L’intégration. Un mot tellement usé qu’il semble avoir perdu son sens originel. Répété à l’envi dans les discours politiques, brandi comme étendard lors des crises sociales, il flotte aujourd’hui dans un brouillard d’incompréhensions et de contradictions.
En France, ce concept qui devrait forger un socle commun est devenu un terrain accidenté, où s’entrechoquent attentes républicaines et refus catégoriques d’en partager les codes.
Refus des codes : une fracture qui s’élargit
Soyons honnêtes : l’intégration n’échoue pas uniquement par manque de moyens.
Elle échoue par refus. Refus de comprendre les règles, refus de s’y conformer, parfois même refus d’admettre que ces règles existent pour tous.
Dans certains quartiers, les écarts ne relèvent plus de simples maladresses : ils deviennent des attitudes assumées, presque revendiquées. On y voit le refus de saluer une femme, signe d’un repli culturel inquiétant ; le refus de se faire consulter par un médecin homme, au détriment même de la santé ; le refus de la mixité dans les espaces publics, jusqu’à boycotter la piscine municipale sous prétexte qu’aucun créneau n’est réservé exclusivement aux femmes.
À cela s’ajoute le refus grandissant de toute forme d’autorité, qu’elle soit parentale, institutionnelle ou républicaine. Autant de signaux d’une rupture silencieuse, mais profonde, avec les règles du vivre-ensemble.
Sur la voie publique, s’ajoutent d’autres comportements qui interrogent : occupations bruyantes des halls d’immeubles, nuisances volontaires, usage agressif de l’espace, insultes envers les forces de l’ordre, refus de coopérer dans les services publics. Ces attitudes, loin d’être anodines, sont perçues comme un défi lancé à la République.
Quand l’espace public devient un champ de tensions
La destruction de biens communautaires – abribus brûlés, ascenseurs vandalisés, écoles et bibliothèques incendiées, distributeurs de boissons et de pizzas saccagés, cages d’escalier transformées en dépotoirs – témoigne d’une rupture profonde. Car la question n’est plus seulement : « Sont-ils intégrés ? ». Elle devient :« Acceptent-ils de faire société ? »
Ces biens détruits ne sont pas ceux d’un “État lointain”, mais ceux des habitants eux-mêmes : leurs écoles, leurs transports, leurs places. Dégrader le collectif, c’est refuser la responsabilité civique. C’est dire : « Je ne fais pas partie de ce “nous” ».
L’école en difficulté, la République en contradiction
L’école, supposée être le grand nivellement républicain, peine désormais à accomplir sa mission. Dans certains secteurs, le niveau chute, la discipline s’efface, et l’autorité est contestée au nom d’identités multiples ou d’interprétations religieuses mal comprises.
Paradoxalement, la République elle-même alimente les confusions. Là où les règles devraient être claires, elles deviennent hésitantes. Là où les sanctions devraient être pédagogiques, elles se font attendre. Le « laisser-faire » nourrit alors l’illusion que les règles françaises sont optionnelles, négociables, adaptables à la carte.
Comment demander aux nouveaux arrivants un effort d’adhésion si le pays d’accueil doute parfois lui-même de son propre cadre ?
Le Sénégal : miroir inversé, défis similaires
À des milliers de kilomètres, le Sénégal affronte des problématiques qui résonnent étrangement avec celles de la France. Les communautés étrangères – Libanais, Chinois, Guinéens, Européens – vivent souvent en marge, reproduisant leurs propres codes et circuits économiques. L’intégration y est parfois superficielle, limitée à la recherche d’opportunités, sans réelle immersion culturelle.
Et la diaspora sénégalaise, elle aussi, navigue dans une zone grise :
– en France, elle peine parfois à embrasser les codes de la République ;
– au Sénégal, elle est perçue comme extérieure, déconnectée du vécu quotidien.
Une double appartenance qui finit souvent en double absence.
Pays d’origine, diasporas : des responsabilités partagées
Les pays d’origine laissent filer leurs forces vives, sans véritable stratégie d’accompagnement. Pendant ce temps, certaines diasporas exportent des modèles communautaires stricts, peu compatibles avec la vie en société moderne : logiques tribales, recrutement endogène, loyautés claniques, refus de se mélanger. L’intégration n’est pas qu’un défi français : c’est un défi global.
