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Les flux migratoires des Africains restent à l’intérieur du continent, l'Europe loin d'être envahie



Crédit OIM Italie
Crédit OIM Italie
Du 15 au 16 mars 2023, une conférence internationale pour « améliorer le récit de la migration en Afrique du Centre-Ouest et en Europe » a été organisée à Rome en Italie par le Bureau de Coordination pour la Méditerranée de l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) dans le cadre du projet « Aware Migrants », campagne de sensibilisation sur les risques de la migration irrégulière. Durant cette rencontre de deux jours, les organisateurs et les journalistes venus du Sénégal, Nigeria, Côte d'Ivoire, Niger, Algérie, Tunisie, Egypte, Italie, France, Grande Bretagne, Espagne, Allemagne ont souligné la nécessité pour les médias de collaborer afin de combattre les perceptions erronées sur la migration dans les deux continents.
 
Au cours des nombreuses activités avec les journalistes dans le cadre du projet, il est ressorti que d'une part les médias européens, focalisés sur les flux par la mer et sur les données d'arrivées, parlent très peu de l'Afrique et du contexte sociopolitique et de la situation économique des pays d'origine des migrants. Alors que les médias africains parlent peu de la situation des migrants en Europe, des lois qui réglementent l'entrée et le séjour sur le territoire européen et de la façon dont la migration est racontée et perçue. D'où la nécessité d'engager un dialogue et une confrontation plus étroits et plus continus entre les journaux des deux continents.
 
Dans une interview accordée à PressAfrik, la coordonnatrice du projet « Aware Migrants », Enrica Bianco est revenue sur les contours de cette activité. « Aware Migrants est un projet mis en place depuis 2016 par l'Organisation internationale pour les migrations et financé par le ministère italien de l'Intérieur. On a eu 3 phases entre 2016 et 2023. Aujourd'hui on est arrivé à la fin du projet, après 7 ans de travail ».
 
Selon elle, l'objectif du projet c'est de sensibiliser les personnes sur les risques de la migration irrégulière en Afrique. « Cette année, on a couvert plusieurs pays notamment en Afrique du Nord, de l'Ouest... Le projet a une composante particulière qui concerne les journalistes. Ils jouent un rôle spécial. On a formé à des journalistes sur la manière de faire des reportages sur la migration de façon beaucoup plus objective et éthique en faisant référence à des données réelles et fiables. On a formé plus de 400 journalistes dans les différents pays dont le but final c'est d'améliorer la narration ».
 
L’importance d’une collaboration entre médias
 
Pour Enrica Bianco, ce qui est sorti de cette formation, c'est que des journalistes ont exprimé le besoin d'établir un « mécanisme » entre l'Italie et l'Afrique parce qu'ils se rendent compte qu'en Afrique, ils n'ont pas assez de connaissances sur les réalités en Italie. Ils ont de fausses idées. Et l'Italie aussi n'a aucune idée de ce qui se passe en Afrique notamment sur les vrais facteurs qui poussent les gens à partir. « On s'est rendu compte que des gens ont une perception erronée des deux côtés de la méditerranée », a-t-elle expliqué, ajoutant que : « ce mécanisme est une sorte de pont virtuel entre les journalistes en l'Italie et ceux de l'Afrique pour les faire rencontrer. C'est ce qu'on a fait avec cette conférence. On a invité des journalistes de l'Afrique, de l'Italie et de l'Europe afin qu'ils parlent, dialoguent et échangent ensemble pour identifier les défis majeurs de la migration ».
 
L'idée finale, poursuivra la coordonnatrice, « c'est d'établir des collaborations durables, structurelles entre les deux pays. Elle a pris l’exemple du Le Soleil (quotidien gouvernemental au Sénégal) et La Reppublica de l'Italie qui vont collaborer, en échangeant les informations. « Cela veut dire que dès qu'il y aura des nouvelles sur la migration, les personnes responsables vont échanger des informations pour nourrir une narration beaucoup plus objective », a-t-elle souligné.
 
Enrica Bianco a souhaité que cette collaboration puisse s’étendre avec d’autres médias de l'Afrique et de l'Europe pour améliorer la narration. « On a constaté qu'il n'y a pas de sources fiables. L'Italie raconte la migration avec les yeux de l'Italie et l'Europe. Ça veut dire, la peur, le danger l'invasion. Du coup, il faut quand même rétablir une vérité. Il faut parler avec les migrants, parler de leur histoire. Il faut comprendre et connaître les choses. Tout comme les journalistes d'Afrique doivent connaître la réalité en Italie. Les migrants arrivent ici, mais ce n'est pas la fête. Il  y'a une méconnaissance et c'est important de donner toutes ces informations ».

Flavio Di Giacomo, porte-parole OIM Italie
Flavio Di Giacomo, porte-parole OIM Italie
Il n’y a pas d’invasion en Europe

Les participants à cette rencontre de deux jours à Rome se sont aussi penchés sur le traitement des questions migratoires par les médias occidentaux. Ils ont noté un traitement alarmiste basé sur les naufrages et les arrivées. Mais les chiffres de l’OIM ont montré que le plus grand flux migratoire des Africains reste à l’intérieur de l’Afrique. « On sait très peu à propos des dynamiques de migration. On ne parle pas du contexte économique et social. Nous sommes allés en Afrique, on a constaté que la plupart des flux migratoires reste en Afrique. Il n’y a pas d’invasion en Europe. Nous avons plutôt un flux migratoire ici. Car l’Italie a accueilli 4 millions de personnes venues d’Ukraine en 3 mois », a révélé Flavio Di Giacomo, Porte-parole de OIM Italie.

Poursuivant, M. Di Giacomo a soutenu avoir beaucoup travaillé avec les journalistes européens et africains, après avoir remarqué qu’en Italie, en ce qui concerne la migration, on ne parle que de chiffres, de naufrages par les arrivées par la mer, etc. « On n’a pas vraiment connaissance du contexte social et économique des pays africains. Et de comment la migration est vue et perçue d’Afrique. Quand je dis aux journalistes italiens, européens que la plupart des Africains migrent au sein du continent africain même; et selon des données de l’OIM 80% des migrants africains restent en Afrique même. Ils ne le savent pas, car ils croient que tous les Africains sont prêts à venir en Europe. Ce n’est pas le cas ».

De ce fait, il est donc nécessaire selon lui, de lier ces narrations d’une manière plus globale d’un phénomène socio-géopolitique du 21ème siècle et qui va rester dans le monde pour ces années à venir. « Donc les médias ont une responsabilité incroyable à jouer pour faire comprendre, soit à l’opinion publique soit à l’autorité politique, ce qu’est la migration. Et pour que puissent commencer à se mettre en place des politiques plus ouvertes à la migration régulière. Car la migration est une ressource, soit pour le pays d’origine ou le pays de destination ».

Salif SAKHANOKHO, de retour de Rome



Lundi 20 Mars 2023 - 14:51


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