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La situation en Ukraine lue sous l'angle économique et financier (par Cheikh Fatma Diop)



La situation en Ukraine lue sous l'angle économique et financier (par Cheikh Fatma Diop)
Les alliés occidentaux (les Etats-Unis, la  Commission Européenne, la France, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume - Uni et le Canada)    ont annoncé une nouvelle série de sanctions financières contre la Russie. 

Deux grandes décisions: 

- l'exclusion d'une partie du secteur bancaire russe (les puissantes Sberbank et Gazprombank n'en feraient pas partie pour le moment)  du système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) (1) 

- le gel des réserves en devises  de la banque centrale russe détenues à l'international (2). 

 (1) Qu'est ce que le système bancaire SWIFT ? 

De façon simplifiée, SWIFT est le WhatsApp des banques. Elle facilite leurs communications standardisées, les ordres de paiement, d'achat, de vente... une plate-forme essentielle donc au commerce international. 

Derrière les États-Unis, la Russie est le deuxième pays utilisateurs de la plate-forme.  SWIFT avec 300 banques et institutions financières russes membres de la plate-forme organisée en coopératives de banques. 
La plate-forme elle-même compte plus de 11.000 organisations membres dans plus de 200 pays. 

Autant dire que débrancher la Russie de ce vaste réseau ne serait pas sans conséquences pour les banques russes concernées par les sanctions, ne serait-ce qu'en termes de fluidité et de maîtrise du coût des opérations bancaires y transitant. 

Ceci étant dit, et il faut bien le saisir, les paiements en tant que tels à partir et à destination de la Russie, bien que rendus plus complexes à éxecuter, ne sont pas bloqués. 

Illustrations: 

- Un client russe d'une entreprise exportatrice italienne  ne pourrait plus émettre un ordre de virement à la banque italienne via sa banque russe. Il serait ainsi obligé de payer en liquidités ou d'ouvrir un compte dans une banque membre du réseau SWIFT dans un autre pays. 

- De la même façon et à l'inverse , une entreprise allemande importatrice de gaz russe s'inscrirait dans la même dynamique de contournement pour honorer ses factures avec tout ce que cela pourrait impliquer comme coûts de transactions additionnels...

Au demeurant, depuis les sanctions occidentales consécutives à l'annexion de la Crimée en 2014, la Russie a développé son propre réseau de messagerie interbancaire, une alternative au SWIFT, le SPFS (système de transfert de messages financiers) dont sont membres une vingtaine de banques. 
Le système ne cesse de s'améliorer depuis sa mise sur pied; les frais de transaction notamment étant de plus en plus réduits. 
Surtout, en attendant de s'étendre davantage à plus d'institutions financières et de pays, il offre quelques possibilités de contournement; le client russe susmentionné pouvant, par exemple, faire passer son paiement par une banque à la fois membre des réseaux SWIFT et SPFS. 

Une fenêtre s'ouvre ainsi à la Russie et l'occasion lui est donnée de renforcer son système notamment en créant des synergies avec des plate-formes équivalentes telles le CIPS (Cross - Border Inter- bank Payments System) utilisé par la Chine. 
Cela ferait d'autant plus sens que les deux pays entretiennent des relations profondes et multiformes: 

- Au plan historique, la liaison Russie - Chine a été établie dès 1619 lorsque les cosaques Ivan Petlin et André Mundov ont été reçus à la cour impériale à Pékin. 

- Au plan politique existe une alliance naturelle entre  Vladimir Poutine et Xi Jinping unis par leur défiance commune à l'égard des États-Unis et de l'occident. 

- Au plan commercial,  les relations sino-russes sont de plus en plus épaisses: la Chine, premier partenaire commercial de Moscou devant l'Allemagne depuis 2014, représente environ 20% du commerce extérieur de la Russie, les hydrocarbures étant une portion importante de ce portefeuille de transactions. 

Les deux pays maintiennent également des liens dans la coopération technologique, militaire et en matière de lutte contre le réchauffement climatique. 

(2) Gel des réserves en devises de la Banque Centrale Russe. 

D'un point de vue stratégique, cette catégorie de sanctions pourrait être un peu plus dévastatrice que celle liée au débranchage du réseau SWIFT parce que challengeant directement la capacité du gouvernement russe à défendre la valeur de sa monnaie - le rouble - vis-à-vis des autres devises invitant ainsi des risques de dépréciation et d'inflation dans les circuits économiques internes. 
La Russie dispose d'un matelas de 630 milliards de dollars en réserves de devises dont environs 15 milliards en liquidités logées dans les coffres de la banque centrale russe. 

La difficulté, ceci étant dit, d'implémenter de telles sanctions touchant la banque centrale russe réside dans sa dimension légale: 
Du point de vue du droit international, les banques centrales bénéficient d'une immunité très forte quant à leurs avoirs extérieurs. 
Dans la jurisprudence récente, en 2019, l'Iran dont les avoirs de la banque centrale (2 milliards de dollars américains)  avaient été gelés par la Cour Suprême américaine en 2016, avait reçu, de la part de la Cour de Justice Internationale, une réponse initiale  favorable à sa requête de récupérer ses fonds bloqués par les États-Unis. 
Les Occidentaux, pour contourner cet obstacle légal, pourraient, peut-être, enjoindre les acteurs de marché américains et européens d'arrêter leurs ventes de rouble à la banque centrale russe, ainsi limitant grandement les transactions en rouble hors de la Russie, ce qui engendrerait de réels soucis d'équilibre monétaire et financier à Moscou. 

A l'heure actuelle, la Banque Centrale Russe,  pas encore coupée du système bancaire mondial, pourra au moins payer une partie de ses opérations en or qui constitue une catégorie de ses réserves de banque centrale diversifiées. 

De quelles mesures de riposte la Russie dispose t'elle ? 

Les prochaines heures et prochains jours nous édifieront. 

Pour le moment, à rebours de la dimension économique et financière, Poutine semble vouloir activer l'option nucléaire, mettant en alerte ses forces de combat nucléaire. 

Cheikh Fatma Diop, 

Analyste économique et financier 

Membre du mouvement des Cadres et du pôle des debatteurs/ PASTEF 

Deuxième Vice Coordonnateur de la Section Communale de PASTEF FANN -  POINT/E-  AMITIE


Dimanche 27 Février 2022 - 14:39


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