Refonder un pacte d’habitation commune
Pour être crédible, l’intégration doit cesser d’être un slogan. Elle doit devenir une ingénierie sociale, organisée autour de principes clairs :
• Maîtriser la langue pour fluidifier les échanges.
• Comprendre les règles du pays d’accueil.
• Respecter la République avec ses principes, ses règles de vie et ses valeurs, sans les négocier.
• Renoncer aux pratiques incompatibles avec le vivre-ensemble.
• S’ouvrir aux autres au lieu de s’enfermer dans des enclaves ethniques.
• Construire un avenir commun, plutôt qu’un archipel de communautés rivales.
Le Sénégal, malgré ses imperfections, offre une leçon
La « Teranga », l’art sénégalais de l’hospitalité, montre qu’une société peut être inclusive sans se diluer. Mais le pays doit, lui aussi, veiller à ce que sa cohésion ne soit pas mise en péril par des groupes refusant l’harmonisation, l’effort commun ou la discipline sociale.
Conclusion : voulons-nous vivre ensemble ou seulement cohabiter ?
L’intégration n’est pas une faveur accordée par un pays. C’est un contrat : un engagement réciproque, exigeant, non négociable.
La France doit offrir un cadre clair et assumé. Ceux qui la choisissent doivent accepter ses codes. Et les pays d’origine doivent cesser de déléguer leurs responsabilités à la seule République.
Au fond, une question essentielle se pose à nous : voulons-nous construire une communauté de citoyens, unis par des valeurs partagées, ou accepter l’éclatement d’un pays en îlots qui s’ignorent, se côtoient sans vraiment se reconnaître, et parfois même finissent par se regarder avec méfiance ?
Le choix est décisif. Aspirons-nous à une France où l’on se frôle sans se rencontrer, ou à une République capable de forger, jour après jour, un horizon commun ? La responsabilité est collective : elle engage l’État, les habitants de longue date, comme ceux qui choisissent la France pour nouveau foyer.
Car, finalement, nous portons tous en nous une part d’ici et d’ailleurs , et c’est de cette double appartenance que peut naître l’unité véritable.
Par Marie Barboza MENDY, regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
En France, ce concept qui devrait forger un socle commun est devenu un terrain accidenté, où s’entrechoquent attentes républicaines et refus catégoriques d’en partager les codes.
Refus des codes : une fracture qui s’élargit
Soyons honnêtes : l’intégration n’échoue pas uniquement par manque de moyens.
Elle échoue par refus. Refus de comprendre les règles, refus de s’y conformer, parfois même refus d’admettre que ces règles existent pour tous.
Dans certains quartiers, les écarts ne relèvent plus de simples maladresses : ils deviennent des attitudes assumées, presque revendiquées. On y voit le refus de saluer une femme, signe d’un repli culturel inquiétant ; le refus de se faire consulter par un médecin homme, au détriment même de la santé ; le refus de la mixité dans les espaces publics, jusqu’à boycotter la piscine municipale sous prétexte qu’aucun créneau n’est réservé exclusivement aux femmes.
À cela s’ajoute le refus grandissant de toute forme d’autorité, qu’elle soit parentale, institutionnelle ou républicaine. Autant de signaux d’une rupture silencieuse, mais profonde, avec les règles du vivre-ensemble.
Sur la voie publique, s’ajoutent d’autres comportements qui interrogent : occupations bruyantes des halls d’immeubles, nuisances volontaires, usage agressif de l’espace, insultes envers les forces de l’ordre, refus de coopérer dans les services publics. Ces attitudes, loin d’être anodines, sont perçues comme un défi lancé à la République.
Quand l’espace public devient un champ de tensions
La destruction de biens communautaires – abribus brûlés, ascenseurs vandalisés, écoles et bibliothèques incendiées, distributeurs de boissons et de pizzas saccagés, cages d’escalier transformées en dépotoirs – témoigne d’une rupture profonde. Car la question n’est plus seulement : « Sont-ils intégrés ? ». Elle devient :« Acceptent-ils de faire société ? »
Ces biens détruits ne sont pas ceux d’un “État lointain”, mais ceux des habitants eux-mêmes : leurs écoles, leurs transports, leurs places. Dégrader le collectif, c’est refuser la responsabilité civique. C’est dire : « Je ne fais pas partie de ce “nous” ».
