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Près de 20 cas de viols présumés en 3 mois au Sénégal : toujours des victimes hélas, malgré la loi criminalisant l'acte

Comme pour les suicides, PressAfrik a fait le décompte des cas de viols et tentative de viols présumés durant la période de janvier à mars 2022. A ce titre, dix-huit (18) cas ont été répertoriés sur toute l'étendue du territoire national. Ce, malgré la promulgation de la loi criminalisant le viol et la pédophilie, le 10 janvier 2020. Constat, la loi et les cris de cœur lancés par les militants féministes ne font pas reculer les prédateurs sexuels qui restent un danger pour la société sénégalaise.



Près de 20 cas de viols présumés en 3 mois au Sénégal : toujours des victimes hélas, malgré la loi criminalisant l'acte
Le viol reste un sujet qui continue à éberluer les Sénégalais. La législation de ce phénomène n’a pas fait tache d’huile au vu du nombre élevé de procès sur le sujet. Le mois de janvier a été le plus chaud durant cette année 2022 avec 10 cas enregistrés. 
 03 janvier au 30 janvier : 10 cas de viols présumés  répertoriés 
Dix (10) cas de viol et tentatives de viol présumés ont été décomptés en seulement un mois. Suffisant pour tirer la sonnette d’alarme. Pourtant, la secrétaire générale du ministère de la Justice, le magistrat Aïssé Gassama Tall, avait, un mois avant ces actes ignobles, en décembre 2021, déclaré lors d’un panel à l’initiative de l’Association des juristes sénégalaises (AJS), avoir noté « une baisse sensible des cas de viol suivis meurtre ».Des cas de viols présumés ont été recensés à Dakar et sur l’étendue du territoire national. 

Dans la capitale sénégalaise (Dakar), un jeune du nom de Fallou Tall, étudiant à l'Université privé Ensup Afrique, a été arrêté et placé sous mandat de dépôt. En effet, sa voisine, Ndèye Fall, mère de 5 enfants, l’a accusé d'avoir tenté de la violer dans la nuit du 30 au 31 septembre dernière. 

Par ailleurs, le taximan Serigne Faye était accusé de violer ses clientes sous la menace d’une arme. Domicilié à Zac Mbao, son véhicule, un taxi immatriculé DK3273 AZ, a été placé sous scellé par les enquêteurs du commissariat de Pikine. Une information judiciaire a été ouverte contre le mis en cause âgé de 37 ans par le parquet de Pikine. 

A Khar-Yalla, un quartier de Dakar, un homme de 42 ans a été arrêté pour les mêmes faits. Amadou Lamine Dabo, comme c’est de lui qu’il s’agit, abusait sexuellement de sa nièce de 17 ans dans leur maison familiale. Il s’est armé d'un couteau et menacé de mort sa nièce, la fille de sa propre grande sœur avant de la violer à l'insu des occupants de la maison. Il a été envoyé en prison le 11 janvier dernier. 

Avant cela, à Touba, un maître coranique et prédateur sexuel, M. Bousso, a été arrêté pour viols répétitifs sur sa belle-sœur de 14 ans. Domicilié à Touba, le mis en cause avait transformé la sœur de sa femme en objet sexuel.

Au village de Toro Bèye, sis dans le département de Kébémer, dans le nord-ouest du Sénégal, un cas de viol y a été aussi décelé. B.Nd, un jeune marié et père de deux enfants a été envoyé en prison pour une affaire de viol présumé sur une mineure de 13 ans. Il est accusé d’avoir bâillonné la fillette avant de la violer. 

La chambre criminelle du tribunal de Tamba a, durant le mois de janvier,  condamné un étudiant en Génie mécanique Soriba Diakhaby à 10 ans de prison. Âgé de 20 ans, il a été reconnu coupable de "violences et de voies de fait, de viol et de collectes illicites de données à caractère personnel". Parmi ses victimes, des élèves.

