La réussite de Simone Gbagbo, "pur produit ivoirien", c'est la politique. Elue en 1996 députée de la commune d'Abobo à Abidjan, elle est l'une des figures tutélaires du Front populaire ivoirien (FPI) de son mari, qu'elle a tenu d'une main de fer lors de son exil en France dans les années 1980. Dominique Nouvian, devenue Ouattara depuis son mariage en 1991 à Paris, enchaîne les acquisitions: Radio Nostalgie Afrique, des franchises Jacques Dessange aux Etats-Unis… En 1989, elle devient présidente d'honneur de la Chambre syndicale des agents immobiliers de Côte d`Ivoire, un poste important dans une ville où les constructions ne cessent jamais.
"Hillary Clinton des tropiques"
Dominique Ouattara est alors une femme en vue: elle développe des actions humanitaires par le biais de son association Children of Africa, dont la marraine est son amie Ira de Furstenberg. Car la "French lady" et son mari connaissent du beau monde qu'ils croisent à Paris ou près de Cannes où ils ont une résidence: Martin Bouygues, Cécilia Attias, Jean-Christophe Mitterrand…Mais, contrairement à une rumeur tenace, ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui les a mariés, puisque l'union se déroulait dans le 16e arrondissement de Paris.
Simone Gbagbo, elle, est moins en vue dans le gotha. Elle fait pourtant aussi œuvre de bienfaisance dans la lutte contre le Sida, mais certains l'accusent surtout de détourner des fonds. Il faut dire que cette experte en linguistique se consacre avant tout à la politique. Et, depuis quelques années, à la religion. Après un accident de voiture qu'elle a eu avec son mari en 1996, et qu'elle estime toujours être un "attentat", elle verse dans l'évangélisme radical. Elle voit le diable partout et notamment en Nicolas Sarkozy. Pour elle, la "réélection" de son mari est un signe de Dieu. des images la montrent priant, en transe, dans un temple. Devenue première dame de Côte d'Ivoire en 2000, elle prend du galon et devient vice-présidente de l'Assemblée nationale. Elle aurait aimé la présider tout simplement mais son époux et ses conseillers l'en ont dissuadée.
La "Hillary Clinton des tropiques" prend son rôle à cœur: "Tous les ministres ont du respect pour moi. Et on me situe souvent au-dessus d’eux", explique-t-elle à L'Express en 2003. Elle représente l'aile dure du clan Gbagbo. Avant le départ des délégations des partis politiques pour la signature des accords de Linas-Marcoussis (en 2002), elle les avait mis en garde contre tout compromis avec la rébellion: "Si nos hommes vont à Paris pour prendre des décisions qui ne nous satisfont pas, à leur retour, ils ne nous trouveront pas dans leur lit" (lien payant), avait-elle lancé devant des femmes ivoiriennes. A la lecture des résultats de la présidentielle de novembre, elle avait convaincu son mari en lui disant qu'il ne serait "pas garçon" (un véritable homme, ndlr) s'il laissait Ouattara l'emporter. Quasi persuadée de sa mission messianique, elle a notamment alimenté les soupçons de complot "maçonnique" contre la Côte-d'Ivoire. Encore plus que Gbagbo, Simone est une guerrière prête à tout: depuis la prise de pouvoir de son époux, elle exhorte à "assainir la nation et démasquer les brebis galeuses". Elle est considérée comme l'un des artisans des "escadrons de la mort" qui ont frappé le pays dans les années 2000.
Dominique Ouattara, elle, est bien plus policée. Mais pas moins influente auprès de son mari. "Fanta", comme la surnomment les partisans du Nord de Ouattara, a parcouru la Côte d'Ivoire pour faire campagne pour "ADO". Pas une seule des décisions du parti de son époux ne se ferait sans elle. Le pays a trouvé une nouvelle femme d'influence.