Sur sa page officielle Facebook, le parti séculier Nida Tounes écrit : « Nous avons gagné, vive la Tunisie ». De son côté, le chef du parti islamiste tunisien Rached Ghannouchi a appelé Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounes, et l'a félicité pour sa victoire. C'est la fille de M. Ghannouchi, Soumaya, qui a délivré cette information sur Twitter. M. Essebsi l'a ensuite confirmée dans un entretien accordé à nos confrères de France 24.
« Jusqu'à présent, nous savons que Nida Tounes est en tête, a affirmé M. Essebsi sur France 24. Et d'ailleurs, le président de notre vis-à-vis Ennahda, qui est le deuxième parti après Nida Tounes, vient de me téléphoner pour me féliciter de la victoire de Nida Tounes. Je l'ai remercié évidemment, et j'ai beaucoup apprécié ce geste. »
Une dizaine de sièges à l’Assemblée séparerait les deux grands partis rivaux, selon le porte-parole d’Ennahda. Zied Ladhari assure que le parti islamiste aurait ainsi 70 députés contre 80 pour Nida Tounes. Ce lundi midi, le réseau d'observation Mourakiboune avait déjà confirmé la tendance, avec les chiffres suivants : environ 37% de voix pour Nida Tounes, et 28% pour Ennahda.
L’heure est donc au bilan pour Ennahda, qui avait pourtant remporté les précédentes élections en 2011, mais qui semble aujourd'hui pâtir de l'usure du pouvoir. Ce lundi, au siège du mouvement à Tunis, les militants dépités ont tenu des débats houleux. Plus que la défaite, c’est le score de Nida Tounes qui inquiétait par exemple Teycir ben Salem, membre du bureau des jeunes d’Ennahda, qui confie :
« On a des scores pas du tout honteux, mais on est déçus, parce que Nida Tounes est fait de personnes de l'ancien régime. Pour un pays comme la Tunisie, celui qui a déclenché le " printemps arabe ", c'est vraiment très triste que ça se termine comme ça. Ce sont des gens qui ont déjà pris les rênes de la Tunisie, et on a vu ce qui s'est passé. Je suis triste pour les martyrs de la révolution, triste aussi pour les gens qui se sont battus, qui ont donné leur vie, ou qui ont passé la moitié de leur vie en prison. »
D’autres sont plus en colère contre leur mouvement. Le renouvellement des cadres d’Ennahda, qui avait failli se faire avant les élections (une consultation interne en avril en avait finalement décidé autrement), devrait être à l’ordre du jour du prochain congrès. Fathi, militant en banlieue de Tunis, livre l'analyse suivante : « Depuis les premières élections de 2011, il y a des fautes stratégiques. Ce sont les fautes des leaders. C'est le moment pour de la nouveauté, oui. »
Comme attendu, aucun parti n’aura en tout cas la majorité absolue. Le vainqueur devra donc faire des alliances. Avant le scrutin, un accord entre Nida Tounes et Ennahda n'était pas exclu. Du côté de Ennahda, Zied Ladhari l'a de nouveau confirmé lundi soir : son parti défend l'idée d'un gouvernement d'union nationale, option la plus appropriée selon lui pour cette phase de transition que vit le pays.
Le vainqueur des élections envisage-t-il de répondre à cette main tendue ? Interrogé à deux reprises par France 24 sur ce point, Béji Caïd Essebsi reste prudent : « Il est prématuré de penser à cela, parce que nous estimons que l'opération électorale est double ; il y a les élections pour les législatives, et la présidentielle. C'est après la fin de la deuxième phase que nous saurons dans quelle direction nous allons opérer. »
Et de préciser : « Nida Tounes a toujours affirmé que même s'il obtenait la majorité absolue à lui seul, il ne gouvernerait pas tout seul, mais rechercherait un consensus avec d'autres sensibilités politiques. » Y a-t-il une alternative à Ennahda ? Le parti pourrait se tourner vers les alliés destouriens, qui se revendiquent de l'héritage de Bourguiba, prédécesseur de Ben Ali.
Selon les tendances disponibles, indépendamment les uns des autres, les partis secondaires en lice dans ce scrutin seraient loin derrière. Le troisième de l'élection aurait à peine plus de 4% ; il s’agirait de l’Union patriotique libre (UPL) du milliardaire controversé Slim Riahi. Quant à Ettakatol et le CPR, les alliés d’Ennahda dans la coalition, qui avait pris le pouvoir en 2011, ils semblent complètement à la traîne.
Prochain enjeu désormais : la présidentielle du 23 novembre. Ennahda n'a pas présenté de candidat. Il appuiera une personnalité dite de consensus. Les dirigeants vont désormais en discuter.
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