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Crises politiques au sein des partis: Les limites des commissions de disciplines – le mandat de député hyper protégé

La situation politique au Sénégal est au gré de la marée. Elle est parfois détonante et pétaradante. Comme elle peut par moment être calme, agitée à peu agitée. Les batailles de positionnement et les guerres intestines tapissent et infestent les relations. A cela, s’y ajoutent, les prébendes et autres guéguerres pour rafler des marchés et gains le plus souvent indus. Toutefois, cette nouvelle vague de crise qui traverse l’Alliance pour la République (APR) avec les échanges d’insanités et combines pour anéantir politiquement des adversaires, c’est rare dans l’histoire politique du Sénégal. Du Parti socialiste (PS) au Parti démocratique Sénégalais (PDS), en passant par leurs excroissances, jamais ça n’a volé aussi bas. Quel a été le rôle des écoles du parti de ces formations politiques historiques ? Où la discipline interne avait-elle fonctionné au point d’inculquer, d’imposer une certaine conduite aux caciques, responsables et simples militants ? Est-il aussi facile de perdre son mandat de député ? Quelles sont les garanties légales qui protègent le parlementaire ? Le Parti socialiste a préféré éludé politiquement les questions de PressAfrik pour des raisons diplomatiques vis à vis de son allié au pouvoir.



L’épisode Moustapha Cissé Lo au sein de l’Alliance pour la République (APR) serait un bon cas d’école. Elle dénote ainsi d’une crise interne profonde au sein du parti au pouvoir qui couve depuis des années. Cette guéguerre et querelles intestines sont d’ailleurs à l’origine de l'exclusion de Moustapha Diakhaté il y a quelques mois. En dehors de ces deux Moustapha, d’autres voix discordantes dénoncent la méthode de gestion et le clientélisme au sein du parti. 
 
En revanche, à l’analyse de cette situation, des politologues estiment que c’est simplement bis répétita. L’histoire politique du Sénégal a toujours été très houleux. Selon eux, beaucoup de hauts responsables ont été exclus comme c’est le cas aujourd'hui avec Moustapha Cisse Lo. Tout récemment, on peut citer Oumar Sarr et sa bande au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds), de Khalifa Ababacar Sall et compagnie au Parti socialiste (Ps).

«Une commission de discipline n’a pas vocation de prononcer une exclusion»
 
L’ancien porte-parole du PDS et expert en droit parlementaire, Babacar Gaye donne des éclairages sur le processus d’exclusion d’un responsable. Joint par PressAfrik, il a tenu à faire comprendre que «tous les partis légalement constitués et qui fonctionnent de manière démocratique, sont régis par des statuts et un règlement intérieur. Les sanctions à l'encontre des membres des partis politiques, dont l'exclusion, doivent respecter un certain nombre de règles préétablies et suivant des principes immuables dont le droit à la défense ».

Et d’éclairer : « Pour respecter ce principe, tous les partis ont mis en place un organe statutaire appelé généralement Commission de discipline. Il est aussi prévu dans le règlement intérieur, des instances et une procédure pour prononcer une sanction disciplinaire contre un membre d'un parti politique. Par exemple, au Pds seul le Secrétariat national et le Bureau politique peuvent exclure un militant.

Cependant, le Secrétaire général national peut prononcer une exclusion d'un militant pour faute grave, à condition d'en informer sans délai le Bureau politique. Mais comme son nom l'indique, une commission de discipline n'a pas vocation à prononcer une exclusion. Elle prépare la prise de décision ».

« Les chefs de parti pensent avoir un droit de vie ou de mort sur les militants »

Selon l’ancien président de Groupe parlementaire, l’exclusion de Moustapha Cissé Lô de son parti n’est pas une première dans l’histoire politique du Sénégal. Des cas similaires ont été notés dans les partis comme le Pds et le Ps. « Au Pds, c'est une pratique très courante. Beaucoup de hauts responsables ont été exclus. Le dernier en date est l’exclusion d’Oumar Sarr », a-t-il expliqué. Avant de poursuivre, «au Ps aussi Khalifa Ababacar Sall et compagnie ont été exclus de la même manière ».

À en croire M. Gaye, au Sénégal les chefs de parti pensent qu’ils ont droit de vie et de mort sur les militants qui pourtant ont les mêmes droits et devoirs vis-à-vis de la loi.

