Connectez-vous S'inscrire
PRESSAFRIK.COM , L'info dans toute sa diversité (Liberté - Professionnalisme - Crédibilité)

Médina Gounass et Médinatul Huda: les femmes de la cité religieuse au fond des puits de misère

​A Medina Gounass, ville sainte qui côtoie Medinatul Huda, l’accès à l’eau potable y est assimilable à l’exploration du pétrole dans les profondeurs offshore, tellement c’est éprouvant pour les femmes de la localité. Du fait d’un système hydraulique défaillant et des robinets archaïques, les populations de cette ville, notamment la gent féminine, sont rongées par un calvaire quotidien autour des puits de misère. Le «Témoin» est allé à la rencontre de ces braves femmes qui souffrent le martyr. Reportage…



Médina Gounass et Médinatul Huda: les femmes de la cité religieuse au fond des puits de misère
 Medina Gounass est célèbre par sa retraite spirituelle, la fameuse «dakka» annuelle. Elle est également connue pour être le fief de Thierno Amadou Baldé, surnommé khalife du Fouladou. Par ailleurs, une destination très fréquente du chef de l’Etat, Macky Sall, depuis l’aube de sa conquête du pouvoir. Devenu président, il continue de sacrifier au même rituel aux côtés de ses guides dans des tentes et bâches où jaillit la lumière. Prières et sermons en abondance. Mais derrière ce décor toujours projeté sur les écrans, on perçoit les longs sanglots des femmes rongées par la soif et la fatigue avec la recherche du liquide précieux.

La ville de Medina Gounass fait face à un criard problème d’accès à l’eau potable. Une situation qui a fini de plonger les femmes de cette localité dans le désarroi. Femme au foyer, la quarantaine révolue, Ramatoulaye Diao s’est arrachée de son lit conjugal dès l’aube dans l’espoir d’être la première dans la concession où se trouve l’unique puits du voisinage. D’autres, plus matinales, avaient déjà envahi les lieux. Le sceau vide coincé à l’aisselle, Ramatoulaye s’est résignée à faire la queue. Dans l’unique puits de ce voisinage, il faut faire la queue pour avoir de quoi gérer un quotidien déjà très éprouvant pour ces braves femmes. «Bien que j’ai dormi d’un seul œil avec l’espoir de me réveiller très tôt, plusieurs femmes m’ont précédée. Et cela ne me surprend guère parce que ce puits est très sollicité. Dans tout le coin, il est le seul où on peut trouver de l’eau. Normal donc que toutes les femmes du voisinage se ruent ici dès les premières heures de la matinée pour leurs besoins quotidiens », raconte- t-elle, debout au milieu d’un parterre de sceaux jetés à terre.

Un coup d’œil dans le trou en profondeur, on aperçoit une longue corde attachée sur le bout d’une bouteille de 20 litres remplie d’eau et colmatée pour l’extraire de la nappe phréatique. Un procédé artisanal qui relève d’un véritable supplice pour ces femmes, tellement la manœuvre requiert des efforts soutenus. Déployant toutes leurs forces physiques, deux dames, en action autour du puits, tirent difficilement la longue corde. Au bout d’une minute, surgit la grande bouteille. Un long souffle, expression de la fatigue de ces femmes, est envoyé en l’air. Aissatou Ba, le foulard courageusement noué sur les reins, hurle presque sa douleur sortie de ses entrailles : « C’est vraiment pénible ! Notre vie est réduite à cette souffrance à laquelle vous assistez. En tant que femmes, il nous est très difficile de puiser dans ces conditions. D’ailleurs, une seule d’entre nous ne peut ressortir cette lourde bouteille des profondeurs du puits. Nous sommes obligées de manœuvrer à deux. Ensuite, on se partage le liquide de façon équitable ».

Mariée et vivant dans un grand foyer, celle avec qui elle partageait les tâches, chiffre ses besoins journaliers à 10 rotations équivalant au contenu de dix bassines. «Que cela soit pour la vaisselle, le linge, la douche ou la cuisine, c’est notre peine quotidienne. Je m’approvisionne avec dix bassines d’eau et dans la journée, je suis obligée de revenir deux fois » explique-t-elle avant de verser brusquement l’eau dans la bassine.

