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RCA: la société civile veut faire entendre sa voix à New York

Cinq personnalités de la société civile centrafricaine assisteront, ce 25 septembre, à la réunion de haut niveau de l’ONU à New York. Sur le terrain, le conflit en RCA est devenu très complexe, ont-elles expliqué lors d’une étape à Paris. En cause, l’instrumentalisation par les politiques du fait religieux, avec une minorité musulmane qui serait défendue par la rébellion Seleka. En toile de fond : l’influence du voisin tchadien et l’inertie de la communauté internationale.



Bangui, le 5 septembre 2013. AFP PHOTO / PACOME PABANDJI
Bangui, le 5 septembre 2013. AFP PHOTO / PACOME PABANDJI
Lors de la réunion de haut niveau sur la Centrafrique, ce mercredi 25 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, cinq personnalités de la société civile vont faire entendre leur voix. Deux ONG françaises, le Secours catholique et le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD ) leur ont permis de faire ce voyage - avec une étape à Paris, où ils ont donné une conférence de presse ce 19 septembre.

Sur place, la situation est devenue très complexe, ont-ils expliqué. Une coalition de groupes armés, la Seleka (« Alliance » en langue sango), a pris le pouvoir le 24 mars à Bangui, contraignant à l’exil le général François Bozizé, lui-même arrivé au pouvoir en 2003 par un coup d’Etat. Depuis, une situation d’anarchie prévaut : pillages et violences ont entraîné une très grave crise humanitaire.

La Seleka vise surtout des chrétiens

Mgr Nestor Désiré Nongo Aziagbia fait partie de la délégation. Evêque du diocèse de Bossangoa, une ville du nord-ouest du pays où les combats entre milices d’autodéfense et rebelles de la Seleka ont fait plus de 100 morts en septembre, il témoigne :

« Il existait déjà une cohabitation difficile entre les éleveurs venus du Tchad et les agriculteurs sédentaires... Les éleveurs ne sont plus armés de bâtons mais de kalachnikov, et profitent de la situation pour faire des razzias dans les champs des paysans. Toute réaction donne lieu à des représailles violentes, les éleveurs appelant la Seleka à la rescousse pour faire la justice à leur manière. Les paysans sont abattus et les villages incendiés. »


L’homme d’église, qui a fait les 14 et 15 septembre une visite dans la région avec l’archevêque de Bangui et le secrétaire général de la communauté islamique, a constaté que les « villages sont vidés de leurs populations, et que des hommes, des femmes et des enfants sont terrés en brousse comme des animaux ».

Selon les témoignages recueillis sur le terrain, les rebelles de la Seleka font sortir tous les musulmans des villages et promettent de revenir « ratisser ». Même à Bangui, la capitale, les pillages commis par la Seleka seraient « ciblés », visant surtout des chrétiens, ainsi que « certains musulmans qui ne sont pas d’accord avec la rébellion », note le révérend protestant Nicolas Guerekoyame Gbangou.
Béatrice Epaye, présidente de la fondation Voix du cœur, principale ONG de prise en charge et de réinsertion des enfants de la rue, précise de son côté que la Seleka a utilisé ces enfants pour piller, mais aussi pour creuser des fosses où les butins des rebelles ont été cachés à Bangui.

Empêcher l’affrontement interreligieux

Cette ancienne ministre, députée du nord-ouest et membre du Conseil national de transition (CNT), s’inquiète de l’instrumentalisation du religieux par les politiques. « La Seleka s’est appuyée sur les musulmans pour aller sur Bangui », affirme-t-elle.
Et d'ajouter : « Ceux qui ont été déchus du côté des chrétiens font comme s’ils organisaient une résistance contre les musulmans pour récupérer le pouvoir. C’est dangereux. » Principal accusé : le président destitué, François Bozizé, qui voudrait récupérer la résistance opposée à la Seleka par des milices d’auto-défense.

La Centrafrique compte 5,1 millions d’habitants, avec 85% de chrétiens et 15% de musulmans. « Depuis l’indépendance, tous les présidents ont été chrétiens, rappelle l’évêque de Bossangoa. D’où l’exaspération de la part des musulmans qui se considèrent à tort ou à raison comme une communauté négligée dans le nord-est du pays, alors que toutes les régions du pays et même la capitale manquent cruellement d’infrastructures. »

Le révérend Nicolas Guerekoyame Gbangou a été, en janvier 2013, l’un des initiateurs d’une plateforme des confessions religieuses, une première dans les nombreuses crises traversées par la Centrafrique. « Je suis engagé avec mes pairs pour ramener la paix et empêcher le projet d’affrontement interreligieux que les politiques veulent nous imposer, alors que nous cohabitons paisiblement depuis plus d’un siècle », dit-il.