Dès lors, il a invité le «ministère de l'Intérieur», à être «plus vigilant pour le respect des dispositions statutaires et réglementaires qui régissent la vie associative. En dernier ressort le juge peut aussi statuer sur ces manquements notamment avec la réglementation concernant les associations». Mais, a-t-il contrebalancé, «la plupart du temps, c'est le membre en disgrâce ou en conflit avec la direction de son parti qui préfère tirer un trait sur le différend et se frayer une autre voie ». 
 
Sur la question de savoir si l’école du parti peut-elle être une solution contre l'indiscipline et le manque de cohésion au sein des formations politiques, Babacar répond par l’affirmative. Selon lui, «avec la formation militante qui fait défaut dans les organisations politiques, cela aurait été un excellent palliatif contre l'indiscipline ». Malheureusement, a déploré l’ancien porte-parole du Pds, « à part le Pds qui avait un institut de formation jeté aux oubliettes depuis Alassane Cissokho, seuls les partis de gauche peu populaires avaient une école du parti. La conquête effrénée et hâtive du pouvoir ainsi que le clientélisme politique sont de grands freins à asseoir une discipline militante et le culte du mérite dans nos différents partis ».
 
 
Les cas légaux où le député perd son mandat parlementaire
 
 

Crises politiques au sein des partis: Les limites des commissions de disciplines – le mandat de député hyper protégé

Le député Moustapha Cissé Lô n’est seulement pas exclu des rangs de l’Apr, il a été également renvoyé du Groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (BBY) dont il fait partie. Une question sur le maintien ou non de son mandat de député mérite ainsi d’être posée.

Mais d'abord, rappelons qu'en vertu de l’article 60 de la Constitution et de l’article 7 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, «Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat ». Par contre, n’ayant pas présenté sa démission de l’Apr et n’ayant pas été déclaré démissionnaire de l’Apr par les instances du parti, le député Moustapha Cissé Lo ne se trouve dans aucun cas prévu par les articles cités ci-dessus.  

Abondant dans le même sens, M. Gaye est d'avis que l'exclusion de Cissé Lô de son parti et de son groupe parlementaire Bby, n’est pas synonyme de perte de son mandat de député.

« La perte du mandat de député est encadrée par la loi. Être exclu de son parti ou du Groupe parlementaire auquel on a adhéré n'est pas une cause légale de perte du mandat parlementaire », a-t-il renseigné.

Soulignant que l’exclusion d’un député à l’Assemblée nationale « dépend des raisons qui ont prévalu pour qu'il y ait nécessité à constater la déchéance du député ».

Avant de donner certains motifs qui pourraient faire sortir un député de l’hémicycle : « Premièrement, le député peut décider de quitter sa fonction parlementaire en adressant une lettre de démission au Président de l'Assemblée nationale qui est tenu d'en informer le président de la République». Nous avons connu cela avec l’affaire Seydina Fall Boughazeli qui avait été arrêté pour une histoire de faux-billets de banque. 

l’ancien président du groupe parlementaire de Libéral et Démocratique de donner une deuxième cas de figure : «le député perd son mandat s'il démissionne de son parti en vertu des dispositions constitutionnelles adoptées pour décourager la transhumance politique. Cette déchéance est constatée par le Bureau de l'Assemblée nationale ».

 En outre, le député peut être déchu de son mandat s'il s'absente pendant deux sessions consécutives d'une législature sans en apporter les justificatifs acceptés.

Enfin, le député est déclaré démissionnaire d'office par l'Assemblée plénière saisie par le Président de la République ou par le Bureau s'il se trouve dans l'une des incompatibilités prévues par la loi, à moins qu'il ne démissionne formellement ».
 
 « Le Ps n’a pas de position particulière sur la question »

Contacté au téléphone, Abdoulaye Wilane, responsable et porte-parole du Parti socialiste (Ps) indique que son parti est en deuil avec le rappel à Dieu de la maman de leur Secrétaire générale, Aminata Mbengue Ndiaye. Selon lui, les instances du parti ne sont pas réunies et par conséquent, « le Ps n’a pas de position particulière sur la question ».

En conclusion, les responsables politiques exclus de leur parti pour faute grave ou autre motif finissent toujours par prendre leur destin politique en main en créant un parti ou une coalition de partis. Tel est le cas avec les anciens compagnons de Me Abdoulaye Wade notamment, Oumar Sarr, Me Amadou Sall, Babacar Gaye et Cie qui ont récemment mis sur pied le Nouveau Parti Démocratique (NPD).

Aminata Diouf

Vendredi 10 Juillet 2020 - 15:13


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