« L’eau se trouve à 26 mètres  de profondeur »
De l’avis du maître des lieux, le puits a une profondeur de 26 mètres. « Il est à l’image des quelques rares sources où on peut trouver de l’eau dans Medinatul Huda. D’ailleurs, dans un passé récent, ce fut un puits abandonné. Mais avec le manque criard d’eau auquel nous sommes confrontés, j’avais décidé de le réaménager pour le bien de toute la communauté. Et depuis lors, ma maison ne désemplit pas. Je suis devenu l’homme le plus visité du quartier à cause d’un simple puits», témoigne Hama Seydi, venu saluer les femmes qui avaient envahi sa concession tôt le matin.

Dans un autre coin de la ville, règne la même ambiance et le même décor. Mais ici, la scène heurte l’entendement. Aux abords d’un bâtiment en construction, un groupe de jeunes filles se disputent des positions selon leur arrivée. L’espace, aux yeux de ces populations qui peinent à trouver le liquide précieux, constitue un miracle. En effet, c’est dans une fosse en cours d’aménagement qu’a surgi l’eau. Une sorte de liquide noirâtre. L’endroit est bondé de monde. L’enthousiasme se lit sur tous les visages. «C’est un beau jour ! C’est alors que des ouvriers creusaient pour l’aménagement d’une fosse septique, que l’eau a jailli de ce trou. Depuis lors, l’endroit est transformé en source malgré que l’eau soit de très mauvaise qualité. Nous n’arrivons toujours pas à trouver une explication à ce phénomène dans la mesure où les puits de la localité sont quasiment secs. Comment se fait- il que ce soit dans ce bâtiment en construction que surgit soudainement cette eau en grande quantité ? Peut-être aussi que ce sont nos prières de toutes ces années qui se voient aujourd’hui exaucées par Allah, le Tout- Puissant », relate en toute conviction le propriétaire des lieux tandis que des gamines, surexcitées, pataugent dans la boue, fruit du contact de l’eau et du sable de la maison en construction.

Les robinets, l’autre casse-tête dans la ville sainte
Seydou Kandé est un patriarche. Replié dans un coin de sa demeure, égrenant les perles de son chapelet, il reçoit avec sollicitude. A l’entrée de son domicile, un trou circulaire est visible sur le sol. Les installations souterraines d’un robinet sautent aux yeux. A l’intérieur de l’endroit, une bassine est soigneusement posée. Sa propriétaire attendant qu’elle soit remplie. Selon le chef de famille, il s’agit là d’un procédé mijoté par les habitants pour pallier à la défaillance du système hydraulique. « Avec les installations de base, nous avons souffert en étant obligés de patienter pendant des heures juste pour voir se remplir un sceau à partir de nos robinets. C’est par la suite que nous avons eu l’idée d’anticiper le trajet de l’eau en creusant un trou sur l’installation du tuyau. De ce fait, même si nous avons conscience d’agir dans la clandestinité, en revanche, la longue attente avec nos robinets au débit lent est allégée. C’est un mal nécessaire. Car si vraiment les autorités étaient préoccupées par cette situation, elles allaient résoudre définitivement notre problème d’accès à l’eau », alerte t- il.

Dans les parages, le ton est beaucoup plus élevé face à la pénurie d’eau qui sévit dans la ville sainte. Encerclant l’espace, tout autour des récipients posés à terre, une dame fait d’incessants va- et-vient entre le robinet et sa cuisine. « Cela fait une demie heure que je patiente pour remplir ce petit sceau. Je risque encore de présenter tardivement le repas à ma famille et de faire face aux remontrances de mon époux déjà aux champs. C’est pourquoi je dis souvent que nous, les femmes, souffrons de ce manque d’eau dans la localité. Car les tâches ménagères ne peuvent se passer d’eau. Il faut que ça cesse ! » rouspète-t-elle. Ce casse- tête du débit lent des robinets de Gounass a fini de mettre Mamadou, un autre chef de famille, dans tous ses états. «Voilà que depuis 6 ans, l’eau coule à peine de nos robinets.

C’est une situation inadmissible à l’heure où l’on parle du Sénégal émergent. Peut-être que nous, nous sommes laissés à nous-mêmes dans ce pays. Seules les prières de nos guides religieux semblent intéresser les gouvernants du pays. Hormis cela, notre existence est le cadet de leurs soucis. Surtout que nous sommes dans une zone reculée et loin de la capitale. De ce fait, personne ne parle de nos difficultés quotidiennes», fustige le vieil homme tout noir de colère et déversant sa rancœur sur les autorités en charge de l’hydraulique. En attendant, à Gounass, la population broie du noir et attend que cette vieille doléance pour l’accès à l’eau soit résolue.

Le Témoin


Mardi 1 Septembre 2020 - 13:48


div id="taboola-below-article-thumbnails">

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter