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Madagascar: «L’armée a une tradition d’intervention et agit comme un arbitre lors des crises»

Alors que l'Assemblée nationale a voté la destitution du président malgache Andry Rajoelina, la Haute Cour constitutionnelle a, elle, invité le colonel Michael Randrianirina à exercer les fonctions de chef de l’État. Cela signe le retour des militaires au pouvoir, ce qui n'est pas une première. L'armée occupe une grande place dans la vie publique depuis l'indépendance malgache en 1960. Pour Josie Dominique, les forces armées ont joué un rôle récurrent et décisif dans le dénouement des luttes de pouvoir. La maîtresse de conférences à l'Université Antsiranana à Madagascar et chercheuse associée à l'Institut des mondes africains à Paris répond aux questions de Clothilde Hazard.



RFI: Ce n'est pas la première fois que l'armée s'implique dans la vie publique malgache. Quel a été son rôle sur la scène politique ?

L'armée malgache a vraiment quelque part, une tradition d'intervention bien établie dans la vie politique du pays et agit souvent comme un acteur clé, voire un arbitre lors des grandes crises. L'implication politique des forces armées remonte au mai malgache de 1972, qui a marqué leur entrée sur la scène politique. Et en fait, depuis, les forces armées sont au cœur des luttes de pouvoir. Les crises successives 1972, 1991, 2002, 2009 ont démontré cette interpénétration constante des forces civiles et militaires dans la lutte pour le pouvoir. D'ailleurs, il est courant qu'un militaire soit nommé ministre, et pas forcément ministre des Armées ou de la Défense. On a pu retrouver des membres de l'armée aux ministères de l'Environnement, des Travaux publics ou encore chef de région. On retrouve aussi des militaires DG de ministères ou dans les cabinets de certains ministères.

Est-ce qu'on peut dire qu'à chaque fois l'intervention de l'armée permet aux contestations d’aboutir ?

À chaque fois, l'armée a su se présenter comme le sauveur, dernier rempart finalement avant le chaos. l'armée est intervenue samedi et finalement pour arrêter les violences. Le colonel Michael Randrianirina l'avait bien précisé, disant que si que les grenades lacrymogènes lancées contre les manifestants ne s'arrêtaient pas, 'nous allons nous (sou)lever' (avait-il averti). Donc, ils ont vraiment fait en sorte, par exemple, de libérer la place de l'indépendance pour être accessibles aux manifestants. Et c'est ce que, au final, les manifestants ont demandé depuis deux semaines, c'est l'armée qui leur a permis d'accéder à cette place. Et en ce sens, c'est très symbolique en fait.

Qu'est-ce qui pousse l'armée à intervenir ?

L'armée elle vient du peuple. Les femmes de militaires vivent dans la société, Les militaires aussi. Ils vivent dans la société. Ils vivent le manque d'eau et d'électricité comme tout le monde. Donc les revendications sont proches des militaires. Il y a eu aussi cette frustration par rapport au monde de la gendarmerie qui a eu beaucoup d'avantages durant le pouvoir d'Andry Rajoelina, avec notamment la création dernièrement de ce ministère délégué à la gendarmerie. Donc tout ça a fait que l'armée aurait pu être à un moment frustrée de la place qu'ont pris les gendarmes dans l'arène politique et dans l'arène sécuritaire du pays.

On parle beaucoup du rôle du Capsat dont est issu le nouvel homme au pouvoirCe qu'il faut comprendre, c'est que le Capsat n'est ni un bataillon, ni un corps en particulier. En fait, il faut juste considérer aujourd'hui le Capsat comme un endroit stratégique, dans lequel il y a des réserves de l'armement de l'armée, les fusils d'assaut, les lance-roquettes et les antichars, tout ça et des munitions. Bien sûr, le dirigeant du Capsat a bien un rôle non négligeable en laissant son camp assiégé par plusieurs personnalités militaires, comme le colonel Michael Randrianirina et ses coéquipiers. Mais le groupe d'officiers de militaires qui ont pris le pouvoir du Capsat viennent de plusieurs entités militaires, donc de plusieurs corps ou de bataillons de l'armée malgache. C'est un cadre géographique et stratégique, justement.

Si on compare aux nombreux soulèvements populaires de l'histoire malgache. Quelle est la particularité du mouvement de la GenZ aujourd’hui ?

Je ne pense pas qu'il y ait eu une contestation aussi large depuis (longtemps), et les réseaux sociaux (l'ont beaucoup rendue visible). Peut-être que dans les autres années ça l'était tout autant, mais que les médias n'avaient pas vraiment enregistré ce qui se passait en province. La contestation est historiquement large parce qu'on a vu des (manifestations) à Diego, à Majunga, à Tuléar, à Tamatave, dans plusieurs provinces et régions de Madagascar donc. Et ce, depuis deux semaines. C'est vraiment quelque chose de nouveau qui fait de cette demande, de cette contestation, une contestation nationale en fait, et pas seulement Tananarivienne.


Mercredi 15 Octobre 2025 - 09:56


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