A Louga, plus précisément à Barallé, un saisonnier domicilié à Touba, N.F (25 ans) a été envoyé en prison, après avoir noué une relation amoureuse avec une étudiante du coin âgée de 19 ans. Cette dernière l'accuse de l'avoir violée. Informé de la situation, le papa de la victime présumée a porté plainte contre lui à la Brigade de gendarmerie de Gueun Sarr dans le département des Louga.

Le 26 janvier 2022,  M. Ngom est accusé de viol. Le commerçant établi à Yeumbeul, dans la banlieue dakaroise, aurait violé la fille de sa sœur, en prison pour infanticide. Âgé 13 ans, M. O. N a été brutalement propulsé dans le monde des adultes après plusieurs viols à répétition. Selon elle, le dernier prédateur sexuel à avoir abusé d’elle est son oncle maternel, M. Ngom. 

A Grand-Médine, une fille âgée de 15 ans M.Ba, qui a été portée disparue depuis le mois d’octobre 2021, a été retrouvée à Grand-Médine, un quartier de Dakar. Elle a été séquestrée au domicile d’une dame du nom de Awa Ndiaye. Cette dernière et ses deux enfants, Moustapha Diouf et Abdou Salam Diouf, qui avaient transformé la fille en objet sexuel, ont été arrêtés. Ils sont poursuivis pour « association de malfaiteurs, enlèvement, détournement de mineure, viols et pédophilie ».

Une histoire de viol, détournement de mineure, pédophilie, proxénétisme... commis sur une fillette de 9 ans a secoué le quartier d’Ouagou Niayes, le 25 janvier 2022. En effet, la Sûreté urbaine de Dakar s'est saisie d'une affaire de mœurs au centre de laquelle se trouve la domestique W. Kama. Elle est accusée d'avoir entraîné la fille de sa patronne dans un monde sexuel pervers. Selon les informations de « L’Observateur », la fillette de 9 ans a subi les assauts pervers de la domestique de sa mère. Au final, la victime Nd. K. Nd. a fini par avoir un comportement et des habitudes pervers, à l'insu de ses parents.
Février : 3 cas de viols répertoriés 
A la cité de Touba Fall, une localité située à quelques encablures de la capitale religieuse du mouridisme, un viol sur un bébé était sur toutes les lèvres. Un adolescent de 14 ans a été déféré au parquet de Diourbel par les gendarmes pour viol, selon L’AS.

Le jeune homme est soupçonné d'avoir violé un bébé de 2 ans. M.G. aurait même grièvement blessé l'enfant qui a beaucoup saigné. 

Le 7 février dernier, un viol collectif sur une mineure de 16 ans a secoué le département de Rufisque. Les 7 suspects mis en cause âgés entre 19 et 22 ans, ont été inculpés puis mis en liberté provisoire, pour faute de preuves et grâce à des témoignages à décharge. 

Entendue la victime M.M.D a révélé que la nuit des faits, elle a subitement été entraînée de force dans un véhicule de couleur blanche où se trouvaient 8 individus. Ils l'ont bâillonnée et l'ont amenée au quartier Dangou, derrière le cimetière pour abuser d'elle avant de l'amener dans un bâtiment en construction où elle a été séquestrée et violée encore le lendemain par les mêmes individus qui sont, selon elle, des jeunes du quartier qu'elle est en mesure d’identifier. Aussi, elle a signalé qu'elle connaissait ses bourreaux et que ce ne serait pas la première fois qu'elle a été violée.

Le 9 février, une affaire de viol suivi de grossesse a atterri sur la table du commissaire central de Kaolack. Ces faits ont au quartier Kabatoki. Elle implique une élève en classe de 4ème M. Ngom et son petit copain un Jakartaman Abdou Diouf. Ce dénier s'est retrouvé derrière les barreaux pour détournement de mineure après une longue idylle ponctuée de rapports sexuels. La demoiselle Ngom très éprise de son petit copain face à un père intransigeant, n'a trouvé mieux que de prétendre avoir fait l'objet de viol suivi de grossesse.
Mars : 5 cas de viols recensés 
Durant le mois de mars 2022, quatre (4) cas de viols ont été enregistrés. Parmi ces cas, celui d’un instituteur à Diourbel. Il a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour avoir violé et engrossé une fille en classe de CM2. 

