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Les expulsions de migrants aux États-Unis: quatre questions pour comprendre

Les images d'expulsions de cohortes de migrants supposément illégaux des États-Unis ont fait la Une des médias dans le monde entier. Des déportations massives mises en scène afin de frapper les opinions publiques, notamment des pays d'émigration, mais aussi l'opinion locale. Il s'agit de conforter l'image d'un président, Donald Trump, qui fait ce qu'il a annoncé qu'il ferait, à savoir lutter contre l'immigration, en expulsant massivement les migrants, quitte à s'affranchir de l'État de droit.



► Quels sont les motifs d'expulsion, conformément à la législation en vigueur ?
 
Les expulsions pour violation des lois sur l'immigration : sont expulsables les immigrants qui tentent de commettre une fraude en matière de visa, de falsifier des documents d'immigration ou de mentir lors des entretiens de visa ou d'immigration.
 
Les expulsions pour violation du statut d'immigration : lorsqu'une personne se trouve aux États-Unis sans papiers ni autorisation légale ou viole les conditions de son visa, elle peut être expulsée pour violation de son statut d'immigration.
 
Les expulsions pour rentrée illégale : elles concernent les personnes qui sont rentrées illégalement aux États-Unis après avoir été expulsées risquent une deuxième expulsion. Il existe cependant des recours administratifs.
 
Les expulsions pour infractions pénales, c'est-à-dire homicide, trafic de drogue, extorsion, viol ou abus sexuel, pornographie juvénile, blanchiment d'argent et traite des êtres humains. Des délits qui peuvent être combinés avec les précédents.
 
► Quels sont les principaux types d'expulsions ?
 
Les expulsions ordinaires se font sur la base d’un arrêté d’expulsion délivré par un juge. La plupart des expulsions se font dans le cadre d’une procédure judiciaire d’immigration au cours de laquelle un juge du tribunal de l’immigration décide si le migrant doit quitter les États-Unis. Ses critères pour décider de son expulsion sont : un séjour aux États-Unis qui s'est prolongé au-delà de la durée du visa, l'absence de papiers, des infractions pénales. Cette expulsion fait donc l'objet d'une procédure judiciaire.
 
Les expulsions express. Les personnes entrées dans le pays sans passer par le contrôle de l’immigration ou qui ne remplissent pas les conditions d’entrée ou de séjour peuvent être expulsées rapidement. L’expulsion est effectuée dans le cadre d’une ordonnance d’expulsion accélérée. Elle ne fait pas l'objet d'une audience préalable devant un tribunal de l'immigration, sauf si le migrant demande l'asile. Elle s’applique généralement aux étrangers appréhendés à 100 miles (160 km) ou moins de la frontière, ou dans les 14 premiers jours suivant leur arrivée sans documents valides. Cependant, l’administration actuelle a élargi ce champ d’application et l’applique désormais aux personnes qui se trouvent dans le pays sans papiers depuis deux ans au maximum.
 
Les migrants ont la possibilité d'éviter l'expulsion, ordinaire ou express, en acceptant en quelque sorte de repartir d'où ils viennent. Ils se déclarent volontaires pour repartir. C'est une procédure mise en œuvre notamment dans le cas de migrants capturés tout près de la frontière ou qui viennent de la franchir. Ils repassent la frontière par leurs propres moyens, sans faire l'objet d'une procédure d'expulsion, ce qui n'entravera pas une demande ultérieure de visa.
 
► Entre leur arrestation et leur expulsion, que deviennent les migrants ?
 
Près de 48 000 personnes étaient détenues par le Service de l’immigration et des douanes, l'ICE, la police de l'immigration, en date du 6 avril 2025, selon l’organisme TRAC. Le Texas et la Louisiane comptaient le plus de détenus dans leurs centres d’immigration. Un ressortissant étranger détenu peut rester dans un centre de détention jusqu’à la date de son audience devant le tribunal de l’immigration ou jusqu’au jour de son expulsion. Il reste localisable via les services de l'ICE. La plupart de ces centres de détention sont privés et les transferts d'un État à l'autre sont fréquents. Un migrant arrêté en situation irrégulière dans un État peut être transféré dans un autre État avant d'être auditionné sur place. Cela complique notoirement le travail des avocats.
 
