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« Opération Serval », un nouveau tournant dans la crise au Mali !

La crise au Mali, vient d’amorcer un tournant décisif dans ses implications géostratégiques et sur l’avenir de cette République sœur, martyrisée par un mouvement sécessionniste « Touareg », le « Mouvement National de Libération de l’AZAWAD », (MNLA), suivi d’une agression caractérisée de mouvements « islamistes Touaregs», venus de Lybie, (Ansar Dine), avec armes et bagages sous la bienveillance des USA et de la France.



« Opération Serval », un nouveau tournant dans la crise au  Mali !
I) Comment en est on arrivé l’Opération Serval ?

Dans ce contexte d’agression, la priorité accordée par le Gouvernement du Chef de l’Etat de l’époque, Amadou Toumany Toure, (ATT), au parachèvement du processus électoral pour sa succession à la Présidence de la République, au détriment d’une mobilisation nationale, derrière son armée pour défendre l’intégrité territoriale du pays et la République Démocratie et laïque, avait occasionné son renversement le 22 Mars 2012, par un Coup d’Etat Militaire.

Ce coup d’Etat, malgré sa condamnation quasi unanime, a permis de stopper la création d’un Etat indépendant AZAWAD, au Nord du Mali, et l’avancée des groupes islamistes plus au SUD du pays.

La crise politique et institutionnelle qui a suivi le coup d’Etat, et la mobilisation de la CEDEAO, fortement appuyée par la France, l’UE et les USA, pour chasser les « putschistes » et « rétablir l’ordre constitutionnel », ont contribué, à empêcher le peuple malien à organiser sa défense autour de son armée nationale et des autorités de la transition qui ont en charge le destin du Mali.
Cette situation a permis aux « islamistes », avec le soutient d’AQMI et du MUJAO, de marquer leur territoire au Nord du Mali en y évinçant le MNLA, dont les dirigeants ont trouvé refuge au Burkina, dont le Président a été bombardé « Médiateur » de cette crise par le Président de la CEDEAO, Alassane. D. Ouattara, qui fut installé au pouvoir, en Côte d’Ivoire, par l’Armée Française sous Sarkozy.

La CEDEAO devenait ainsi, le protecteur des « sécessionnistes Touareg », et les Autorités de la Transition et l’Armée malienne percevaient cette « protection » comme une volonté de leur imposer la partition de leur pays à travers des négociations qu’elle projetait d’ouvrir, après avoir chassé les « putschistes » du pouvoir et rétabli « l’ordre constitutionnel ».
C’est la chute de Sarkozy et l’avènement de F. Hollande à la tête de l’Etat Français, qui ont peu à peu, créé les conditions de changement de perspectives dans la gestion de la crise au Mali.

Le processus de ce changement de perspectives était laborieux, puisqu’il mettait en jeu les intérêts géostratégiques de la France et des USA dans le Sahel, qui de convergents au début, sont devenus de plus en plus concurrentiels et contradictoires.
En effet, le nouveau pouvoir Français a acquis peu à peu, la conviction, que le parachèvement du processus électoral ne peut plus continuer à primer sur l’urgente nécessité de libérer le Nord Mali, alors que les USA, avec la complicité de la CEDEAO, continuaient, jusqu’aux dernières résolutions des Nations Unies, à exiger le retour préalable à « l’ordre constitutionnel».

C’est ainsi que les USA obtinrent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la décision de tenir les élections présidentielles au Mali en Mars –Avril 2013, tout en se préparent à ouvrir le dialogue avec les mouvements Touaregs (MNLA et Ansari Dine), considérés, respectivement, comme des mouvements laïcs et « islamistes modérés », et de préparer la guerre contre les tenants de l’islamisme radical, représenté par AQMI et le MUJAO.

De cette résolution, il résultait que la guerre contre les « islamistes » pour libérer le Nord Mali, était remisée aux calendres grecs, puisque de graves incertitudes planaient encore sur l’ « opportunité et la faisabilité » de cette guerre même au « printemps » 2013.

Cet agenda des Nations Unies a été perçu par Ansar Dine et ses alliés islamistes, comme un encouragement à reprendre les hostilités, avec la conviction que le Sud du Mali allait plonger dans la division politique et dans la paralysie des Institutions de la République, comme ce fut le cas sous ATT, à cause des rivalités politiques qu’occasionne la reprise du processus électoral.
D’où leur décision de prendre la localité de Bonna, pour s’ouvrir les portes de Mopti, qui est une étape stratégique pour la conquête du Sud du Mali.