Le dernier cas de viol en date du 26 mars dernier, à Rufisque. Trois gaillards ont transformé en objet sexuel une femme policière et ont fait également d'autres victimes. Ils ont piégé leurs proies à bord de leur taxi-clando et les ont entraînées sous la menace d'un couteau dans des endroits sombres des quartiers avant de les violer à tour de rôle. Ils opéraient avec leur véhicule en gang de prédateurs sexuels tamponnés, hyper bien organisé, durant les heures creuses de la nuit dans la ville de Rufisque et ses environs.

Près de 20 cas de viols présumés en 3 mois au Sénégal : toujours des victimes hélas, malgré la loi criminalisant l'acte
« Les violeurs font toujours des victimes malgré la loi le criminalisant » 
Dans un entretien accordé à PressAfrik, l’Association des femmes juristes du Sénégal (Ajs) a dénoncé le phénomène du viol malgré sa criminalisation. 

« Aujourd’hui, après un an d’existence, force est de reconnaitre que le viol constitue encore une réalité au Sénégal. Il engendre des conséquences désastreuses sur les victimes. Il s’y ajoute aussi l’absence de mesures d’accompagnement pour les victimes telle que leur prise en charge dans des centres spécialisés pour bien les protéger. Il faut encore des efforts pour vulgariser la loi et mettre en place des mesures d’accompagnement », a-t-elle préconisé.

Ce qui faut également renforcer, a proposé l’Ajs, « c’est la lutte contre les violences faites aux femmes; les violences constituent les problématiques auxquelles les femmes sont confrontées », suggère-t-elle. L’Ajs, qui a comme missions d’accueillir, d’écouter de conseil, d’assister juridique et judiciaire, encourage les femmes à croire en elles à s’engager en politique à s’imposer et à ne pas baisser les bras.

« Le changement est un long processus, il vient avec le temps. Il faut se retrousser les manches et se battre jusqu’au bout. L’effort fait les forts. La violation des droits de l'homme la plus honteuse se caractérise sans doute par la violence à l'égard des femmes », a dit l'AJS.

Près de 20 cas de viols présumés en 3 mois au Sénégal : toujours des victimes hélas, malgré la loi criminalisant l'acte

Pourquoi le viol ne chute pas 2 ans après la promulgation de la loi ?



Malgré la criminalisation de la loi, le nombre de cas de viols ne semble pas baissé d’après les chiffres que nous avons recensés. Ces chiffres montrent à suffisance que les agressions sexuelles sont toujours monnaie courante au Sénégal. Pourquoi le viol ne chute pas 2 ans après la promulgation de la loi ?

 
L’avocat à la cour, Me Aboubacry Barro, Interrogé par PressAfrik en mai 2021, donnait les raisons de cette hausse des cas tout en pointant un doigt accusateur sur la loi portant criminalisation du viol qui, à l’en croire, « n’est soit opportune ou bonne ». 

« Je ne pense pas que la loi portant sur la criminalisation du viol soit la bonne. Parce qu’au départ, l’idée c’était d’endiguer le phénomène, mais à la longue, c’est une multitude de problèmes qui en résultent », a déploré la robe noire, d’entrée. 

Qui a poursuivi : « Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, on n’a pas tous les moyens nécessaires. Nous ne sommes pas en Europe, dans lesquels pays où les policiers, les gendarmes font les investigations nécessaires. Ici, ce n’est pas le cas. On n’a pas les moyens humains, il n’y pas assez d’officiers de police judiciaire enquêteurs qui puissent instruire avec tous les moyens qu’il faut à charge et à décharge. Ce qui fait qu’aujourd’hui, cette criminalisation du viol crée beaucoup plus de problèmes », a-t-il indiqué. 

