilités partagées
Les parents, parfois, veulent trop bien faire : ils projettent leurs rêves sur leurs enfants, sans écouter les leurs. Les autorités, souvent, ferment les yeux : elles gèrent les crises au lieu de les prévenir. Et nous, la société, nous jugeons vite et nous accompagnons peu.
 
Nous avons collectivement failli. Parce que nous avons laissé une génération entière croire qu’elle ne vaut que par ce qu’elle possède, non par ce qu’elle est. Parce que nous avons cessé d’enseigner la patience, la rigueur, la dignité, la foi en soi et en Dieu — pas la foi des mots, mais celle des actes et du sens.
 
 Une interpellation
La mort de Cheikh TOURE n’est pas un simple fait divers. C’est un symbole, un signal d’alarme, un miroir brisé de notre société. Nous devrions tous avoir honte — et surtout, envie de changer.
Honte de laisser des jeunes mourir pour une vie meilleure.
 
Honte de promettre des horizons sans construire de routes.
Honte d’applaudir la réussite sans bâtir la solidarité.
 
 L’espérance malgré tout
Mais de ce drame, je veux aussi tirer un espoir. Car la jeunesse sénégalaise, africaine, mondiale, reste une force inépuisable. Elle invente, elle crée, elle s’adapte. Elle porte encore les valeurs de courage, d’ingéniosité et de partage.
 
Ce qu’il lui faut aujourd’hui, ce ne sont pas des discours — ce sont des espaces, des chances, des voix. Des lieux où elle puisse rêver sans mourir, s’exprimer sans peur, agir sans être freinée.
 Et si on changeait de paradigme ?
 
La vraie réussite n’est pas celle qu’on exhibe, mais celle qu’on incarne. Réussir, ce n’est pas dominer : c’est construire, élever, transmettre. Et si chaque adulte, chaque leader, chaque parent prenait une heure pour écouter un jeune, sincèrement ? Et si chaque gouvernement investissait autant dans la formation et l’emploi que dans les campagnes politiques ? Et si, enfin, nous cessions de fuir nos responsabilités derrière les mots ?
 
Cheikh Touré, ton nom ne doit pas s’ajouter à la liste des martyrs de l’espoir. Il doit devenir un témoin, un réveil, une voix posthume qui rappelle à nos consciences que la jeunesse n’est pas un problème à gérer, mais un trésor à protéger.
“Parce qu’il n’y a pas de plus grand drame qu’un rêve qui meurt avant d’avoir vécu.”
 
Marie Barboza MENDYRegards croisés d’une Franco-Sénégalaise
mendymarie.b@gmail.com
TEL. 78 291 83 25
 


Mercredi 5 Novembre 2025 - 21:39


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