La réaction des Autorités de la Transition et de l’Armée malienne, face à la reprise des hostilités, en affrontant les troupes islamistes à Bonna, a pris de court les stratèges des USA, qui n’avaient de cesse de ridiculiser l’armée malienne qu’ils jugent incapables, paralysées et démoralisées.
Mais le sous équipement de l’armée malienne face aux islamistes, malgré leur bravoure , leur combativité et leur détermination, l’a obligé à se retirer et laisser Bonna aux mains de ceux – ci.
Il était donc devenu clair aux yeux du monde entier, que l’armée malienne, laissée seule dans son état, ne pourra pas empêcher les islamistes de prendre Mopti.
D’où la réaction rapide et surprenante de la France à l’appel du Président de la Transition, pour venir en urgence épauler son armée.

Cette réaction de la France prend le contrepied de la résolution de l’ONU laborieusement élaborée sur l’intervention militaire au Mali, mais s’inscrit parfaitement dans les dispositions de l’article 5 du Chapitre II de la Charte des Nations Unies.
Le dépit des USA, face à ce nouveau tournant, peut être illustré par la boutade pleine de mépris de Suzanne Rice, représentante des USA au Conseil de Sécurité des Nations Unies, en ces termes : « Au secours la France ! » en commentant l’appel du Président de la Transition du Mali.

II) Pourquoi la France a- t- elle pris un tel risque ?


Contrairement à l’opinion ambiante, la France a, au Mali, moins d’intérêt économique que les USA, la Chine et le Japon
En effet, la France est le quatrième partenaire du Mali, tant au niveau des importations de ce pays, qu’au niveau de ses exportations.

C’est ainsi que pour les importations en 2011, avant la crise , le premier fournisseur du Mali sont les USA avec 2236 millions de dollars US, suivis de la Chine, avec 1734millions de Dollars US, du Japon, avec 808 millions de dollars US, et la France pointe loin en quatrième position, avec 689 millions de dollars US.

De même, le premier destinataire des exportations du Mali est la Chine, avec1904 millions de dollars US, suivie des USA, avec 1497 millions de dollars US, du Japon, avec 788 millions de dollars US, et la France pointe encore loin en quatrième position, avec 587 millions de dollars.

Donc, si c’était les intérêts des entreprises de ces pays dans le marché malien et dans ses exportations qui étaient pris en compte, les Usa seraient en pointe pour libérer le Mali et préserver son intégrité territoriale, et la France n’aurait pas pris un tel risque de se mettre en pôle position dans la lutte contre l’islamisme au Mali.
Ce qui est donc à l’œuvre au Mali, ce sont des considérations géostratégiques.

III) Analyse des considérations géostratégiques liées à la crise au Mali

Les intérêts économiques Français au Niger, avec sa vaste frontière avec le Nord Mali, ont souvent été menacés par des « islamistes radicaux, qui trouvaient refuge » dans le Nord du Mali.

La France, est aussi, le seul pays occidental qui a encore au Nord Mali, des « otages » pris au Niger.
Ainsi, la sécurité de son exploitation de l’uranium nigérien, et la sécurité des Français y travaillant, font du Nord Mali, une zone géostratégique qui ne doit pas échapper au contrôle de la France.

Sous Sarkozy, la France voyait dans le MNLA un allié stratégique pour sécuriser ses intérêts au Niger, d’où l’attitude bienveillante du « médiateur » et du Président de la CEDEAO à son égard. Il espérait, à cet effet, avoir, avec une AZAWAD indépendante, la possibilité de prendre possession de la base aérienne de « Tessalit », que le Président A.T.T lui refusait ostensiblement.
Hollande a dû renoncer à cet objectif, pour espérer avoir de meilleures relations stratégiques avec un Etat malien libéré et réunifié grâce à son apport militaire et économique décisif.

Les USA, par contre, fidèles à leur option stratégique d’acclimater au Sahel les contradictions entre « islamisme modéré » et « islamisme radical », tablaient sur Ansar Dine qu’ils espéraient pouvoir déconnecter d’AQMI et du MUJAO, pour couper le Mali en deux, entre le Nord et le SUD, pour matérialiser son projet du « Grand Orient », comme ils l’ont fait au Soudan.
Ils espèrent, de cette manière, disposer d’une base de « Drone » après l’Ouganda, en sus de sa Flotte aérienne de surveillance basée en Mauritanie, au Burkina, et au SUD Soudan.

C’est cela qui expliquent leur position « attentiste » au sujet d’une intervention militaire pour libérer le Mali, et ses tentatives, soutenues par la CEDEAO, de faire partir la junte militaire à l’origine du bouleversement de sa stratégie au Sahel, comme préalable, dans l’espoir de faire arriver au pouvoir, des civils plus sensibles à la préservation de ses intérêts stratégiques.
L’ « Opération Serval », qui réhabilite les Autorités de la Transition et l’Armée malienne, dans le processus de libération du Nord de ce pays, ne pouvait donc être perçus par les USA que comme un coup de poignard dans leur dos.