Lesquels sont entre autres, « le manque criard de preuves, le problème d’investigation auquel sont confrontés les officiers de police judiciaire enquêteurs. Il s’y ajoute également le manque de moyens, le problème de contexte, de réalités socio-culturelles au Sénégal », a-t-il listé. Avant de regretter : « c’est ce qui fait que les prisons sont engorgés de présumés violeurs alors que la plupart sont des innocents». 

Autre problème lié aux nombreux cas de viol, a ajouté Me Barro, « Le temps de l’instruction criminelle n’est pas encadré. Il n’y a pas de délai limité c’est-à-dire le juge a largement le temps de pourvoir instruire contrairement en matière délictuelle où il a un délai de 6 mois », a-t-il déploré. 

« Après l’évènement de la loi portant criminalisation du viol, a-t-il indiqué, d’aucuns avaient espéré une chute considérable des cas de viols, ce qui n’est pas le cas ».

Et, a-t-il précisé, « le seul point qu’on pourrait soulevé, c’est qu’il y a une absence de communication, car les présumés violeurs sont dans les prisons, leurs dossiers sont en instruction, ce qui fait qu’il n’y a pas de chambre criminelle qui se soit tenue pour juger des cas de viols, parce que la loi est très récente ».

Pour étayer ses propos, l’avocat dit ne pas connaître de cas pour lequel aujourd’hui, la Chambre criminelle a statué pour une affaire de viol. D’où, la question de savoir s’il y a « une effectivité de l’application de la loi incriminant le viol ?

 « Il fallait aller vers un consensus, impliquer l’ensemble des couches de la société »

Si le législateur voulait réellement endiguer ce phénomène, il serait allé vers « un consensus ». C’est-à-dire, a-t-il expliqué, « Dès que la loi sur le viol a été incriminée, il fallait faire recours à l’expertise des magistrats, des gendarmes, l’administration pénitentiaire, des journalistes et pourquoi pas prendre en considération les revendications légitimes des associations féminines des victimes de viols ».

Tout ceci pour dire qu’il devait aller vers « l’ensemble des couches de la société avant le vote de la loi», a avancé la robe noire.  

« Si on veut lutter contre le phénomène du viol, il faut que ça soit dans le cadre d’une prise en charge communautaire ».

« Si on veut lutter contre ce phénomène, il faut que ça soit dans le cadre d’une prise en charge communautaire ». Tel est l’avis d’un autre avocat, contacté par PressAfrik, et qui a requis l’anonymat. 

Notre interlocuteur n’est pas du même avis que Me Barro. Selon lui, il faut chercher les causes de ces cas viols ailleurs que dans la criminalisation du viol. « Le fait de renforcer la répression fait partie de la prise en charge. La réponse à ces multiples cas de viol, ce n’est pas la répression du viol », a-t-il déclaré. 

L’avocat au barreau de Dakar donne quelques idées pour mettre fin à ce phénomène : « Si on veut lutter contre ce phénomène, il faut que ça soit dans le cadre d’une prise en charge communautaire. C’est-à-dire, il faut instituer une culture de la non-violence et du bannissement de toutes formes de violences à l’égard des femmes. Que la répression sociale soit un peu dans le milieu éducatif, dans la façon d’éduquer, dans la façon de concevoir la communauté d’une façon globale ». 

« La loi incriminant le viol est appliquée dans son effectivité »

A en croire l’avocat, la loi incriminant le viol est appliqué dans « son effectivité ». Car, les coupables de viol sont jugés comme des « criminels ». Mais le seul problème avec cette loi, « c’est le manque de communication ». 

« Cette loi déjà, elle n’est pas connue. En plus, un an c’est trop court pour avoir un effet dissuasif. Pour que l’effet dissuasif soit beaucoup plus fort, il faut d’abord que les gens soient au courant que le viol est criminalisée », a-t-il soutenu. 

Aminata Diouf

Jeudi 31 Mars 2022 - 16:18


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