« Le Tchad a-t-il carte blanche en RCA ? »

La rébellion au pouvoir a été officiellement dissoute et ses quelque 15 000 combattants doivent être désarmés. La Seleka reste un groupe disparate de cinq chefs. Parmi eux, l’actuel chef d’Etat, Michel Djotodia, qui n’a pas le contrôle sur tous les autres. Ces généraux sont perçus comme une force d’occupation étrangère dans la mesure où ils comptent des hommes comme Noureddine Adam, ministre de la Sécurité publique, réputé proche d’Idriss Déby, dont une partie de la famille se trouve au Tchad mais qui se revendique centrafricain. Le général Mohamed-Moussa Dhaffane, un Centrafricain de père soudanais, a quant à lui été arrêté le 30 juin par Michel Djotodia.

Selon l’évêque de Bossangoa, la Seleka est composée à « 70% de Tchadiens, à 20% de Soudanais et à 10% de Centrafricains ». Un propos tempéré par Mathias Morouba, le président de l’Observatoire centrafricain des droits de l’Homme (OCDH ) : « N’oublions pas que dans la Seleka, certains ont prêté serment sur la Bible et d’autres sur le Coran. »

Le rôle du Tchad, qui a envoyé le 23 septembre un bataillon de 400 hommes pour renforcer la Force multinationale des Etats d’Afrique centrale (Fomac ) et remettre de l’ordre en Centrafrique, prête à de nombreuses questions. « Le Tchad a-t-il carte blanche en RCA pour bons services rendus au Mali ? », s’interroge ainsi Béatrice Epaye.

De son côté, Mathias Morouba se demande quel est le jeu d’Idriss Déby : « Les rebelles du Sud du Tchad opposés à Déby sont occupés à piller en RCA, et les objets volés se retrouvent sur les marchés du Tchad ».

Le bilan, en termes de violations de droits de l’homme, est difficile à chiffrer, mais des exécutions sommaires ont été commises par la Seleka comme par l’armée régulière de Centrafrique, selon Mathias Morouba. Les corps de 40 personnes abattues en décembre 2012 ont été retrouvés dans une fosse commune, à 45 km de Bangui. Une fillette de onze ans aurait subi un viol collectif à Mobaye, un village situé à 600 km de Bangui, en représailles à des actes de résistance posés par des jeunes commerçants rançonnés par des rebelles de la Seleka sur le marché.

L’inertie de la communauté internationale

Dans ce contexte, les représentants de la société civile regrettent les longs mois d’inertie de la communauté internationale, qui commence à se saisir du dossier. « La Fomac devait passer de 730 à 2 000 personnes depuis avril, mais on n’a pas vu ces renforts arriver, regrette Béatrice Epaye. On entend parler d’une Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la Misca, composée de 3 600 hommes qui la remplacerait, sous l’égide de l’Union africaine. Mais la Misca n’est pas là non plus. La Communauté économique des Etats d’Afrique centrale et l’UA se disputent pour prendre le contrôle des opérations. Pendant ce temps, les gens souffrent. »

La France sera sans doute interpellée lors de la réunion du 25 septembre à New York, qui devrait se dérouler en présence de Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères. Conscient de cela, ce mardi 24 septembre à la tribune de l'Assemblée générale, François Hollande a lancé un « cri d'alarme » pour la RCA.

Nestor Désiré Nongo Aziagbia, l’évêque de Bossangoa, n’est pas le seul à s’indigner : « Il y a 450 militaires français à l’aéroport qui ne font rien ! Pourquoi une action spontanée et efficace au Mali et pas en République de Centrafrique ? François Hollande a dit qu’il n’y aura pas d’intervention militaire chez nous, mais on a des accords de défense depuis les années 1960. On ne peut pas laisser tout un pays partir en fumée ! »

Source : Rfi.fr

 

Dépéche

Mercredi 25 Septembre 2013 - 11:29


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