Deux administrations coiffent ces questions d'immigration et de contrôle des frontières, le DHS, le département de la Sécurité intérieure, et l'ICE, Immigration and Customs Enforcement, qui dépend du premier. Thomas Homan, ancien directeur de l'ICE et surnommé « le tsar des frontières » par la presse états-unienne, tenant d'une ligne dure sur l'immigration, s'est vu confier par Donald Trump le dossier brûlant du contrôle de l'immigration aux frontières.
 
Voilà pour le cadre légal, mais l'administration s'affranchit de la loi, du cadre légal, passant outre les décisions des juges, expulsant le migrant avant que le juge du tribunal de l'immigration saisi du dossier puisse rendre un avis. Y compris des migrants en situation régulière ou encore des enfants, nés aux États-Unis et donc Etats-uniens.
 
Ce fut le cas la semaine passée pour au moins deux familles arrêtées en Louisiane, des mères en situation irrégulière avec leurs enfants dont trois (âgés de 2, 4 et 7 ans) avaient la nationalité américaine : les familles ont été placées à l'isolement par l'ICE, sans la possibilité de voir un avocat, et expulsées, peut-on lire sur le site de l'ONG National Immigration Project qui défend les droits des migrants. Dans le cas de la petite fille de deux ans, le père avait déposé un recours qui n'a pas été examiné. Et le petit garçon de quatre ans est atteint d'un cancer. Le droit américain interdit d’expulser vers l’étranger un ressortissant des États-Unis, rappelle le juge Terry Doughty, en charge du dossier.
 
Autre cas qui a fait grand bruit est celui du Salvadorien, Kilmar Abrego Garcia, présent lui légalement sur le sol des États-Unis. Arrêté à la mi-mars dans le Maryland, sans motif, il a été immédiatement transféré dans un centre pénitentiaire salvadorien en dépit d’une décision contraire d’un juge fédéral.
 
L'administration met aussi en situation de grande fragilité des étrangers en annulant des autorisations de séjours, en révoquant des visas comme ceux des Sud-Soudanais (accusant le pays africain de ne pas reprendre ses citoyens visés par une mesure d’expulsion) ; en déclarant des migrants morts de sorte qu'ils perdent leurs droits à la protection sociale ; en invoquant une loi de 1798 (Alien Enemies Act) pour expulser de supposés mafieux vénézuéliens ; ou encore en supprimant des programmes comme celui mis en place en 2023 par le précédent gouvernement du président Joe Biden, qui permettait aux Cubains, aux Haïtiens, aux Nicaraguayens et aux Vénézuéliens de séjourner aux États-Unis pour deux ans en raison de la situation des droits humains dans leurs pays. Concernant les autorisations de séjour de plusieurs milliers d'étudiants étrangers qui avaient été annulées, on a appris vendredi 25 avril que l'ICE, qui gère la base fédérale de données sur les étudiants étrangers (Sevis, le système d’information sur les étudiants et visiteurs d’échange), va annuler les mesures de révocation précédentes et restaurer les visas affectés. 
 
Nombre de juges fédéraux tentent de bloquer la machine administrative. Ainsi, le 14 avril, la juge Indira Talwani de Boston a empêché la révocation du statut légal des plus de 500 000 immigrés Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens. Sans cette suspension, ils auraient dû quitter le pays d’ici au 24 avril, soit trente jours après la promulgation du décret y mettant fin.
 
Des recours qui tendent les relations entre l'administration et l'institution judiciaire, au point que le 25 avril dernier, le FBI a arrêté la juge Hannah Dugan, dans le Wisconsin, pour entrave à l’arrestation d’un migrant. « Je me moque de ce que les juges pensent, je m'en moque », a déclaré en mars dernier Thomas Homan invité sur Fox News, parce que la politique de Donald Trump fait que les États-Unis sont un pays plus « sûr ».

RFI

Jeudi 1 Mai 2025 - 11:37


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