Les pays membres de la CEDEAO sont ainsi obligés, à leur corps défendant, et sans y être préparés, de quitter leur manœuvre contre la junte, pour s’aligner derrière l’intervention française, afin d’éviter de perdre totalement leur face devant l’opinion africaine et internationale.

Même l’Algérie qui, pour des raisons de sécurité intérieure, refusait toute intervention militaire pour privilégier le dialogue avec le MNLA et Ansar Dine, pour isoler les « islamistes algériens » dans AQMI et le MUJAO, pour mieux les combattre, a dû réviser sa position devant l’ « Opération Serval ».

D’où sa décision de permettre à la France de survoler son territoire, et le sens et la portée de la Déclaration du porte parole de son Ministère aux Affaires Etrangères , Amar Belani, en ces termes : « c’est une décision souveraine du Mali .. qui a demandé de l’aide aux puissances amies pour renforcer ses capacités nationales de lutte contre le terrorisme ».

Dans ces nouvelles conditions, le Sénégal qui s’était longtemps refusé d’envoyer des « troupes combattantes » dans le cadre de la force armée de la CEDEAO, (MISMA), pour ne pas se présenter en « ennemi » aux yeux du peuple malien et de ses forces armées, ne devait plus se contenter dans cette position qui l’a grandi durant la période.

D’où sa décision courageuse d’envoyer au près de l’armée malienne, des « forces combattante de 500 éléments.
Delors qu’il ne s’agit plus de combattre la « junte » pour ramener l’armée malienne dans les casernes afin de pouvoir « rétablir l’ordre constitutionnel », mais de libérer ce peuple agressé et martyrisé, et de défendre la République Démocratique et laïque dans pays, le Sénégal devrait se faire un devoir patriotique de mobiliser ses forces de sécurité et son peuple, pour contribuer à la réalisation de cet objectif, dont dépendent, de beaucoup, sa propre sécurité, sa stabilité et la sauvegarde de ses conquêtes républicaines et démocratiques.

IV) Quelles sont les conséquences pour le Sénégal ?

Du point de vue économique, cette expédition militaire va peser sur les finances publiques en l’absence d’une prise en charge totale de son intervention par l’ONU ou la France.

De même, selon la « Note d’Analyse du Commerce Extérieur » (NACE) du Sénégal pour 2011, publiée par l’ « Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie », (ANSD), le Mali est la principale destination de nos exportations, loin devant la France, avec, respectivement 180,9 milliards de Frs CFA, contre 53,04 milliards de Frs CFA.

La même année, l’Afrique, à son tour, a absorbé 42,8% des nos exportations, tandis que l’Europe n’en prenait que 25,8% !
Durant les cinq dernières années, le Mali a reçu en moyenne 53,5% de nos exportations destinées à la CEDEAO qui se chiffrent à 428,2 milliards de Frs CFA sur les 487,3 milliards pour toute l’Afrique, suivie de loin par la Gambie avec 9,7 %, la République de Guinée, avec 9,4% et la Côte d’Ivoire avec 6,6%, soit plus de 79%.

Donc, la forte dépendance des exportations sénégalaises vis-à-vis du Mali est sans équivoque.
Ainsi, toute guerre de longue durée qui paralyse l’économie de ce pays va forcément se répercuter négativement sur notre économie.

Si en plus, Les sénégalais retournent massivement au pays, suite à l’invitation de notre Gouvernement, cela entrainerait nécessairement une aggravation de la situation économique du Mali, et occasionnerait une accentuation des problèmes budgétaires et sociaux du Sénégal, pour l’accueil et l’hébergement de ces rapatriés.

Le Sénégal n’a donc aucun intérêt à l’enlisement de la guerre au Mali, ni d’une panique de nos nationaux pour engendrer un retour massif, encore moins des menaces d’un syndicat des transports routiers de paralyser le transport des biens vers le Mali.
Tout devrait être mis en œuvre pour une vaste mobilisation nationale pour soutenir nos troupes envoyées au près de l’armée malienne, et pour rassurer nos compatriotes au Mali et les transporteurs sénégalais, pour qu’ils évitent de compliquer les difficultés économiques du Mali, mais aussi, par ricochet, de notre propre pays.

De même, notre Diplomatie devrait être mise en contribution pour amener les grandes puissances, notamment la France, la Chine et le Japon, à contribuer à l’effort de guerre du Sénégal, en soutien au peuple malien, aux Autorités de la Transition et à leur armée nationale.

De même, notre Diplomatie devrait, en synergie avec la Diplomatie du Mali, prendre des initiatives en direction de leurs homologues Algériens et Mauritaniens, pour verrouiller leurs frontières avec le Mali, en empêchant ainsi les insurgés Touaregs et leurs alliés islamistes, de se replier dans leur territoire pour échapper. Il y va aussi de leur propre sécurité.

Ibrahima Sène PIT/SENEGAL

Ibrahima Sène

Lundi 14 Janvier 2013 - 19:39


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