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Analyse et alerte sur l’émigration clandestine au Sénégal: un appel à la vigilance ( Par Maodo Ba Doba)



L’émigration clandestine désigne le départ de personnes vers un pays étranger sans respecter les procédures légales d’entrée ou de séjour. Au Sénégal, ce phénomène concerne principalement les jeunes qui tentent de rejoindre l’Europe, souvent par voie maritime, à bord de pirogues de fortune. En effet, depuis 2005, ces embarcations prennent la mer surtout entre juillet et octobre, période durant laquelle les eaux sont moins froides dans les zones tempérées d’Europe. Ce choix saisonnier ne diminue en rien les risques mortels de cette traversée. Cependant, nous saluons le travail remarquable des Forces de défense et de sécurité du pays, Police Nationale du Sénégal, Gendarmerie Nationale du Sénégal, et en particulier la Marine nationale Sénégalaise qui veillent à verrouiller les zones côtières de départ connues comme Saint-Louis, Kayar, Rufisque, Mbour, Yarakh, Thiaroye, Joal, Kafountine, Cap-Skirring, entre autres.

A cela s'ajoute le travail de sensibilisation de la presse et de certaines organisation de la société civile qui est non négligeable. En tant que ressortissants de la Petite-Côte et membres de la communauté Lébou, nous avons été témoins des drames humains et psychologiques causés par cette tragédie silencieuse. Ce n’est plus le moment d’être de simples observateurs. En tant que citoyens sénégalais, nous avons le devoir d’être des lanceurs d’alerte pour éviter que l’hécatombe ne se reproduise.
 
Les informations permettant d’identifier les passeurs existent au sein des communautés locales. Il est urgent d’encourager leur dénonciation, car ces individus s’enrichissent au prix de la vie de nos compatriotes. Il faut faire preuve de fermeté et tordre le cou à l’idée selon laquelle certains responsables politiques tireraient avantage de ces départs, sous prétexte que "moins de jeunes, c’est moins de problèmes". Rappelons que les migrants participent également au développement du pays à travers les transferts financiers qu’ils effectuent. Mais l’émigration clandestine repose sur des pratiques immorales et criminelles, une pirogue conçue pour 80 personnes en transporte parfois jusqu’à 300. C’est un crime. L’État doit renforcer la répression contre les organisateurs de ces voyages meurtriers.
 
Par ailleurs, nous profitons de cet article pour faire la distinction entre les différents types de migration au Sénégal.  La migration sous-régionale est dirigée vers des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Nigéria, la migration continentale vers des destinations comme le Gabon, l’Afrique du Sud ou le Maroc et la migration internationale vers l’Europe, les Amériques ou l’Asie. En parallèle, la migration transnationale, quant à elle, suit deux principales trajectoires: la route transsaharienne, passant par le désert, avec les pays du Maghreb comme zones de transit et la route atlantique, par voie maritime vers les côtes espagnoles. Face à cette réalité complexe, nous devons redoubler de vigilance, de solidarité et d'engagement pour sauver nos jeunes et préserver la dignité de notre Nation. La vie d'un migrant clandestin en Occident aujourd'hui représente une véritable humiliation pour notre Sénégal surtout en prenant les exemples des lois de Donald Trump aux États-Unis ou Bruno Retailleau en France voire la montée de l'extrême droite r@ciste.
 
Les différentes formes de migration au Sénégal sont essentiellement motivées par des raisons professionnelles, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et de l’agriculture. La première grande vague migratoire s’étend de 1945 à 1975, période des Trente Glorieuses, qui correspond à une phase de forte prospérité économique en Europe, notamment en France, pour la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Les communautés sénégalaises principalement concernées à cette époque sont les Soninké et les Foutanké. Ces groupes se sont renforcés avec les regroupements familiaux, ce qui explique leur forte présence en France, en particulier en Île-de-France.

L’objectif principal était de combler le déficit de main-d’œuvre causé par les pertes humaines liées à la guerre. La deuxième vague migratoire, apparue dans les années 1980-1990, concerne principalement les Ndiambours et les Baol-Baol, qui ont choisi l’Espagne et l’Italie comme pays de destination. Cette vague s’est également consolidée avec le regroupement familial. Ces deux premières vagues ont eu un impact positif et significatif sur l’histoire économique et sociale de l’Europe et du Sénégal dont les descendants sont les le chanteur franco-sénégalais Booba ou le footballeur sénégalais Kalidou Koulibaly. À ces groupes viennent s’ajouter d’autres ethnies sénégalaises ainsi que les familles d’étudiants, chercheurs et scientifiques, dont la migration représente une forme de "fuite des cerveaux".
 
La dernière vague migratoire regroupe les familles de pêcheurs, particulièrement touchées par les effets néfastes des accords de pêche signés par le gouvernement sénégalais dans les années 1980-1990. Ces accords ont eu un impact dévastateur sur la pêche artisanale. La raréfaction des ressources halieutiques a poussé des pêcheurs de Saint-Louis à Cap-Skirring à quitter leurs villes et tenter leur chance en Espagne, à partir du milieu des années 2000. On peut rajouter d'autres causes de la migration clandestine comme le chômage élevé, la pression familiale, l'idéalisation de l’Europe, le manque d’opportunités économiques, la surexploitation des ressources halieutiques par la pêche industrielle des bateaux européens, la mauvaise gouvernance et la corruption, ainsi que l’image du succès affichée par certains migrants sur les réseaux sociaux ou lors de leur retour au Sénégal.
 
Il est essentiel de travailler au retour des émigrants pour reconstruire le Sénégal, car la diaspora sénégalaise regorge d’expertise. L’exemple des retours d’Italiens des États-Unis dans les années 1960-50 ou de Chinois des États-Unis d'Europe et des États-Unis des années 1970-80 illustre bien l’importance d'utiliser l'expérience des expatriés combinés au compétences locales.
 
Maodo Ba Doba
 
Historien militaire contemporain,
 
Enseignant en géographie urbaine (Les mobilités nationales et transnationales)

Moussa Ndongo

Samedi 5 Juillet 2025 - 01:45


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