L’école en difficulté, la République en contradiction
L’école, supposée être le grand nivellement républicain, peine désormais à accomplir sa mission. Dans certains secteurs, le niveau chute, la discipline s’efface, et l’autorité est contestée au nom d’identités multiples ou d’interprétations religieuses mal comprises.
Paradoxalement, la République elle-même alimente les confusions. Là où les règles devraient être claires, elles deviennent hésitantes. Là où les sanctions devraient être pédagogiques, elles se font attendre. Le « laisser-faire » nourrit alors l’illusion que les règles françaises sont optionnelles, négociables, adaptables à la carte.
Comment demander aux nouveaux arrivants un effort d’adhésion si le pays d’accueil doute parfois lui-même de son propre cadre ?
Le Sénégal : miroir inversé, défis similaires
À des milliers de kilomètres, le Sénégal affronte des problématiques qui résonnent étrangement avec celles de la France. Les communautés étrangères – Libanais, Chinois, Guinéens, Européens – vivent souvent en marge, reproduisant leurs propres codes et circuits économiques. L’intégration y est parfois superficielle, limitée à la recherche d’opportunités, sans réelle immersion culturelle.
Et la diaspora sénégalaise, elle aussi, navigue dans une zone grise :
– en France, elle peine parfois à embrasser les codes de la République ;
– au Sénégal, elle est perçue comme extérieure, déconnectée du vécu quotidien.
Une double appartenance qui finit souvent en double absence.
Pays d’origine, diasporas : des responsabilités partagées
Les pays d’origine laissent filer leurs forces vives, sans véritable stratégie d’accompagnement. Pendant ce temps, certaines diasporas exportent des modèles communautaires stricts, peu compatibles avec la vie en société moderne : logiques tribales, recrutement endogène, loyautés claniques, refus de se mélanger. L’intégration n’est pas qu’un défi français : c’est un défi global.
Refonder un pacte d’habitation commune
Pour être crédible, l’intégration doit cesser d’être un slogan. Elle doit devenir une ingénierie sociale, organisée autour de principes clairs :
• Maîtriser la langue pour fluidifier les échanges.
• Comprendre les règles du pays d’accueil.
• Respecter la République avec ses principes, ses règles de vie et ses valeurs, sans les négocier.
• Renoncer aux pratiques incompatibles avec le vivre-ensemble.
• S’ouvrir aux autres au lieu de s’enfermer dans des enclaves ethniques.
• Construire un avenir commun, plutôt qu’un archipel de communautés rivales.
Le Sénégal, malgré ses imperfections, offre une leçon
La « Teranga », l’art sénégalais de l’hospitalité, montre qu’une société peut être inclusive sans se diluer. Mais le pays doit, lui aussi, veiller à ce que sa cohésion ne soit pas mise en péril par des groupes refusant l’harmonisation, l’effort commun ou la discipline sociale.
Conclusion : voulons-nous vivre ensemble ou seulement cohabiter ?
L’intégration n’est pas une faveur accordée par un pays. C’est un contrat : un engagement réciproque, exigeant, non négociable.
La France doit offrir un cadre clair et assumé. Ceux qui la choisissent doivent accepter ses codes. Et les pays d’origine doivent cesser de déléguer leurs responsabilités à la seule République.
Au fond, une question essentielle se pose à nous : voulons-nous construire une communauté de citoyens, unis par des valeurs partagées, ou accepter l’éclatement d’un pays en îlots qui s’ignorent, se côtoient sans vraiment se reconnaître, et parfois même finissent par se regarder avec méfiance ?
Le choix est décisif. Aspirons-nous à une France où l’on se frôle sans se rencontrer, ou à une République capable de forger, jour après jour, un horizon commun ? La responsabilité est collective : elle engage l’État, les habitants de longue date, comme ceux qui choisissent la France pour nouveau foyer.
Car, finalement, nous portons tous en nous une part d’ici et d’ailleurs , et c’est de cette double appartenance que peut naître l’unité véritable.
Par Marie Barboza MENDY, regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
Marie Barboza MENDY– Regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
mendymarie.b@gmail.com
TEL. 78 291 83 25
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